Chapitre 2

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Comme tous les soirs de l’été, Margaux était venue au blockhaus pour retrouver les membres des Shadows of Venus, groupe de musique estival éphémère constitué de son frère Gabriel et de ses potes qui, chaque été, se reconstituait tant bien que mal. Comme à peu près un soir sur deux, Margaux se retrouvait seule et chantait pour le plaisir dans l’intimité et la solitude de cette sombre grotte où le vent du soir s’engouffrait. Difficile d’imaginer plus étrange studio de répétition pour un groupe plus virtuel que punk ou rock & roll. Sans qu’il n’en ait été explicitement question dans nos discussions de cette première nuit ou des suivantes, Margaux et moi nous retrouvâmes alors tous les soirs ou presque au blockhaus. Lorsque la bande n’allait pas écumer les pubs au lieu de venir taquiner la six cordes, je demeurais un observateur lointain, suspendu à la voix envoutante de Margaux. Les soirs où nous étions seuls, nous nous entrainions l’un l’autre dans des voyages imaginaires par-delà la dune, sur des mers agitées ou au sein de forêts luxuriantes. Très vite, il fut évident que nos conversations étaient davantage que des évasions chimériques. Qui d’elle ou moi se rapprocha de l’autre, je ne saurais m’en souvenir mais nous devînmes de jeunes amants enflammés. Elle était ma première aventure, elle me guida sur des chemins turbulents. Nous conservions nos rendez-vous nocturnes au blockhaus, faisant du lieu notre cache secrète, Gabriel et ses acolytes ayant définitivement renoncé à leurs espoirs artistiques. Transformé en lieu d’abandon de l’un pour l’autre, la grotte, bien que relativement à l’écart du monde, possédait un parfum licencieux qui ne faisait que rajouter de l’excitation à nos étreintes quotidiennes. Mais ce rêve s’interrompit net la nuit du 14 juillet où nous avions convenus de nous retrouver plus tard qu’à l’habitude.

Cheminant d’un pas léger sur la lande, convaincu de m’envoler vers une nouvelle brûlante soirée, je fus alerté par les éblouissants spots bleus et rouges qui n’invitent que rarement à la réjouissance. Je basculais alors dans un état d’affolement et d’angoisse indescriptibles et me précipitais, le pas chancelant et le cœur au bord de la rupture. J’arrivais essoufflé auprès du blockhaus, stoppé par les bandes plastifiées circonscrivant les lieux de crimes. Notre lieu secret était désormais une scène d’homicide. Gabriel était mort.

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