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« Louis et Jean Raboteux, fils jumeaux de honnêtes personnes Pierre Raboteux et Julienne Baron, nés de ce jour à Melon, furent baptisés à la maison en urgente nécessité par moy Recteur soussigné, le 29 novembre mil sept cent trente neuf, et fut parrain de Louis, premier né, Louis Garnier, laboureur, et marraine Jeanne Besnard ; et fut parrain de Jean, Jean Gautier, laboureur et voisin, et marraine Raoulette Bourtoureaux, les tous qui ne signent »

Ainsi était rédigé l’acte de naissance des jumeaux que je venais de consulter. Je voyais bien qui était cette famille mais je n’avais pas eu l’occasion de les visiter depuis cette naissance car, de ce côté-ci de Piré, c’était surtout le Père Louis qui avait officié.

J’étais installé dans la grande salle du couvent qui abritait les religieuses de La Charité. On y avait rassemblé tous les registres ainsi que les objets liturgiques les plus précieux comme le calice, mais aussi nos vêtements sacerdotaux : aubes, chasubles, étoles et surplis. En ce début du mois d’août, je goûtais quelques instants la fraîcheur du lieu avant de retourner dehors : un nouvel épisode de chaleur s’annonçait et j’allais me retrouver sur les chemins toute la journée pour faire les visites que j’avais programmées. Mais avant de refermer le registre des décès dans lequel la naissance de Louis et Jean avait été enregistrée par erreur, je décidai de feuilleter les pages suivantes afin de vérifier que les enfants n’étaient pas morts peu après, auquel cas il aurait été mal venu d’interroger les parents sur la santé de leurs enfants. Et je fis bien, car en effet, dès le lendemain, leurs deux noms figuraient sur le registre… L’acte avait été écrit à nouveau par le Recteur…

La veille en rentrant de chez Nicolas Prodault, j’étais aussitôt allé voir le Père Ménard et lui avait demandé tout de go combien il avait reçu de casuel pour la bénédiction nuptiale qu’il avait faite le matin même. Un peu surpris par ma question, il m’avait néanmoins répondu. Comme je l’avais dit à Nicolas, le tarif n’avait pas bougé ; il y avait donc un petit mystère de plus à élucider et j’avais résolu d’aller au plus vite rendre visite aux nouveaux mariés pour qu’ils me confirment à leur tour ce qu’ils avaient payé. De même, ayant désormais le nom des jumeaux nés durant l’épidémie, je m’apprêtais à aller jusqu’à Melon pour interroger discrètement les parents concernant la mort de leurs enfants. Je souhaitais aussi me rendre dans les villages les plus touchés par la dysenterie et interroger les villageois afin de vérifier s’ils avaient reçu la visite du Père Hubert durant ces terribles mois. Tout cela allait m’occuper durant plusieurs jours.

Impatient, j’avais décidé de commencer par les jumeaux car ils étaient en lien direct avec « l’enquête » que je menais depuis quelques temps.

Melon était un village situé au sud ouest, en direction de Janzé, presqu’à la limite de la paroisse. J’en avais pour une heure de marche environ et je pris soin de prendre un chapeau pour me couvrir car même en ce début de matinée, il faisait déjà très chaud. Heureusement, de nombreux arbres bordaient le chemin et ce fut agréable de marcher dans le sentier ombragé. Arrivé au village de la Pêcherie, je m’arrêtais discuter un peu avec quelques vieux qui prenaient le soleil et j’en profitais pour leur demander si, durant l’épidémie et le grand froid ils avaient eu la visite du Père Hubert ; l’un d’entre eux m’affirma l’avoir vu une fois, au tout début :

- Une fois en un an, sûr qu’on risque pas d’être fatigué à le voir ! conclut-il

- Ouais ben, y’manque pas, celui-là ! ajouta un autre oubliant sur le coup qu’il parlait à un Prêtre, avant de s’en rappeler in extrêmis. Oup-là, faites excuses mon Père

- Je vous en prie, il n’y a pas de mal

Ayant senti que je n’étais nullement outragé de voir le Père Hubert si vivement critiqué, il poursuivit :

- C’est qu’avec ses yeux quasi blancs tellement ils sont clairs, y fout un peu la trouille… Et pis, on commence à raconter des choses sur lui

- Ah bon, quoi ?

