Un chapitre / Une musique

If You Want · David Lavoie · Carson Tworow

https://www.youtube.com/watch?v=4UsS-691Wco

*

Jeudi 16 juillet 1981.

Hier, mon père a été amorphe toute la journée. Au dîner, il a enfin daigné m’adresser la parole, mais je suis resté une vraie tombe. J’ai décidé de lui faire la gueule, en écoutant de la musique, isolé dans ma chambre. Il a crié pour que je baisse le son. Je ne lui ai pas donné ce plaisir, histoire de bien lui faire comprendre qu’il avait merdé à boire autant. D’ailleurs, il n’a pas insisté. J’ai baissé le volume seulement vers minuit.

Ce matin, j’attends qu’il soit parti travailler pour me lever. Pas envie de le croiser. Je m’affale, avec mon bol de café, devant les dessins animés qui passent à la télévision. Je finis par sortir de ma léthargie. Je vais prendre une douche pour me réveiller complètement. Une fois habillé, je regarde l’état du frigo. Il va falloir faire des courses. Je verrai ça ce soir avec mon père. En attendant, je peux toujours aller chercher du pain à pied.

*

— Attention Alexandre, tu vas tomber ! Qu’est-ce qui t’arrive ? On dirait que t’as vu la Vierge !

Il n’a pas l’air de comprendre ce que je viens de lui dire.

— Oh Lucas, je ne t’avais pas vu.Tu ne crois pas si bien dire. Enfin, non…

— Je viens de te voir sortir de la boulangerie. Qu’est ce que cette vieille commère de mère Langlois t’as raconté ?

— Heu, et bien…La légende de votre cascade. Et juste avant, j’ai croisé le curé et madame Desbois….

Je me mets à rire.

— Ah oui, je vois, une pierre, deux coups. La mère Desbois, la pauvre, est toujours fourrée à l’église depuis…non rien, tu vas te faire des idées sur les gens d’ici, du genre superstitieux et arriérés de la campagne profonde. Alors cette bibliothèque ? Vous avez fini de ranger vos livres ?

— Pas encore, mais nous aurons fini aujourd’hui, je pense.

— Elle peut pas se débrouiller toute seule, ta mère ? Comme elle m’a demandé de te sortir, que dis-tu d’aller voir notre fameuse cascade ! Je te promets que personne ne s’amusera à te lancer des pierres, ni à t’éclabousser.

Alexandre me regarde, l’air suspicieux, le sourire en coin.

— Si tu le dis ! je demande à ma mère, ça ne devrait pas poser de problème.

— 14h chez toi ? Je te montrerai un chemin pour arriver directement à la rivière, au lieu de passer par le village.

— C’est parfait pour moi.

— Super, hâte d’être à cet après-midi, dis-je.

Je le vois aussi ravi que moi. Nous repartons chacun de notre côté. Je suis vraiment impatient de lui montrer nos belles cascades. Il va adorer, j’en suis sûr.