1f. Premières recherches : Lana

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De la route principale, un chemin de terre mène jusqu’à la maison de Clyselle, située dans un virage. Les nombreuses ornières qui le bordent nous obligent à redoubler de prudence. Mieux vaut éviter de coincer notre véhicule et d’attirer des malaformes avec une poussière trop dense et le bruit du moteur. Nous ne distinguons encore qu’un côté de la clôture.

Val nous informe d’une voix mal assurée que des zombies sortent des habitations que nous venons de dépasser et avancent dans notre sillage. La panique nous gagne, nous sommes bloqués dans une impasse ! Impossible de faire demi-tour, la voie est trop étroite ! D’autres créatures arrivent en face de nous !

— Nous n’avons pas d’autre choix que d’abandonner la voiture et de passer par les jardins voisins, affirme Matt. Ne perdons pas de temps, les monstres gagnent du terrain.

Il nous fait la courte échelle pour escalader le premier muret alors qu’il se trouve toujours de l’autre côté quand les zombies ne sont plus qu’à quelques centimètres de lui. Les filles et moi crions, hurlons de terreur et d’horreur. Val et Shana s’acharnent pour ouvrir le portillon, fermé à clé. Je repère une échelle sur la droite et parviens à la traîner au pas de course vers l’endroit où se trouve Matt. Avant que je ne la fasse basculer de son côté, il se tient déjà debout sur la palissade et saute à pieds joints sur l’herbe sèche. Comment est-ce possible ?

Il était temps, nos agresseurs s’agglutinent devant le mur. Je retiens des larmes de soulagement, le cœur au bord des lèvres. Nous avons évité la catastrophe de justesse.

Val se remet à pleurnicher :

— Stop ! Je n’en peux plus ! Je veux que ma vie reprenne là où elle s’est arrêtée ! Il faut que ça cesse, sinon à quoi bon continuer à vivre ?

Elle s’écroule, secouée par de violents sanglots. Clyselle la prend dans ses bras, lui assure que les secours vont arriver et qu’il faut continuer d’y croire. Elles se relèvent toutes les deux et attendent les consignes de Matt pour la suite. Elles n’ont pas vu avec quel dédain la jeune fille observe sa mère. Je ne peux m’empêcher de penser qu’un nouveau problème va faire son apparition.

L’homme du groupe réfléchit quelques instants puis lève la tête vers le ciel, les yeux fermés. Il se tient immobile, concentré sur le plan qu’il échafaude pour nous sortir de là. Enfin, il souffle et nous regarde une à une avant de parler :

— On vérifie que le jardin suivant est dégagé et on s’éloigne de cette merde !

— Il t’a fallu tout ce temps pour en arriver à cette conclusion ? ricane Shana, d'une voix méprisante. Tu es sûr qu’on ne trouvera pas une autre merde plus loin ?

Elle repousse la main apaisante de sa mère d’un geste rageur.

Elle est en colère. Elle vient de confirmer mes craintes depuis son regard haineux envers sa mère. Elle se rebelle, comme beaucoup d’adolescents, mais ce n’est vraiment pas le bon moment.

— Ne te fais pas d’illusion, on en rencontrera d’autres, lui répond Matt sur le même ton.

La tension dégagée par la fille de Val et les sarcasmes du seul homme du groupe contrarient mes nerfs à vif.

— Shana est jeune et elle a peur, ne t’en prends pas à elle, je m’interpose. Tu regrettes de nous avoir accompagnées ? De nous aider ?

— Non. J’aime bien l’action.

Il aime l’action ? Ce n’est pas de l’action là, c’est de la survie !

— Je ne m’en prends à personne. Je me contente de répondre de la manière dont on s’adresse à moi. Je cherche aussi des solutions pour vous protéger.

Il veut nous protéger, nous, alors que lui a bien failli y rester… Quelque chose m'échappe.

— Et toi, qui te protège ? je m’inquiète.

— Ne te préoccupe pas de ça. Bon, vous comptez rester ici à les écouter grogner ? Parce qu’on peut aussi s’efforcer de trouver un meilleur refuge, propose-t-il en s’éloignant.

Comment allons-nous rentrer ? Où allons-nous, d'ailleurs ? Chez lui ? Chez nous ?

— Tu vas vraiment abandonner la Porsche ? s’étonne Clyselle.

Il semblait si fier de nous proposer son bijou.

Il revient sur ses pas pour lui répondre avec un air de défi :

— Tu souhaites vraiment retourner devant chez toi ?

J’accroche au portillon un tee-shirt de mon fils aîné sur lequel j’ai écrit notre nom de famille.

Pendant ce temps, du haut de l’échelle, Matt s’assure que la voie est libre et nous franchissons le mur qui sépare les deux jardins.

Encore une clôture et nous voici sur la route. Où aller ? À droite ? À gauche ? Ahuries, nous ne discutons pas lorsque Matt nous indique la direction de Sainte Anne. Nous marchons en silence, nous nous retournons sans cesse pour surveiller nos arrières, et prenons de légers détours lorsque des zombies se profilent au loin. Des habitants récalcitrants à l’idée de quitter leur maison nous surprennent parfois quand ils surgissent, le haut du corps déformé. Ils nous provoquent de belles peurs et nous accompagnent de leurs grognements alors qu’on s’éloigne.

— On pourrait utiliser une voiture abandonnée, je propose.

— Nous sommes tranquilles pour l’instant. Le bruit d’un moteur va les attirer, répond un Matt, sûr de lui.

La fatigue gagne la plus jeune d’entre nous :

— Je croyais qu’on devait trouver un abri ! On marche en plein soleil, on a chaud, on n’a rien à boire !

— La maison là-bas, on y va, propose-t-il.

— Vous pensez voler une voiture, mais comme ça ne vous suffit pas, vous voulez entrer par effraction chez des gens ? Vous êtes tombés sur la tête tous les trois ? s’affole Val.

Shana et moi implorons en chœur :

— On veut juste un peu d’eau !

La conversation prend fin avec les grondements d’un chien qui surgit devant Matt, le pelage rouge de sang et la gueule grande ouverte. Les filles s'enfuient. Je reste plantée là, pétrifiée, partagée entre mon désir de les suivre et celui d'aider cet homme qui prend tant de risques pour nous. Il attend la bête, son pistolet dans la main. Je hurle de terreur lorsque l'animal bondit sur lui et le fait basculer sur le dos. Les larmes roulent sur mes joues, déclenchées par la peur, mais surtout par mon impuissance à éviter la scène abominable qui va se dérouler sous mes yeux. PAN ! Matt a tiré. Il repousse la bête inerte, écroulée sur son torse et la repousse sur le côté. Après quelques secondes d'incompréhension, je laisse échapper un profond soupir puis me précipite pour l'aider à se relever. Je lui tends la main, et remarque alors le sang qui recouvre la sienne. Je suis incapable d'émettre le moindre son, pourtant je voudrais lui dire merci pour sa présence, son implication, sa dévotion, pour son courage... J'espère qu'il lit toute ma reconnaissance dans mon regard.

— Partons ! Ils ont entendu la détonation et viennent par ici…

Quelques minutes plus tard, le 4X4 Mercedes que nous avons vu dans le garage stoppe à notre hauteur.

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