- Ben, y paraîtrait qu’il se promène en pleine nuit quand c’est la pleine lune…

- C’est Robert Houillé qui vous a dit ça ?

- Ah non, c’est Jean Gommelet, de la Vallée. Il m’a dit qu’il l’a vu cet hiver ; il était sorti pisser un coup quand il a entendu marcher. Il s’est dépêcher de rentrer mais en laissant la porte un peu ouverte pour voir c’est qui qui passait a c’t’heure : avec la pleine lune, il l’a bien reconnu va !

- C’est étrange en effet !

- Ah pour sûr ! reprit l’autre vieux. En plus, il dit des choses comme quoi qu’on serait « sous l’emprise » qu’il dit du diable… Jamais vu un curé dire des conneries pareilles moi !

J’en avais assez entendu et, prétextant un rendez-vous urgent, je pris congé. En quelques phrases, ils venaient à eux deux de confirmer ce que j’avais mis plusieurs mois à établir. Depuis deux jours, je recueillais des confidences étonnantes comme si les langues longtemps contenues se déliaient d’un coup et je commençais à me demander si mon conflit avec le Père Hubert ne commençait pas à être connu. En même temps, il est vrai que je n’hésitais plus à poser mes questions ouvertement, n’ayant plus rien à perdre ; l’heure n’était plus ni à la prudence ni aux non-dits !

Après la Pêcherie, je bifurquais à gauche en direction de la Franceule. Le chemin s’enfonçait entre deux rangées d’arbres touffus et, voyant assez peu le soleil, il ne séchait jamais complètement et comme il était un accès direct au moulin à eau, un nombre incalculable de charrois y passait détruisant complètement le passage. Même en été il persistait des trous d’eau croupissante qui rendait la marche difficile jusqu’au moulin. Cependant, avant d’arriver à celui-ci, je tournai à droite en direction du village de Melon où j’arrivai bientôt en vue de la ferme des Raboteux.

C’était des miséreux qui louaient une pauvre masure qui tombait quasi en ruine. Journaliers tous les deux, ils gagnaient lors des bonnes années tout juste de quoi survivre avec leurs enfants. Les abords de la maison étaient mal entretenus et de nombreuses orties en longeaient le mur. Une seule minuscule fenêtre qui laissait à peine rentrer le jour, même en plein été, en perçait la façade de terre ; la porte était ouverte. Je m’annonçai et la femme sortit. Tout dans sa physionomie faisait ressortir sa pauvreté : de sa vêture, simple et usée jusqu’à la corde, jusqu’à sa silhouette maigre qui disait combien la chair était rare chez eux.

- Bonjour, Julienne, fis-je. Je fais le tour des villages actuellement pour prendre des nouvelles de tous les paroissiens. Nous n’avons pas eu l’occasion de nous voir cet hiver, mais j’ai appris à la fois la naissance de vos jumeaux et leur décès. Pouvons-nous en parler un peu ?

- J’vois pas pour dire quoi ! me fit-elle. Le seigneur les a rappelés à lui aussitôt ; heureusement, j’attends un autre enfant.

- J’en suis heureux pour vous. En fait, je voulais juste vérifier une ou deux petites choses… C’est bien le Père Hubert qui est venu les baptiser

- Oui.

- Je vais être très direct : est-ce que c’est Marie l’accoucheuse qui vous a aidé pour leur naissance ?

- Oui

- Est-ce que c’est elle qui l’a fait appeler ?

- Oui

- Dans quelles circonstances ?

- Vous savez les jumeaux, quand ils naissent, ils sont plus petits que les autres enfants alors Marie elle a dit « Jeanne, va chercher le Père Hubert, il est pas loin » et elle s’est éloignée pour dire à la petite où aller le chercher. Puis, quand il est arrivé, il les a baptisés et heureusement car ils sont morts tous les deux juste après.

- Ah !

Pour tout vous dire, j’étais un peu déçu de ce récit car je n’y voyais pas grand-chose susceptible de venir à charge contre le Recteur, si ce n’est peut-être, la remarque comme quoi il n’était pas très loin de leur maison, comme par hasard à ce moment-là. Mais c’était un peu mince.

- Il est venu vous visiter durant le reste de la mauvaise saison ? demandai-je malgré tout

- Non, on l’a pas vu… Vous non plus d’ailleurs… Heureusement que le Père Louis était là !

