Chère Année 2020,

Notre relation est terminée. Depuis quelques jours, tu as laissé place à 2021. Je ne sais pas si je dois te détester ou au contraire te remercier. Tu as exaucé mes vœux les plus chers avant de les reprendre aussi sec, tu m’as fait rencontré l’Amour mais tu m’as pris ma grand-mère. Tu as rendu le monde fou et fait de mon avenir une bouillie.

Mais grâce à toi, je sais exactement ce que je veux faire. Je veux voler. Je veux voir le monde d’en haut, me réveiller en France et me coucher au Canada avant de repartir au Japon. Je veux prendre soin des gens, leur rendre leur voyage le plus agréable possible. Je veux porter l’uniforme d’Air France.

Je veux voler.

Chaque fois qu’un avion passe au dessus de moi, je prie pour qu’il m’emmène avec lui. Les sélections d’Air France c’était dur, c’était stressant. Plus stressant que tout ce que j’ai pu vivre auparavant. Parce que c’était mon rêve que je touchais des doigts. Mais j’ai réussi ! Ils m’ont acceptée.

Et tu as envoyé le coronavirus sur le monde. Et mon monde lui, s’est effondré. Air France rame et moi je coule.

Puis on a commencé à se relever. Je suis partie en randonnée me confronter à moi-même, j’ai découvert la Bretagne, je me suis reconnectée avec ma famille. Et j’en ai acquis deux certitudes : la première c’est qu’aucun autre métier ne me plaît que celui de PNC. La deuxième, c’est que ma famille est la plus belle qu’il puisse exister. Vraiment.

Et là, tu m’as pris ma Mutti. Je ne te le pardonnerai jamais. Mais heureusement, tu as fait ça bien. Tu l’as laissé partir au moment où tous ses enfants et presque tous ses petits-enfants étaient autour d’elle. C’était beau. Enfin beau… Tu nous as laissé être tous ensemble pour l’accompagner et nous accompagner nous-même. Cette semaine hors du temps où nous étions collés les uns aux autres. Oubliant le monde extérieur. Alors pour ça, merci.

Et tu m’as offert un nouveau rayon de soleil : l’appel de l’association Jérémy pour passer le CCA. Alors que je m’enfonçais, ils sont venus me sauver.

Monter à Paris, quitter les parents, toucher d’encore un peu plus près mon rêve… je ne l’attendais plus. Encore des semaines hors du temps, juste entre nous. Tu m’as donné la meilleure promo possible, la meilleure école. Chaque jour passé là-bas était incroyable. Même si je n’avais jamais autant travaillé de ma vie, que j’étais exténuée et que j’avais le cerveau en compote chaque soir, je n’ai jamais été aussi heureuse que pendant ces 3 mois. Vraiment.

Et puis tu as décidé qu’encore une fois, la vie était trop belle. Et tu as remis le coronavirus au centre du monde. Tu nous as confinés. Encore. J’ai tellement pleuré ce soir-là. Mais heureusement, l’école est restée ouverte.

J’ai presque envie de dire « dans ta gueule ! ». Tu n’as pas réussi à tout casser cette fois. Alors le bonheur a continué.

Et en pleine pandémie, en plein confinement, entre l’œdème aigu du poumon et l’aéroembolisme, entre les visites pré-vol des extincteurs et les positions de sécurité,tu m’as encore offert un cadeau. Peut-être l’un des plus beaux cadeaux que tu pouvais offrir.

Tu m’as offert Margaux.

Tu m’as offert l’amour de la façon la plus inattendue qui soit. Je l’aime tellement. Je ne m’attendais pas une seconde à tomber amoureuse d’une fille un jour. Et pourtant… Avec elle, tout est plus simple, tout est plus grand, tout est plus beau. S’il te plaît 2020, laisse-la dans ma vie pour une fois. Ne me la reprend pas. Et fais passer le message à tes successeurs. S’il te plaît.

Il y a quelques jours, j’ai passé mon examen. J’ai tellement travaillé pendant ces 3 mois pour l’avoir. Je sais que je l’aurai. Tu imagines 2020, grâce à toi, je serai enfin diplômée ! Je serai enfin hôtesse de l’air ! Enfin… Sur le papier.

Je voudrais te remercier encore une fois pour ces moments passés à Paris, pour ma fête d’anniversaire que je n’oublierai jamais avec mes merveilleux amis PNC, pour tous ces moments de rire qu’on a passé ensemble, pour le binôme que j’ai formé en pratique avec Margaux, elle qui a tant joué dans ma réussite au CCA.

Il paraît que tu passes le flambeau du coronavirus à 2021. S’il te plaît, dis-lui de me laisser continuer à toucher à mon rêve, dis-lui de ne pas toucher à ma famille, dis-lui de me laisser chez Air France, dis-lui de me laisser avec Margaux. Dis-lui d’être un peu moins dur avec nous, je pense qu’on a compris la leçon. Je sais que je t’en demande beaucoup… Mais je t’ai vue aussi généreuse que tu as été cruelle. Je sais que tu en es capable.

2020, cette année j’ai beaucoup appris grâce à toi. J’ai appris à faire des chignons, à porter tailleur et talons, à jouer du violoncelle et progresser au violon et au piano. J’ai appris à prendre le temps de regarder vers le ciel et de m’émerveiller devant l’intensité du bleu qui nous laisse voir les avions. J’ai appris à être reconnaissante pour la famille incroyable que j’ai. J’ai appris à aimer sans me poser aucune question. J’ai appris qui j’étais, ce que je voulais et ce que je ne voulais plus.

2020, tu m’as fait énormément pleurer cette année. Je crois que c’est l’année la plus éprouvante que j’ai vécue. Je n’ai jamais vécu autant de montagnes russes qu’avec toi. Tu m’as fait vivre les plus grandes peines mais aussi les plus grandes joies. Je ne suis pas prête de t’oublier.

Nos chemins se sont séparés. Je te souhaite une belle retraite. J’espère que 2021 sera un peu moins dur avec nous que toi.

Mais je te remercie pour tout ce que tu m’as apporté.

Merci.