Le Monstre et l'Enfant.
L’homme regardait la paume ouverte de sa main gantée ; et le bouquet de champignons luminescents émergeant d’une fissure dans le trottoir. Par le passé, son espèce avait créé une telle lumière pour combattre le Cataclysme. Un poison pour cette odieuse existence.
Il referma son poing. Cette arme qu’il avait si longtemps forgée. Jadis, il eût combattu la force ineffable qui se dressa devant lui. Une bataille jouée d’avance qu’il ne put se résoudre à terminer. Il partit dans l’ultime instant de l’humanité. « Pourquoi ? s’interrogea-t-il, face à sa faiblesse. Pourquoi a-t-il fallu que tu commettes toutes ces horreurs ? Pourquoi as-tu anéanti tant de vies ? Quelle tristesse », soupira-t-il, alors que les champignons gonflaient et luisaient de mille feux. Debout, il fit un pas en arrière. Que leur arrivaient-ils ? C’est comme si le poison se répandait de nouveau dans le ventre du Cataclysme. Était-ce ses dernières heures qui s’annonçaient ?
« Papa ? » s’éleva soudain une voix enfantine derrière lui.
Il n’osa pas se retourner de crainte d’y voir les ténèbres.
« Papa… » reprit-elle.
Il maudit ces illusions.
« Papa ! » s’exclama-t-elle plus fort.
Incapable de se retenir plus longtemps, il jeta un regard par-dessus son épaule ; et y vit une enfant timide, vêtue d’une robe bleue pressée par ses petits doigts boudinés. Pieds nus, sa chevelure blonde et soyeuse tombait sur ses talons. Mais ce qui l’effraya, fut le gigantesque mur de ténèbres, derrière elle, qui la dévorait en partie.
Elle lui lança un regard innocent ; ses traits poupins se déformèrent avec lenteur en un masque de souffrance, sa robe se pressa contre son corps ; une force malsaine l’attirait vers elle. « Papa ! l’appela-t-elle, en pleure. Papa ! » Elle tendit un bras vers lui, avalée par l’avarice des ombres. Sans attendre, il s’élança par instinct. Et plongea les mains dans les ténèbres aqueuses pour la sortie des abysses. La fillette sanglota contre son épaule, fermement agrippée à sa tunique.
« C’est fini, lui chuchota-t-il à l’oreille. Tu ne risques plus rien. »
Il l’écarta doucement pour admirer son visage laiteux, rougit par la peur et le chagrin. Et réprima un soupir. Ce n’était pas sa fille. Il s’était trompé. La sienne n’était plus depuis longtemps. Mais, il ne put se résoudre à abandonner cette petite. Il la porta dans ses bras, aussi légère qu’une plume.
« Je veux maman ! s’écriait-elle, le nez enfoui dans son cou.
— Je peux l’être », répondit-il d’une voix de femme, mais l’enfant lui fit comprendre qu’il était son papa et non sa maman. Il ne connaissait qu’une autre personne pouvant prétendre à ce titre. Bien que l’idée d’y retourner ne lui plaisait pas. Il passa une main dans ses cheveux. « Alors, je serais ton papa, petit être… Petite humaine. Petite fille… »
Il réfléchit à d’autres sobriquets plus convenables pour un enfant.
« Oh. Je sais. Petit champignon d’or. »
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