Je sentis bien la pique et dus lui expliquer que nous nous étions partagés la paroisse avec le Père Louis : à lui, le sud, à moi le nord, aux Pères Ménard et Coujeon le bourg, et le Recteur qui supervisait l’ensemble. Malgré tout, je me sentais un peu coupable quand même car elle n’avait pas tout à fait tort : au-delà de la douloureuse période que nous avions connus, je n’étais pas beaucoup venu de ce côté-ci de la paroisse depuis mon arrivée à Piré si ce n’était au tout début pour me présenter. De ce fait, j’hésitais à poursuivre le dialogue et ce fut elle qui, finalement, continua :

- Pourquoi vous me questionnez là-dessus ? Qu’est-ce que vous cherchez ?

- Je voulais juste vérifier que c’était bien le Père Hubert qui les avait baptisés car leur acte de naissance a été inscrit dans le registre des décès par erreur et j’avais du mal à reconnaître l’écriture

- Alors vous pouvez être rassuré, c’est bien lui, même qu’il a tenu à emmener les corps aussitôt et que nous on voulait pas… Ca a failli mal tourner, c’est moi qui vous le dis ! Même pas nous laisser le temps de les regarder et de les pleurer !

- Que dîtes-vous ?

- Ils étaient à peine nés, Marie nous a dit qu’il fallait les faire baptiser car ils n’allaient sans doute pas survivre et donc elle a dit à Jeanne d’aller chercher le Recteur. Quand il est arrivé, il les a baptisés puis il nous a dit qu’ils étaient morts et qu’à cause de l’épidémie, fallait pas garder des corps comme ça, et que comme il était venu avec la charrette c’était une chance et que donc il allait les emmener pour les enterrer et que mon mari, si il voulait, il pouvait venir aussi mais que, comme il devait déposer Marie l’accoucheuse et Jeanne ailleurs, fallait qu’il vienne à part. Pierre est allé à pied jusqu’à l’église et quand il est arrivé, le Recteur lui a dit qu’ils étaient déjà enterrés et il lui a montré la tombe pour se recueillir. Alors Pierre lui a dit que c’était pas correct d’avoir fait ça, de pas l’avoir attendu, mais le Recteur lui a redit que c’était à cause de l’épidémie, il fallait enterrer au plus vite les corps… Mais quand même, il pouvait bien attendre que mon Pierre arrive, non ? Le Père Louis, quand on lui a dit ce qu’on pensait de ces manières, s’est trouvé gêné, il savait pas quoi en penser mais on a bien compris qu’il voulait pas dire du mal de son supérieur. Et vous, vous en pensez quoi de tout ça ? m’interrogea t’elle, hors d’haleine d’avoir déversé ainsi d’un trait toute la peine contenue depuis plusieurs mois

- Je peux juste vous dire que je n’ai enterré personne sans que les parents ne soient là s’ils le désiraient, épidémie ou pas

- Ouais, c’est bien ça qu’on a pensé, il avait pas le droit de nous faire ça ! Alors nous le Recteur, vous savez… Ca fait trois ans qu’il est à Piré. Au début, ça allait à peu près, mais plus ça va, plus y fait des choses bizarres !

- Comment ça, des choses bizarres ?

- Bah on a entendu dire qu’il se promène les nuits de pleines lunes

- C’est tout ?

- Et qu’il parle de plus en plus souvent du diable

- Et ?

- Bah nous, on s’interroge à ce qu’il fait la nuit… Va t’en savoir s’il lui parle pas, au diable ! Y serait-y pas un faux curé ? Alors vous pouvez aller lui dire ça au Recteur parce que nous, ça nous a pas plu ce qu’il a fait avec nos pauvres bébés ! Et quand celui-là va naître, conclut-elle en me montrant son ventre arrondi, il a pas intérêt à se montrer pour le baptiser !

Je la quittai peu après, certain que dans tout ce qu’elle m’avait raconté, il y avait des faits intéressants bien que je ne compris pas encore la relation avec ce que je n’hésitais plus à appeler « mon enquête ». Je notai par exemple qu’encore une fois, le Père Hubert et Marie l’accoucheuse étaient liés au décès de jumeaux et qu’il s’était là aussi passé des choses étranges. Etait-ce un hasard ? Le Recteur, la matrone, des jumeaux ? Quels liens y avaient-ils entre les trois ? Etait-ce lié au satanisme ?

