Un chapitre / Une musique

Jóhann Jóhannsson & Jonas Colstrup - Beauty (Blind Massage)

https://www.youtube.com/watch?v=K86n_SKUTZY

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Dimanche 02 août 1981.

Ce matin, je me suis réveillé avec de la fièvre. J’ai passé une nuit atroce, à cauchemarder. Je n’ai rien pu avaler au petit-déjeuner, hormis une tisane. Je suis resté toute la matinée dans ma chambre, enveloppé dans une couverture, à regarder la pluie tomber en continue. Le seul avantage d’être malade, c’est qu’au moins, je n’ai pas eu à subir la messe. Gaspard est gentiment venu prendre soin de moi et voir comment je me portais. Vu ma tête, il a vite compris qu’il était préférable de me laisser me reposer. Il avait sa voix rassurante, celle du cousin que j’ai toujours connu, et non pas celle de l’homme qui s’est effondré dans mes bras il y a deux jours à peine. Avant d’aller à la messe, ma mère, elle aussi, est passée me voir. Elle était aux petits soins, me demandant si je souhaitais un livre ou une autre boisson chaude. Je ne peux pas m’empêcher de l’imaginer dans les bras de Gaspard, ça me met mal à l’aise.

Juliette aurait-elle inventé ce mensonge pour se venger de l’avoir éconduit mercredi dernier ? C’est le dernier espoir auquel je m’accroche. Mais il est temps pour moi que j’affronte la réalité en face. Il y a trop de signes convergents. Comment ai-je pu ne pas les voir avant ? Je n’arrive plus à réfléchir, juste à m’enliser un peu plus dans ce tourbillon de mensonges et de conjectures qui aboutit seulement à me déprimer. Malgré la fièvre, je me console en me remémorant ma nuit inoubliable avec Lucas. Il n’y a que lui qui réussisse à m’apaiser et à supporter mon état fiévreux.

La journée est passée sans que je ne m’en aperçoive, entrecoupée de siestes. Je n’ai finalement pas quitté ma chambre hormis pour le dîner. Mon père est resté une bonne partie de l’après-midi dans son bureau. Il arrive à table, mais je vois bien qu’il a l’esprit ailleurs. Mon cousin arrive à son tour, traînant des pieds. Il a l’air de s’être ennuyé toute la journée. Ma mère nous sert un plat de spaghettis qui s’avèrent trop cuit. Personne ne souhaite alimenter la conversation qui se résume aux bruits de nos couverts et à quelques remerciements polis. Le temps pluvieux a définitivement alourdi l’ambiance cafardeuse de la maison. Inutile de s’attarder sur mon assiette, je n’ai pas spécialement faim. Je remonte dans ma chambre, reprends ma lecture de L’étranger de Camus, mais je n’arrive pas à me concentrer dessus. Le sommeil vient me cueillir assez tôt dans la soirée. Je ne lutte pas. Une bonne nuit ne peut me faire que du bien.

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Deux jours que ça se bouscule dans ma tête. Alex, Alex, Alex. Je me repasse en boucle notre sortie nocturne de vendredi soir. Qu’est-ce qui m’a pris avec lui ? Que va-t-il réellement penser de moi ? Pourquoi l'ai-je pris dans mes bras ? Et si j’avais tout gâché ? Faut-il que je le rappelle ? Et si on se revoit, qu’est-ce que je vais lui dire ? Ah, ça m’énerve tout ça. Je n’arrive pas à réfléchir convenablement. J’en suis à ma troisième cigarette en moins d’un quart d’heure et je ne suis toujours pas calmé. Une chose est certaine, ce que je ressens pour lui est bien différent de l’amitié que je partage avec Mathias. Je n’ai jamais été attiré par lui. En revanche, ce qui se passe dans mon slip quand je pense à Alex est bien la preuve que je suis attiré par ce garçon. Ce n’est plus la peine de me persuader du contraire. Cela expliquerait aussi pourquoi je n’ai pas réussi à coucher avec Juliette. C’est comme si je le savais déjà, mais que je ne me l’étais jamais avoué.

Heureusement que mon père ne me fait pas chier du week-end, car j’ai besoin d’être seul. Quand je suis descendu déjeuner, il avait fait le ménage dans toute la maison. Je n’en suis pas revenu. Qu’est-ce qui lui prend d’être aussi efficace ? Il s’est même foulé pour faire la cuisine. Il cache un truc, ce n’est pas possible autrement. À moins qu’il mette en application ce qu’il m’a dit. Va-t-il vraiment changer ? Je reste très sceptique.