28/ LA VIE PAR LANA

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Fidèle aux dernières volontés de Matt et surtout pour son sacrifice, j’ai repris ma vie. Ou du moins quelque chose qui ressemble à ce qu’elle était avant le fléau. Avant Lui. Car l’amour de ma famille ne suffit à remplacer le vide de son absence.

Je ne conserve qu’un vague souvenir des deux enterrements. J’ai passé les jours qui ont suivi leurs morts dans un état second, complètement ivre, à force de boire les réserves de scotch de Matt. J’ignore combien de jours, ou même de semaines, je me suis abrutie pour effacer la réalité.

C’est Carole qui m’a permis de sortir de ma torpeur, quand elle est entrée dans ma chambre et m'a annoncé que Matt avait réussi sa mission. Les malaformes étaient tombés. D’un seul coup.

Ils m’ont tous aidée à remonter la pente. Mes enfants m’ont démontré tout leur amour, Clément aussi. Ils ont fait preuve d’une longue patience tandis que mes amis se sont montrés compréhensifs. Même Carol m'a soutenue, à sa manière. Elle m’a permis de lire la lettre que leur a écrite Mat avant les sacrifices. Elle m’a promis de respecter ses vœux et de me laisser tranquille, à condition que je reste loin d’elle.

Nous avons attendu plusieurs mois dans la grande maison, le temps que la civilisation se remette en route. Nous avons réussi à faire pousser des légumes, élevé quelques coqs et poules. Jonathan a trouvé un bœuf dans un champ. Par quel miracle a-t-il survécu ? On ne le saura jamais.

Puis, des avions ont survolé l’archipel, des hélicoptères de l’armée. Enfin ! Nous en étions soulagés, même s’ils arrivaient un peu trop tard. Cependant, les militaires ont confirmé nos pires craintes en nous annonçant que les malaformes avaient ravagés tous les continents.

Petit à petit, l’électricité est revenue, puis les lignes téléphoniques. Nous avons enfin pu prendre des nouvelles de nos proches en métropole. Il va de soi que nous avons tous subit de très lourdes pertes.

L’eau potable a mis beaucoup plus de temps à revenir, mais nous savions que ce serait long, car avant le fléau, l’île souffrait déjà de sévères pénuries en eau.

Enfin, nous nous sommes préparés à rentrer chez nous. Samantha nous a accompagnés, comme le souhaitait sa mère.

Sans nouvelles de Monsieur Salomic et de son épouse, ce sont Jonathan et Carole qui ont repris les affaires. Clément et moi avons préféré changer de vie. Nous avons vendu notre maison pour acheter une vieille ferme et la réhabiliter en gîtes d’accueil. Ainsi nous vivons en auto suffisance et profitons chaque jour de ce que la nature nous apporte.

Nous restons méfiants et vigilants quant aux fréquentations de Samantha, vu ses compétences particulières. Nous n'avons pas oublié que nos voisins peuvent cacher de lourds secrets. Les attitudes de telle femme sont similaires à celles de Carole, serait-elle de la même espèce ? Ces gens qui viennent séjourner chez nous sont-ils humains ? Le sujet est tabou, nous sommes tenus au silence par peur des lourdes conséquences. Un nouveau chaos anéantirait toute vie sur terre.

Quand mes souvenirs remontent à la surface, que ma mélancolie devient trop dure à supporter, je m’allonge dans le hamac, sous un arbre centenaire, et j’observe les oiseaux, surtout les merles noirs…

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