La matinée était déjà bien avancée et je décidai de rentrer au presbytère pour déjeuner. Un instant, je faillis me diriger vers la Vallée pour tenter de voir Jean Gommelet qui avait, paraît-il vu le Père Hubert marcher en pleine nuit dans la campagne, mais je songeai qu’à cette heure il était aux champs, sans savoir où exactement, et quand bien même le trouverai-je sans difficultés, je ne me voyais pas une nouvelle fois assister à la moisson en spectateur.

J’arrivai un peu avant midi au presbytère et fis une rapide toilette car la marche m’avait fait transpirer abondamment malgré l’ombre des arbres omniprésente. Lors du dernier marché de Janzé, j’avais demandé au Père Louis qui avait pour mission de s’y rendre afin de nous approvisionner en certains produits que nous ne trouvions pas à celui de Piré, de me procurer plusieurs feuilles de papier ; cela m’avait coûté fort cher mais la dépense était devenue indispensable car j’avais dans l’idée de commencer à consigner tous les faits et toutes les paroles que je pouvais recueillir afin de constituer un dossier contre le Père Hubert. Je me mis donc en devoir de retranscrire tout ce que j’avais appris durant la matinée. Puis l’heure du repas arriva ; comme à chaque fois, je priais pour que le Recteur en soit absent ; hélas, il était là. Dans ces cas-là, il faisait comme si je n’existais plus et, ma foi, cela m’allait fort bien ainsi. Cependant, cela créait un mal être chez les autres prêtres qui s’en rendaient bien compte sans pour autant comprendre d’où venait le problème, excepté le Père Ménard, de sorte que le moment était pénible pour tous. Pour limiter ces instants, j’essayais dans la mesure du possible de manger ailleurs : je prévoyais déjà de me porter absent le soir.

Pour le reste de la journée, j’avais prévu d’aller rendre visite au jeune couple Butault dont j’aurais dû réaliser la messe de mariage si le Père Hubert ne me l’avait pas ôtée. Mais rien ne servait d’y aller trop tôt dans l’après midi car je risquais de trouver la maison vide : eux aussi seraient aux champs. Je décidai donc de faire une sieste dans ma chambre et de lire un peu la bible. J’allais m’assoupir lorsque j’entendis un petit coup frappé discrètement à ma porte ; j’allai ouvrir et découvris le Père Ménard sur le seuil.

- Puis-je entrer ? me demanda t’il

Je m’effaçai devant lui et, avant de refermer ma porte, je jetai un coup d’œil rapide dans le couloir afin de vérifier que personne ne le voyait entrer dans ma chambre ; non pas qu’il n’en avait pas le droit, mais j’étais devenu persona non grata et me côtoyer de trop près susciterait forcément les questions du Père Hubert.

- Alors, avez-vous appris de nouveaux faits ?

Je lui répétai toutes mes découvertes de la matinée.

- Mon dieu, j’ai l’impression de découvrir une nouvelle personne ; tout ce que vous me dîtes est absolument effroyable. Etes-vous sûr qu’on ne vous ment pas ?

- A moins que les paroissiens se soient passé le mot et aient fomenté un complot contre lui, je ne vois pas pourquoi ils iraient imaginer de tels faits. Et je puis vous assurer que Julienne Raboteux était réellement remontée, sa colère n’était pas feinte !

Le Père Ménard secoua la tête dépité et me quitta aussitôt.

Je m’installai sur mon lit à nouveau mais d’avoir informé le Père Ménard des récents évènements m’avait parfaitement réveillé et mon cerveau en ébullition m’empêcha de m’endormir. Si seulement j’avais pu aller me recueillir en prières à l’église ! Mais mon refuge n’était plus en état de me recevoir et me rendre à la chapelle ne me faisait pas le même effet ; autant prier dans ma chambre. Je me mis à genoux devant mon lit et me plongeai dans la prière. Cependant, il me fut impossible de me concentrer : sans arrêt mon esprit revenait sur le lien qui existait entre le Père Hubert, l’accoucheuse et les jumeaux. Mais décidément, il m’était impossible de comprendre le rapport. De guerre lasse, je pris la route. Quand bien même Louis Butault et sa jeune épouse seraient absents de chez eux, je trouverais bien quelqu’un à interroger sur le Père Hubert !

