5c. L'entrainement : Lana

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Matt accroche le Glock à l’arrière de mon pantalon et m’ordonne de l’accompagner dans le jardin. Je peine à le suivre tant il se déplace vite.

Il s’apprête à ouvrir le portail, un poignard à la main. Ce n’est pas possible ! Il n’espère quand même pas qu’on parvienne à tous les tuer ! À deux ! Ici !

Il n’en laisse entrer qu’un. Il me fait passer devant lui, face à la créature qui m’agrippe les épaules, sa tête répugnante à quelques centimètres de la mienne ! Je pousse un cri d’effroi qui accroît la force dans les poignets du monstre qu’il me fasse tomber en arrière et se jette sur moi. Je continue d’hurler ma terreur, alors que Matt crie des phrases que je ne comprends pas. J’essaie de maintenir mon adversaire à distance de mes mains sur sa poitrine tandis que sa bouche se rapproche encore de mon visage. Ils ne se nourrissent pas de chair humaine, je me souviens. Je l’examine rapidement et ne vois plus que ses dents.

— Maintenant Lana ! Maintenant ! Ton arme !!!

L’instinct de survie prend le dessus. Je concentre mes forces dans mes bras et mes jambes pour retourner le zombie. Je m’assois sur lui, l’immobilise et parviens à attraper le pistolet laissé à ma ceinture avant de viser l’endroit désigné par mon professeur et de tirer. Les bras de la chose s’écroulent au sol tandis qu’un sifflement déchire mes tympans. Je repousse la créature et me relève, chancelante, au bord de la nausée. Que fait Matt ? La même scène se reproduit ! Matt derrière moi, zombie qui tente de me faire tomber ! Malgré la douleur, je suis opérationnelle. Mon arme toujours entre les doigts, je vise. Boum ! Celui-là était facile. Je me détourne en grimaçant avec l'intention de faire savoir à mon formateur le fond de ma pensée.

Je me rends alors compte que mes amies, collègue et les neveux ont tous assisté à ce macabre spectacle. Ils se tiennent sur le seuil de la maison, Matt au milieu, en train de m’applaudir.

— Arrête de taper des mains ! On n’est pas au théâtre ! À quoi tu pensais ? On vient de passer des jours presque sans manger et dormir et tu espérais que je serais assez en forme ? Tu t’es vengé de la dernière fois, au stand de tir, c'est bien ça ?

— Tu es prête à entamer les recherches pourtant tu ne t’attendais pas à être attaquée ! Ce sera tous les jours comme ça quand on partira. On aura faim, on sera épuisé, et pourtant ils surgiront sans prévenir ! Ceux-là se sont présentés seuls. Sur la route, ils seront en groupe ! Alors tu t’attendais à quoi ? C’est ça la réalité dehors. Toujours partante ?

— Plus que jamais !

Je n’en suis pas certaine, mais je suis trop têtue pour admettre qu’il a raison. Et le temps presse.

Clyselle nous conseille de prendre au moins une journée pour nous reposer et préparer nos sacs. Elle n’a pas tort, si nous ne reprenons pas de forces, nous ne tiendrons pas longtemps.

J’en profite pour tenter d’approcher la fille de Val. Cette dernière a remarqué l’hostilité de sa fille, sans en comprendre les raisons. Elle m’a confié qu’aucun dialogue n’est possible. La jeune fille refuse avec obstination toute discussion, même avec Clyselle ou sa petite. Elle l’adorait pourtant. Elle s’en occupait comme d’une sœur.

Je la cherche dans la cuisine, dans sa chambre, dans le salon, sans succès. C’est une adolescente très attentive, peut-être est-elle en train d’observer les créatures dehors ? Non plus. Où peut-elle bien être ? Je la trouve dans l’armurerie. Comment cette pièce peut-elle rester accessible à n’importe qui ?

J’entre dans le vif du sujet :

— Pourquoi en veux-tu autant à ta mère ? Et au monde entier par la même occasion ?

— Parce qu’elle s’apitoie sur son propre sort ! Elle souffre ? Et mes frères ? Et mon père ? Ils ne souffrent pas eux ? Même ces monstres souffrent ! Toi aussi tu souffres, et pourtant tu continues à te battre, tu gardes espoir… Mais il n’y a qu’elle qui compte ! Comme toujours !

— Je trouve ta réaction démesurée, Shana… avancé-je.

Je tends la main vers son épaule, avec l'espoir de l'apaiser grâce à une étreinte. Elle s'écarte et recule, la bouche déformée par la haine, une lueur animale dans le regard :

— Ma réaction ??? Et la sienne ! Je veux retrouver ma vie ! Tout le monde veut retrouver sa vie ! Ou crever, hein, parce que à quoi bon continuer à vivre ? !

Val a bien tenu ces propos, devant sa fille. J'essaie encore :

— Tu sais, j’ai moi aussi des doutes et de mauvaises pensées. Elle voudrait juste pouvoir vous protéger, comme elle l’a toujours fait.

— Oui, pour que tout le monde dise qu’elle est une bonne mère ! Comme d'habitude, on en revient à elle !

Je connais mon amie, elle se sacrifierait pour ses enfants.

— Non ! Parce qu’elle vous aime !

À mon tour d’être considérée avec mépris.

— Laisse-moi. Plus je suis loin d’elle, mieux je me sens. Je refuse de devenir quelqu’un d’inutile comme elle.

Elle se détourne et se dirige vers la porte. Elle croit clore ainsi la conversation, mais je n'ai pas terminé :

— C’est un jugement très dur, Shana. C’est ta mère. Aujourd’hui tu n’as plus qu’elle, on ignore où sont tes frères et ton père. Réfléchis-y. Peut-être même que tu pourrais la soutenir et lui apporter un peu de ta force. Chaque personne est différente ma grande, c’est ce qui compose notre monde.

— Notre monde n’a plus de place pour la différence. Bats-toi ou crève. Laisse-moi, maintenant.

Je la regarde sortir, consternée. Impossible d’expliquer à une mère que sa fille puisse la haïr à ce point. Surtout que je ne connais pas le fond du problème. Ces sentiments enfouis, cachés, devaient exploser comme une bombe à retardement le jour de leur remontée à la surface.

Je me confie à Clyselle, occupée à faire bouillir de l'eau :

— Je n’en ai pas le temps de jouer les entremetteuses. Je vais partir et je dois me concentrer sur ce qui nous attend. Parle à Val et à Jonathan. Shana devrait être formée pour nous accompagner. Elle a besoin de croire en quelque chose, de se sentir utile et de se défouler. De prouver aussi qu’elle peut exister sans sa mère.

— Matt ne veut pas, tu vas encore te disputer avec lui si tu fais des plans dans son dos.

— Matt ne veut pas parce que Val ne veut pas. Persuade-la.

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