Sous la pluie bâtante, deux formes couraient sur le sentier de terre qui marquait le chemin à suivre pour sortir du village. L’une des deux silhouettes semblait mal en point, soutenue par l’autre, alors que, sortant d’entre les maisons, trois hommes à cheval, et quatre à pied, leur fonçaient dessus. Sûrement des mercenaires venus gagner leur argent dans un assassinat.

Le fuyard mal en point, après de gros efforts pour rester debout, s’écroula. La capuche qui recouvrait sa tête s’en alla, laissant apercevoir un visage criblé de blessures, griffures et bleus. Ses yeux étaient entourés de peau grise, ses sclères* étaient noires et ses iris verts. Sa lèvre supérieure était noire, et se parait de rouge à cause du sang qui coulait, provenant de sa gorge.

• Morgan! Fit une voix féminine à ses côtés.

La propriétaire de cette voix se mit devant ledit Morgan qui semblait sérieusement blessé. Il ne pouvait que regarder devant lui, alors que sa vision se brouillait.

• Pousse toi de là la gueuse, fit un des mercenaires. Laisse nous capturer cette créature et nous te laisserons partir.
• On pourra même te raccompagner chez toi, eh eh. Ou alors, reste donc avec nous. On manque de compagnie féminine.

La jeune femme pleurait. Ses larmes se mêlaient à la pluie qui ne cessait de tomber. On ne voyait plus rien à moins de dix mètres.

• Laissez le! Il ne vous rapportera rien dans son état!
• C’est un Meneur de loups, tu ne sais donc pas ce que cela implique? Il est capable de te dévorer une nuit de pleine lune, ou de te donner à ses loups comme festin lors d’un hiver trop rude. Il n’aurait pas pu se cacher bien longtemps, avec ses caractéristiques de canidé sur la gueule.

Morgan essaya de se redresser. Il manquait de force, et son bras droit était complètement cassé.

• Lana… Fuis… Je trouverais un moyen… de m’échapper… et de me cacher…

Lana secoua la tête. Elle prit une grosse branche à côté d’elle, qu’elle brandit devant les mercenaires. Cela les fit bien rire. Une si petite humaine qui essayait de protéger un monstre avec une arme aussi grande qu’elle.

• Allons allons, pose ton bâton tu vas te faire mal, fit un assassin au sol.
• Le bâton est plus impressionnant que la personne qui le porte. Quelle tristesse, fit un autre en ricanant.

Le chef lui, sur le dos de sa monture gris pommelé, restait sérieux. En fait, il fixait Lana. Il avait l’impression… que quelque chose émanait d’elle. Il ne saurait pas comment le décrire, mais il sentait une certaine pression venant de la jeune femme.

Bah, les gens avaient une certaine prestance quand ils se mettaient dans leurs derniers retranchements. Il ne voyait pas vraiment de grand danger dans cette fille en guenilles, la morve au nez à force de courir ainsi peu vêtue sous la pluie.

• Tuez la fille, ordonna-t-il. Et ramenez ce chien pour qu’on puisse le donner au commanditaire. Vous avez fait du bon boulot les gars.

Morgan grogna comme une bête sauvage, et se mit devant Lana. Mais les mercenaires se jetèrent sur lui.

• Non!! Morgan!!

Le bras droit du maitre des brigands, lui, se mit derrière Lana, et posa le fer froid de sa lame sur sa fine gorge. Il allait la laisser en vie le temps qu’on attache Morgan, puis il la tuera sous les yeux du Meneur de loups. La pauvre se débattait, sentant son sang couler le long de son cou.

Cette fois, le chef des mercenaires vit clairement qu’il se passait quelque chose.

• L’orage approche chef, on va tâcher de faire vite.
• Ce n’est pas de l’orage qu’on sent…

Il regarda autour de la troupe. On ne voyait rien à plus de cinq mètres. Il ne voyait que les silhouettes de ses hommes.

Le bras droit lui, écarquilla les yeux.

• Diantre… Qu'est-ce que c’est que cette sorcellerie…

Lana avait éclaté une nouvelle fois en sanglots. Son corps semblait produire une espèce de fumée mauve, légèrement lumineuse. La chaleur de son corps avait considérablement augmenté, alors que son enveloppe brumeuse se mélangeait à la vapeur naturelle engendrée.

• Ch…Chef!

L’interpelé n’eut même pas le temps de se retourner qu’un cri horrible se fit entendre. Une lueur violacée se répandait en se reflétant dans les gouttes de pluie, mettant le temps en suspend. En réalité il se passa une ou deux secondes, avant qu’un souffle brûlant ne rase les environs sur une vingtaine de mètres, avec une puissance phénoménale. Seul Morgan échappa au massacre. Il avait réussi à ramper derrière un rocher. Il en ressortit tout de même avec de légères brûlures. Il avait mal, mais s’inquiétait surtout pour son amie. Alors il essaya de la rejoindre, si elle était encore en vie, si son corps n’avait pas brulé.

Mais elle était là, au centre du cercle d’herbe calcinée, en boule sur le côté. Elle pleurait, et n’arrivait pas à se relever. Elle était épuisée.

Du peu de force qui lui restait, Morgan utilisa sa magie de soin, qu’il possédait naturellement, sur Lana, pour son cou. Puis il poussa un long hurlement, pour appeler une meute de loups afin de les aider.

• Ça va aller Lana… Tout ira bien…

Il restait songeur, vraiment inquiet. Ce que venait de faire Lana, c’était de la magie. De la magie de feu. Il ne savait pas d’où elle tenait ce pouvoir, mais savait qu’elle n’avait pas connaissance de cette capacité. Elle n’en avait jamais parlé, et à sa connaissance elle ne descendait pas d’une famille de mage, n’avait pas de mage parmi ses ancêtres.

• On va trouver un mage… Il te formera… Il t’aidera à te contrôler… Je t’encouragerais… Mais en attendant, reste en vie, avec moi…

La meute arriva, deux loups prirent chacun un blessé sur le dos, et ils entrèrent dans la forêt, avant de disparaitre…

*sclères: c'est ce qu'on appelle plus communément le blanc des yeux :)