Je pris donc cette fois-ci la direction de Boistrudan, passai au-dessus du petit pont qui enjambait la Quicampoix, dépassai le village du Coudray sur ma gauche, puis le château du Marquis sur ma droite et arrivai enfin à destination, au bout de trois bon quart d’heure de marche. Déserseul était un assez grand village puisqu’il comportait une vingtaine d’habitations. Les Butault avaient élu domicile dans une petite partie d’une grande bâtisse. Comme beaucoup de logement, celui-ci était composé d’une pièce unique.

A mon arrivée, j’eus la chance d’y trouver la jeune épouse avec qui j’échangeai quelques banalités ; je m’excusai notamment de ne pas avoir réalisé leur bénédiction nuptiale comme il était prévu mais sans donner de détail quant à la raison de mon remplacement par le Père Ménard ; puis, sans transition ni explication, j’osai lui demander le prix qu’ils avaient payés pour leur cérémonie et, une fois encore, je fus abasourdi par le comportement du Recteur. Elle me révéla en effet avoir réglé la somme habituelle au Père Ménard mais avoir dû rajouter 3 sols, payables auprès du Père Hubert. Il arrondissait ainsi son pécule, ce qui était proprement honteux et inadmissible ! Dès l’instant où je fus informé, je pris la décision de me rendre chez toutes les personnes ayant eu recours à l’un des trois sacrements depuis le mois de mars, date à laquelle le Père Hubert avait annoncé sa décision d’augmenter le casuel. Je chiffrerai ainsi la somme perçue illégalement par le Recteur et pourrait donc noter des faits exacts et précis dans le rapport que j’écrirai à son encontre. Certes, cela allait me demander beaucoup de temps et d’efforts mais j’étais décidé à accumuler toutes les preuves possibles.

Le premier effet de surprise passé, et ayant repris la route du bourg, je me demandais quelles raisons l’avaient poussé à agir ainsi ; était-ce en rapport avec ses sympathies avec les forces du mal ? Avait-il besoin d’argent pour les messes noires que je le supposais réaliser ? Les preuves devenaient en tout cas de plus en plus accablantes à son encontre.

Je n’avais pas encore décidé s’il valait mieux que j’adresse mon rapport à Monseigneur l’Evêque de Rennes ou au Prieur de Béré dont la cure de Piré dépendait. Malgré les preuves que je pourrais avoir, l’entreprise restait risquée pour moi et j’essayais de deviner laquelle des deux options me serait la moins préjudiciable. J’avais tendance à opter pour le Prieur mais je craignais que, dans la mesure où c’était lui qui avait nommé le Père Hubert à ce poste, il voulût enterrer l’affaire afin de ne pas en être éclaboussé par richochet.

Sur le chemin du retour, je m’arrêtai dès que j’apercevais quelqu’un et en profitais pour lui demander si, durant l’épidémie ou l’hiver, il avait eu la visite du Père Hubert : neuf fois sur dix, on me répondit non.

A mon arrivée au bourg, il était trop tard pour que je retourne au Couvent pour consulter les registres et prendre note des personnes que je devais aller voir durant les prochains jours, ce qui m’aurait pourtant fait gagner un temps précieux pour le lendemain. Je rentrai donc au presbytère et, comme c’était l’heure du repas et que celui-ci avait déjà commencé, je me dirigeai vers la cuisine pour me faire une collation que j’irai manger à l’extérieur, peu désireux que j’étais de me trouver confronté au Recteur une deuxième fois dans la même journée.

Je pris une grande tranche de pain beurrée et une carotte et ressortit aussitôt pour aller déguster mon festin sur un banc dans le jardin. Celui-ci était essentiellement composé de cultures comestibles : tomates, carottes, radis, pommes de terre, oignons, ails, poireaux… Les variétés ne manquaient pas grâce aux bons soins du Père Ménard et du Père Coujeon qui en avaient la charge. Il était orienté à l’ouest et en cette soirée paisible de début août, je pus goûter au plaisir du soleil couchant. Le banc de pierre sur lequel je m’étais assis conservait la chaleur accumulée durant tout le jour et la terre, qui avait été arrosée en début de soirée, exhalait ses senteurs profondes. Levant la tête, j’admirais les hirondelles qui volaient en groupe, enchainant les tours autour du presbytère, comme si elles faisaient la course entre elles. Malgré les soucis accumulés et les questionnements qui m’assaillaient, l’atmosphère douce de cette soirée d’été me combla de bonheur. J’étais presque heureux !

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