Ashar
Ses mots soufflèrent la fumée du café brûlant. J'aurais pu jurer qu'il était devenu glacé entre mes doigts. Mais peut-être était-ce parce que nous nous regardions en silence depuis un long moment. Je n'ai rien dit. J'ai laissé ses reproches silencieux ramper vers moi sur le tapis miteux. J'ai reposé la tasse et détourné le regard de son visage blafard. Elle n'avait pas changé. Quelques rides creusaient ses joues, témoignages sculptés des larmes qu'elle avait versées pour moi. Pour moi. Elle portait une croix des Sables Blancs en or autour du cou qui se soulevait rapidement au rythme d'une danse irrégulière. Je sentais presque ses questions jouer du tambour contre sa poitrine. Viendrait un temps où il me faudrait trouver des réponses. Mais pour l'instant, j'étais revenu et j'avais bien l'intention de rester. C'était ma vie, elle ne devait pas oublier que c'était à moi qu'on l'avait volée.
Une large table de bois, sous les fenêtres, occupait tout un pan de la pièce, supportant des plantes en pot qui se gorgeaient de soleil en dégageant une forte odeur mentholée. Mali n'avait jamais eu la main verte. Je voulais la serrer contre moi. Sentir sa peau, ses cheveux, son désir. La faire trembler et gémir. Les plantes frémissaient, comme agitées par une brise fantôme. Je voulais reprendre une vie-mirage.
"Ce n'était pas ma faute."
Ni une excuse, ni une justification. Je voulais qu'elle m'aime, qu'elle fasse preuve de foi. Il fallait que je la touche. Elle comprendrait. Je me levais et je la vis se raidir.
La porte claqua et une femme apparut dans l'entrée. Des boucles noires caressaient sa nuque, elle était grande, plate, belle. Elle regardait Mali qui s'était redressée ; une enfant prise en faute. La femme fronça les sourcils comme si j'étais une tache de plus sur le vieux tapis. Mais elle s'avança vers moi, me tendit une main ferme. Sa paume délicate et chaude.
"Max, enchantée, dit-elle.
- Ashar."
Ma voix grave, rêche, basse. Un sourire de politesse et elle s'écarta, rejoignant Mali pour lui prendre un rapide baiser. Leurs lèvres unies. Elle portait elle aussi une croix des Sables Blancs en or autour du cou et je la haïssais.
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