Ils étaient tous là, soigneusement rangés par ordre d'appartenance.

De leurs armoires, ils avaient exhumé, en ce jour de semaine, leurs costumes du dimanche parfum naphtaline pour les plus anciens, senteur cèdre pour les plus jeunes.

Aux premières loges, n’espérant surtout pas le miracle qui, réveillant le défunt, les dé-lèguerait, se tenait la branche armée d'un chapelet ; collier couleur sainte éthique qu'en bons disciples ils égrainaient au kilomètre, psalmodiant à tout-va.

Connectés de père en fils sur bondieu.comme depuis des lustres, ces âmes ne semblaient guère risquer de trouver le moindre salut de plaisir au paradis terrestre.

Venaient ensuite les mi-figures mi-icônes, opportunistes du "croire" qui, en vague souvenir d'une vague communion, récitaient en vague play-back, de vagues homélies en vague espérance d'un paradis pour eux davantage que pour leur vague prochain.

Une place de choix avait aussi été réservée aux larmoyeuses qui, à force de répétitions, connaissaient par chœur le chant du sol pleureur.

Plus loin, au très loin, on avait relégué les trouble-fête. Ceux-là mêmes que l'on avait estampillés "rigolos" et pour lesquels on ne jugeait plus utile d’implorer clémence divine tant leur cas était désespéré ; ceux qui, en somme, ne partageaient pas leur tasse d’athée avec le père, ainsi soit-il.

Peu avant les funèbres festivités, comme à des mômes que, du haut de leur plus ou moins cinquantaine canonique ils n'étaient plus, on leur avait fait la leçon : "Tenez-vous tranquilles". En raison de leur religieuse dyslexie, on les avait même dispensé de toute signature à l'eau-de-là.

Ils étaient donc là, au nombre de six, ex-amants et autres associés, amis devant l’éternel à regarder, de flexions en génuflexions, la crème religieuse tourner en ronde, à leur esprit, in-croyable.

Eberlués, ils n’étaient pourtant pas au bout de leur peine.

C’est que le vicaire après s’être excusé que sa voiture, une bête à bon dieu, cela va sans rire, l’a mis en retard, s’en vint à faire l’éloge post-mortem d’une Brigitte en lieu saint et place sacrée du Pierre en-voûté.

A se demander si le fervent apôtre, se mélangeant les cierges, n’avait pas abusé de quelque vin de messe de derrière les fagots… de bûcher, diraient les moins païens.

Alors comme un seul, le clin d’œil pluvieux au coin des yeux, en rang serré, ils ont quitté les lieux.

Sur le parvis de l’église de campagne, celle-là même qui servit, autrefois, de furtif décor à un certain Buñuel, ils se sont assis, ont, de toutes leurs larmes de rire conjuguées, trinqué en éclats de tristesse à la santé de ce parent de cœur qui fut si bon vivant et qui, pour sûr, leur manquera.

Le démon de ladite heure dût être troublé que, de quelques coups de foudre cloche-pied, il sonna, en rappel à l’ordre de la mortifère bienséance, le tocsin.