L'araignée
31 mars 2016
Ce matin j'ai assassiné une araignée. Une petite araignée de couleur brun clair avec huit pattes comme il se doit. Ce petit animal solitaire et nocturne se promenait sur le lavabo. Appelons la Octopus puisqu'elle semblait aimer l'humidité. J'ai hésité avant de commettre ce geste barbare, mais je l'ai fait et je n'en suis pas fière. En jetant sa dépouille dans la poubelle je me suis demandé de quel droit j'avais pu commettre un tel acte. Cet être vivant avait une très longue histoire derrière lui, ses ancêtres se comptent par milliers et il aurait donné naissance à une multitude de descendants. J'ai stoppé net ce parcours. Elle n'a pas souffert, la mort fut instantanée, il n'en reste pas moins que j'ai interrompu un cycle de vie, j'ai coupé le fil qui reliait des générations de petits êtres vivants.
Les araignées sont apparues sur terre, il y a environ 400 millions d'années, soit 340 millions d'années avant la naissance des premiers primates dont l'auteur de ce crime est l'héritier. Cela impose un certain respect.
Pour que cette araignée... pardon, pour qu'Octopus croise mon chemin, il a fallu que tous ses ancêtres donnent la vie avant de mourir eux-mêmes. C'est une chaîne impressionnante de hasards, d'aventures, de catastrophes évitées de justesse, bref une série de miracles pour que depuis ce demi milliard d'années une chaîne ininterrompue de descendants aboutisse à cette rencontre éphémère et fatale. Quatre cent trente millions d'années effacés en une fraction de seconde. En rompant cette chaîne j'ai aussi détruit des millions de vies futures. Le jour où l'homme prendra soin de tous les êtres vivants comme de lui-même il pourra vraiment se qualifier d'homo sapiens. Il y a encore du chemin à parcourir. Espérons qu'un démiurge ou un titan ne mette pas un terme à notre parcours en écrasant distraitement cette poussière d'étoile sur laquelle nous vivons.
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