Famille unie
Un chapitre/ Une musique
No - Robag Wruhme
https://youtu.be/Wp5WTZ98t8A
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Samedi 8 août 1981
Cette nuit, je me suis réveillé plusieurs fois pour relire la lettre de Gaspard. Il est seulement 8h du matin, mais je n’ai plus envie de dormir même si je me sens épuisé. J'ai le cœur lourd de le savoir parti. J’ai aussi de la peine pour ma mère, même si cela m’est inconfortable de penser qu’elle puisse avoir des sentiments pour mon cousin. Je comprends à présent ses sautes d'humeur depuis que nous sommes ici. Je leur en veux de m’avoir gâché ma soirée, alors que je venais de vivre la plus belle expérience de toute ma vie avec Lucas. Ils m’ont obligé à penser à eux, à me confronter à leur histoire. J’ai envie d’être égoïste, de les fuir dès que possible, le plus longtemps possible. Voici ce à quoi j’aspire pour le reste des vacances. Ce qui arrive à mes parents et à mon cousin ne me concerne plus. Fini de souffrir à cause d’eux.
Le petit déjeuner ressemble étonnamment à n’importe quel matin. À croire que l'absence de Gaspard ne fait aucune différence.
— Si nous passions la journée tous les trois ? Nous pourrions aller à la rivière, qu’en pensez-vous ? s’exclame ma mère, qui a la volonté de sourire quoi qu'il en coûte.
— Désolé, mais je suis épuisé ma chérie, une autre fois. Allez-y tous les deux, dit mon père.
Comment fait-il pour faire comme si de rien n’était ! Il n’a donc aucun sentiment ?
— J’ai prévu de voir Juliette aujourd’hui, dis-je.
— Pas la peine de mentir, réplique mon père. J’ai bien compris que je ne pourrais pas t’empêcher de fréquenter ce Lucas Mercier.
Le téléphone sonne dans le salon.
— J’y vais ! dis-je.
C’est lui au téléphone, comme je l'espérais. Écouter sa voix me rassure instantanément, je suis hors du temps. Je ris bêtement à ce qu’il dit. J'acquiesce à toutes ses demandes. Je ferais n’importe quoi pour lui faire plaisir. Mon père arrive dans le salon, il me regarde durement. Je lui tourne le dos et raccroche rapidement.
Ma mère passe son temps à lire sur sa chaise longue, à l’ombre du tilleul, son refuge. C’est aussi le mien cet après-midi. Je m’adosse à l’arbre, les écouteurs de mon walkman sur les oreilles. Je regarde au loin sans me fixer sur un point précis, emporté par la musique. Et dire qu’il va falloir attendre demain pour que je revois Lucas. Cela me paraît une éternité.
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