Je me raidissais en suppliant Max du regard. J’étais traversée d’émotions contradictoires mais la plus violente de toutes était l’angoisse. Angoisse qu’Ashar ne reste. Angoisse qu’il parte. Angoisse de la réaction de Kashi, bien qu’elle semble prendre la chose avec philosophie. Mais comment savoir ? Avec elle, comme avec Max, je ne savais jamais sur quel pied danser.

Max était furieuse. Son ton cinglant, ce ton sur lequel elle me parlait quand je me laissais aller à mes épisodes dépressifs m’atteignit comme un coup de fouet. Je me tournais vers Ashar et n’eut pas à attendre longtemps l’éruption. Son visage se déforma, écarlate, ne fut plus qu’une bouche hérissée de dents, de rage et de salive. Je me recroquevillais, l’estomac serré, le souffle rapide. Ses colères me terrifiaient, même après quinze années.

Je vis Kashi qui restait bouche-bée devant le flot d’insultes qui inonda alors la pièce, les canidées se rétractant dans leurs pots. Je voulus traverser la pièce pour la protéger mais mes jambes étaient tétanisées. Il avait beau être mort, il était toujours mon maître. Je n'étais pas capable de protéger ma fille.

Max encaissait, ayant revêtu son visage-mur sur lequel on ne pouvait distinguer qu’une terrible froideur. Elle prenait peut-être conscience du danger qu'il représentait. Je ne lui avais jamais vraiment raconté ; elle aurait méprisé mon amour pour un homme qui me détruisait.

"…sale trainée, raclure de merde de caniveau, gouinasse visqueuse, pute syphilitique, continuait à hurler Ashar, je te buterai, je te le jure, sale rat des sables ! "

Le coup de poing le heurta à la tempe gauche et l’homme s’écroula sur le tapis usé dans un bruit de linge mouillé. Quelques secondes silencieuses s’écoulèrent, personne ne réalisant ce qu'il s'était passé -pas même moi- puis la douleur m’irradia les doigts et je secouais ma main en criant :

"Aï-heu ! Merde, ça fait mal !"