Sur les Mers de Paris
Le capitaine tournait en rond dans sa cabine, ça faisait une éternité que ce n'était plus exactement un espace privé, avec la double porte arrachée et les fenêtres autrefois teintées, désormais tout simplement absente. Il avait malgré tout gardé cette habitude de faire les cent pas dans sa cabine et tout son équipage, par respect, passait devant sans même regarder, comme si tout était encore clos. C'était devenu une habitude à bord de l'Astéroïde, le capitaine en pleine réflexion, les matelots faisant semblant de rien.
Des semaines, des mois qu'ils naviguaient sur cette mer sans fin, au gré des vagues qui ne semblaient, elles non plus, trouver une quelconque terre où s'échouer. Chacun était affamé, ils parvenaient de temps en temps à attraper un poisson ou deux mais, ça ne pouvait pas être suffisant pour nourrir dix-huit matelots, un capitaine et son second sur une semaine.
Tout ça pour trouver le plus grand trésor jamais découvert, connu sous le nom du trésor du Louvre. Cette légende de plusieurs siècles racontait qu'un grand musée était resté intact même après que l'Europe eut été envahie par les Grandes Eaux de 2082. Pour le trouver, toujours d'après la légende, il fallait d'abord trouver l'île de Fer.
Le capitaine, pour redonner de l'espoir à l'équipage, n'avait pas hésité à sortir mensonge sur mensonge à propos d'une carte qu'il aurait achetée dans un port sur l'Himalaya, mais son second n'était pas dupe, il le voyait toujours quand son chef mentait, rien qu'à sa façon de jouer avec sa moustache. Il n'avait pourtant rien dit aux autres, il avait compris, comme le capitaine, que leurs hommes avaient besoin d'un objectif.
Des mois sur les flots et rien à l'horizon, pas une seule ile, pas même un petit caillou flottant. Il n'y avait plus personne à la vigie, le dernier était devenu fou à force de ne voir que de l'eau, il avait fini par se mettre à crier "terre en vue" toutes les vingt minutes et plus personne ne le prenait au sérieux.
Au bout de quelques heures, le capitaine sortit de sa cabine et ne fût qu'à moitié surpris de voir les dix-huit matelots ainsi que son second le sabre dégainé en face de lui. Il savait que ça finirait par arriver, une mutinerie, tout le monde avait fini par se retourner contre lui, plus personne n'avait confiance en son jugement et mal gré la faiblesse de leur corps, ils étaient debouts, le sabre à bout de bras.
Le capitaine se laissa faire, il était tout aussi faible qu'eux, mais lui était seul. Au moment où deux matelots et le second refermaient la geôle sur le capitaine, un vilain choc fit trembler le rafiot, chacun s'immobilisa, vu l'état du navire, la moindre petite secousse aurait pu le faire couler. Sur le pont quelqu'un cria:
"Fer en vue!!!"
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