Enfin entière
Un feu s’éveilla en elle, d’abord timide il devint un puissant brasier qui s’empara de tout son être. Ils flairèrent sa présence en même temps qu’elle remarqua la leur et elle sut aussitôt qu’ils étaient à l’origine de cette agréable chaleur. Elle perçut leur majesté avant même de les voir. Son sang bouillonnait sous sa peau, prêt à jaillir de tous ses pores d’impatience. Ils la saluèrent à son de trompe et d’un cortège de hochement de leurs têtes cornues, se dressèrent fiers et magnifiques, brillants de leurs écailles chatoyantes. Lorsqu’ils furent rassasiés de son admiration, ils crièrent dans une cacophonie qui se mua en un chant harmonieux ; Elise était persuadée d’y percevoir des voix, la langue lui échappait mais elle avait au moins une certitude : ces voix étaient anciennes, peut-être aussi vieilles que le monde.
Ils étendaient le cou, arborant une longue nuque écailleuse translucide superbement teintée d’une myriade d’étoiles arc-en-ciel. Ces dernières s’illuminaient au rythme des vibrations de la mélodie qu’ils tonnaient.
Ils l’accueillaient en leur sein.
Ils l’avaient longtemps attendu.
Leur sang ne faisait qu’un.
Leur âge d’or allait resurgir.
Ils l’accueillaient en leur sein, la fille du dragon ancien.
Leur chant la frappait par vagues d’onde, presque visible à qui y prêterait attention. Ils parachevaient sa métamorphose, la bénissaient.
Une lueur jaune perça l’obscurité de ses iris, reptilienne et ancienne.
Lorsque le silence tomba sur la montagne, Elise, tétanisée par la puissance qu’ils projetaient en elle, les regardait affaisser leur corps de géants à même le sol. Ils se soumettaient à elle et s’exposaient à sa lame. Elle était déchirée par des sensations contradictoires : entre stupéfaction et bonheur d’être enfin complète et cette désapprobation de voir leur majesté ainsi soumise.
Ils l’accueillaient en leur sein.
Elle était la marquée et ne pouvait plus aujourd’hui nier son destin.
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