Un chapitre / Une musique

Gnossienne 1 - Erik Satie

https://www.youtube.com/watch?v=oOTpQpoHHaw

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Mardi 14 juillet 1981.

Je regarde ma mère se faire une tisane. Malgré la fatigue, elle a retrouvé une once de gaîté.

— Tu en veux une ? dit-elle.

— Non merci, je crois que je vais aller au lit directement.

— Ton père est déjà monté, lui. Je vois que tu as passé une bonne soirée. À ma grande surprise, je dois reconnaître que nous aussi. Les Leduc sont plutôt sympathiques. Ils ont une fille bien élevée. Juliette a l’air très gentille. Non ?

— Oui, ça va. Mais elle est un peu trop curieuse à mon goût.

Ma mère sourit, songeuse.

— Et dire que tu vas bientôt avoir 17 ans. L'âge de tomber amoureux.

Je lève les yeux au ciel.

— Considère que je n'ai rien dit. Lorsque tu rencontreras une fille qui te plaît vraiment, promets-moi de la respecter et de ne pas la forcer à faire quelque chose dont elle n'aurait pas envie, dit-elle en s’asseyant.

Pourquoi me dit-elle ça ? Et pourquoi ai-je l'impression qu'elle va se mettre à pleurer ? Elle lit mon malaise sur mon visage.

— Ne fais pas attention à ce que je dis mon chéri. Je veux juste te faire comprendre…

Mais elle ne réussit pas à finir sa phrase.

— Maman, ça va ?

Soudain, j'entends l'eau qui bout dans la casserole. Je me précipite pour arrêter le feu et éponger.

Ma mère reprend le contrôle d'elle-même.

— Va te coucher Alexandre, je vois bien, tu es mort de fatigue. Mais avant, viens embrasser ta chère mère, me dit-elle, en me tendant la joue.

Je m'exécute avant de monter dans ma chambre. Mon père a retrouvé un jeu de clés dans le sous-sol, je peux désormais m'enfermer dans ma chambre quand je veux. Je me glisse dans mon lit froid. J’ai du mal à le réchauffer. Je reste songeur quant à ce qui vient de se passer. Décidément, j'ai vraiment l'impression que mes parents me cachent des choses. Mais ce soir, je n'ai pas encore envie de m'inquiéter.

Malgré la fatigue, je préfère glisser ma main dans mon pantalon de pyjama en coton, pour me changer les idées. Mon sexe enfle lentement. Je pense aussitôt à Lucas que j’ai aperçu plusieurs fois dans la soirée. Sur le stade de foot, il était avec un autre garçon. Un de ses amis, j’imagine. Et puis sur la place du village, lorsque je dansais avec Juliette. Quand nos yeux se sont croisés, je me suis dit qu’hier, j’avais été bête de m’être emporté contre lui. Ce n'était qu’une farce ! Je m’en veux. Il était si attirant ce soir avec son t-shirt noir évasé et son pantalon en jean. Il a un si beau regard.

Ce soir, j’ai joué au fils modèle avec Juliette. Je n’ai pas passé une mauvaise soirée en sa compagnie, mais je n’ai pas aimé son attitude fière et sûre d’elle. Si elle croyait que j’allais lui tomber dans les bras, elle s’est trompée dans les grandes largeurs. Elle ne me fait aucun effet. Contrairement à Lucas. Son visage occupe entièrement mes pensées. Je m’imagine poser mes lèvres sur celles de ce garçon. Oui, un garçon. Ce serait la première fois de ma vie. Rien que cette idée m'excite gravement. Oserai-je assouvir mon désir avec lui ? J'ai conscience que je suis d'une grande naïveté qui confine à la bêtise. Non seulement un garçon comme lui doit sûrement avoir une petite amie ou des dizaines de prétendantes à ses pieds, mais en plus, s'il savait que je le regarde avec envie, il serait choqué voire en colère et me fuirait comme la peste. Je devienrais la risée de ses camarades et rapidement de tout le village. Pourquoi faut-il que je me torture, là, maintenant ? Cela me coupe dans mon élan. La fatigue prend le dessus et je m’endors aussitôt.