Autrefois, l’humanité était une race prospère et dominante sur la planète. Elle comptait des milliards d’hommes, de femmes, de vieillards et d’enfants. Mais, un beau jour, un cataclysme survint. Un évènement sans précédent qu’ils leur étaient impossible de prévoir.

 Une ombre tomba des cieux, une météorite, une créature : quelque chose que la science ne parvenait pas à expliquer. Lentement, elle se nourrit de la terre, de la vie environnante ; elle brisa la tranquillité de la planète, forma un nuage opaque dans le ciel qu’elle noircit de sa faim insatiable.

 Afin de s’en protéger, l’humanité dut se réfugier dans des mégapoles souterraines à l’abri de l’avarice de l’entité qu’ils nommèrent : « Cataclysme ». Seulement, pour sauver son espèce en perdition, elle commit aussi l’ignominie. L’humanité condamna des villes à la mort en faisant discrètement ingérer à ses habitants un poison capable d’atteindre le Cataclysme, pour ensuite le laisser les dévorer.

 Ainsi, des milliards de vies furent perdues.

 Dans les ruines de l’une de ces condamnées : un homme survivait toujours. Il était grand, la chevelure flamboyante, recouvert d’une tunique immaculée et d’un masque blanc. Il était assis en tailleur devant un gros champignon vert luminescent, son chapeau turgescent donnait la vague impression qu’il respirait ; ses congénères recouvraient les façades des immeubles d’acier, les trottoirs abîmés, les décombres et les objets divers qui encombraient les rues après les nombreux pillages. Ces champignons étaient sa seule source de lumière en ce monde.

 Il était le seul survivant de cette apocalypse. Il repensait à toutes ses erreurs, à tout ce qu’il avait perdu par sa faute. Sa femme. Sa fille. Ses sœurs. Son avenir. Il avait tant péché qu’il ne pouvait s’en pardonner. Il désirait se donner la mort, mais en était incapable. Il voulait retrouver les siens, mais ce doux rêve lui était inaccessible.

 Soudain, traversa la bulle de lumière, une petite araignée courte sur pattes. Ce qui aurait pu être anodin ne l’était pas réellement. Plus rien ne devrait avoir survécu à part lui.

 Il la suivit du regard, d’abord étonné, puis interloqué.

 « Que fais-tu là, petite demoiselle ? » se questionna-t-il à voix haute.

 Elle s’arrêta à la bordure de la lumière, se retourna vers lui, leva une patte comme pour le saluer et s’enfonça dans les ténèbres massées tout autour.

 Il la pensa morte. Mais. Elle revint pour pousser un tout petit couinement et repartit en dandinant son abdomen. Elle refit ce manège à plusieurs reprises. Jusqu’à ce que l’homme se décida à se lever.

 Il inspira profondément face aux ombres passives. Peut-être était-ce l’une de leurs tromperies pour l’inciter à quitter son refuge. Mais une vérité lui vint à l’esprit : « Je suis déjà mort. Pourquoi craindre l’immuable ? » Les ténèbres l’avaient bien compris, elles.

 Il franchit la limite, lorsque soudain, derrière lui, s’élança une marée d’araignées ; tant, qu’elles tapissèrent le sol de leurs noirceurs, et jetèrent leur dévolu sur le pauvre champignon qu’elles découpèrent en petits cubes.

 Plongé dans les ombres épaisses, l’homme vit que la petite araignée qui l’avait intrigué lui tapotait maintenant le bout de la chaussure. Il eut l’étrange impression qu’elle le remerciait de s’être poussé.

 De l’autre côté, un lacet de lumières verdoyant se formait dans la nuit. Un chemin vers une destination inconnue qu’il décida de suivre. Il ne comprenait pas ce qu’il se passait. Il s’en fichait. Ce qui l’intéressait, c’était cette vie grouillante. Une étrange fascination naquit en lui. Les araignées avaient évolué pour survivre dans ce monde dominé par le Cataclysme. Il les respectait. Les admirait, même.

 Après quelques minutes, il arriva face à une ancienne boutique remise au goût du jour ; au-dessus de la vitrine, les araignées s’activaient pour former des lettres en cubes de champignons.

 Il lut l’enseigne pataude qui en naquit :

 « Ninil Mushroom. »