Je sais ce que tu te dis. Et je comprends.

T'as toujours envie de tout détruire, de tout envoyer balader. T'as toujours eu ce besoin irrépressible de contredire tout et tout le monde dans le but de provoquer. Le pire, c'est que tu t'en rends même pas compte. T'es vindicative. T'as une grande gueule. Tu fais mal aux oreilles.

Mais redescends ma grande, t'as que seize ans. Le pire, c'est que plus tu vas grandir, plus cette hargne, ce besoin de révolte va augmenter et prendre de plus en plus de place. Toi, tu vas te laisser porter par cette vague et tu te sentira forte. Invincible. Tu donneras une image erronée de toi. Tu t'en fouteras parce que t'aimeras ça, montrer que t'as peur de rien. Et pourtant, petit à petit, cette image que les autres ont de toi, ça va t'affecter un peu plus chaque jour. Ca sera minime, tu t'en rendra même pas compte. Tu t'écouteras pas. Tu gardera cette fierté aveugle guider tes pas et tes gestes. Tu veux qu'on te regarde, tu veux te sentir exister dans les yeux des autres. Que l'on te craigne ou que l'on t'apprécie tu t'en fiches tant que tu laisses des traces.

Mais moi, je sais. Je sais que tu n'es pas que ça. Pourquoi c'est si compliqué d'avouer ses faiblesses ? D'avouer avoir peur ? De dire qu'on déteste le chemin qu'on a emprunté ? Tu sais, j'ai toujours pas la réponse. T'es un peu comme ça. Tu t'écoutes pas assez, tu veux garder la tête haute par fierté mais je te jure, tu vas te prendre une belle claque dans la gueule, ma grande.

Ca va te faire perdre la tête, tu vas te sentir paumée, peut-être amorcer une descente aux enfers mais tu sais quoi ? Tu vas remonter la pente. Parce que ta force mal utilisée était destructrice, là, elle sera salvatrice.

Toute ton énergie aura trouvé un nouveau sens. De nouveaux objectifs. Tu vas apprendre petit à petit à t'écouter, à te comprendre aussi. Parce que c'est pas évident, t'as toujours ton cerveau qui tourne comme une essoreuse. T'as des idées qui s'entrechoquent à de nouvelles envies, à de nouveaux projets. Tu t'éparpilleras souvent mais tu trouveras le lien entre toutes ses idées. Tu verras. Ca sera pas facile, tu aura l'impression de t'étouffer et de te noyer, mais tu es ta propre bouée. Je te jure.

Et crois pas que je vais te dire comment éviter ça. N'espère pas non plus que je vais te donner la solution à tout ça. Tu vas faire comme d'habitude : te débrouiller. T'as toujours vingt mille idées à la seconde, t'en trouvera bien une pour t'aider toi. Tu seras ta boussole et ton compas. Ton étoile du Berger et ton gouvernail. Ton navire prendra l'eau, mais ton canot de sauvetage te permettra de faire le plus beau des voyages.