Chapitre 1 - Introspection
7h45, le réveil sonne. Je tâtonne avec ma main pour essayer de trouver ce foutu réveil qui me vrille les tympans. Les quatre derniers épisodes de ma série du moment étaient peut-être les quatre épisodes de trop. Résultat, je me suis couché à 3h00 du mat’ et je vais sûrement avoir du mal à assumer les cours d’histoire-géo et de SVT de la matinée. Et encore j’ai la chance de pouvoir me lever aussi tard !
Les deux ou trois premières semaines de cours, j’avais réussi à me trouver un équilibre entre les loisirs, les devoirs et le sommeil. Mais c’est comme les bonnes résolutions du nouvel an, ça dure pas bien longtemps.
Bref, je me lève avec nonchalance et je me dirige de suite vers la salle de bain. Je quitte mes affaires sans aucune vigueur, et je m’installe tranquillement sous la douche.
L’eau tout juste tiède ruisselle le long de mon corps d’à peu près 1m75, un peu trop pâle à mon goût. Les muscles qui se dessinaient par-ci par-là sur mon corps ne sont que des reliques du passé ; pour cause une excroissance au niveau de mes deux genoux qui m’a forcé à arrêter le basket il y a de cela trois ans.
Aujourd’hui, mon corps en général est bien moins athlétique qu'il a pu l'être. Mes mollets se sont un peu ramollis, mes cuisses ne se sont pas spécialement développées, ainsi que mes abdominaux, mes pectoraux, et puis tout le reste en fait... Après pour mes bras j’ai peut-être ma petite solution miracle : le professeur d'EPS, bien que je sois dispensé de sport cette année encore, m’a autorisé à participer aux cours extrascolaires de boxe qu’il organise au sein de l’établissement. A condition que je ne participe pas aux concours de fin d’année, mais ça m’importe peu.
Je m’applique bien à me savonner de partout, avec vigueur cette fois-ci, avec des shampoings et gels douches aux fragrances fleuries. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus viril, mais j’aime par-dessus tout sentir bon, et les filles me le rappellent souvent.
Tiens d’ailleurs, j’ai remarqué que Laurène me tournait pas mal autour ces derniers temps. Je me fais peut-être des idées, mais elle me sourit toujours quand nos regards se croisent. C’est même elle qui a décidé de se mettre avec moi pour les travaux de groupe en cours de chimie. Je devrais essayer de me rapprocher d’elle, elle est sympathique et assez mignonne pour ne rien cacher.
Perdu dans mes pensées, je me rince et m’essuie en me pressant un peu, j’ai peut-être trop trainé sous la douche. Face au miroir, je m’imagine à la place de Laurène en même temps que je me brosse les dents. Cheveux châtains-blonds en brosse, yeux mi-bleus mi-verts, tête plutôt allongée, rien de disproportionné à première vue, c’est possible qu’elle puisse me trouver un certain charme. Ni boutons ni appareil dentaire, la nature m’a épargné de ce côté-là jusqu’à maintenant.
Je finis le reste de ma toilette : coton-tige, peigne, déodorant, parfum… Je récupère les quelques affaires dont j’aurai besoin aujourd’hui et voilà, c’est parti pour ce long périple de cinq minutes de marche jusqu’à l’école. Oui, pour ceux qui se posent la question, j’ai boudé le petit déjeuner. A vrai dire, j’en ai jamais vraiment pris.
J’effectue mon trajet sereinement sous un temps plutôt clément pour un mois de Novembre. Il ne fait pas trop froid, il y a juste une légère brise qui n’est pas si désagréable. Face au grand portail en fer forgé, je regarde ma montre qui affiche 8h20. Ça va, j’ai un peu d’avance pour pouvoir discuter avec mes potes qui sont là depuis déjà dix bonnes minutes, étant soumis aux horaires capricieux des bus scolaires.
En les rejoignant, je vois à ma droite Aleksy rire à gorge déployée avec son groupe d’amis, positionné comme à l’accoutumée sur les bancs face au petit étang. C’est vrai qu’on ne traîne pas ensemble pendant les pauses ou après les cours. Même si nous arrivons toujours à partager de bons délires pendant les heures de cours, nous n’avons pas vraiment les mêmes centres d'intérêt ni le même caractère. Mon groupe est plutôt réservé, posé tandis que le sien est vraiment expansif, provocateur et surtout très populaire.
A vrai dire, je n’ai rien contre son groupe. Je m’entends avec tout le monde dans l’école, j’évite à tout prix de devoir prendre le parti de quelqu’un lorsqu’il y a des embrouilles. C’est peut-être pas l’attitude la plus éthique, mais en tout cas c’est celle qui me permet d’éviter tous les problèmes. Seulement, je trouve quand même qu’ils n’ont pas une très bonne influence sur lui.
Depuis la rentrée, il s’est mis à fumer avec eux. Du tabac devant le portail, et bien plus après les cours. J’ai eu des échos de soirées plutôt arrosées et de sorties pas toujours maîtrisées dans le village. Je ne me permettrais pas de juger ses choix, il fait bien ce qu’il veut, mais je m’inquiète quand même pour lui.
Lui qui était si enjoué avant, aujourd’hui je le trouve par moment morose, avec des sautes d’humeur de plus en plus fréquentes. Ses résultats ne sont pas à la hauteur de ses capacités, et il répond même assez virulemment à certains professeurs. Il y a quelques jours de cela, ça en est allé même jusqu’aux insultes et au bureau du directeur.
Mais surtout depuis quelques semaines, il sort avec cette fille, Cassandra. Elle est vulgaire, dans tous les sens du terme. Je ne me permets pas de juger qui que ce soit, mais je me fais une exception pour elle. Attendez, il paraît qu’elle s'est tapée presque toute l’équipe de foot du coin, et peut-être même les joueurs des équipes voisines. C’est vraiment pas une bonne fréquentation. Vraiment pas…
Normalement, ça devrait me faire ni chaud ni froid. Mais quand je les vois tous les deux ensemble, comme maintenant, j’ai comme un pincement au cœur. Je perds ma bonne humeur et je deviens un peu nostalgique. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi ça me fait ça.
Mais il y a une chose dont je suis sûr : ce pincement au cœur, il fait mal.
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