Mali

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Laissez le poulet dorer quelques minutes dans l’huile d’olive puis versez le bouillon et les légumes. Remuez de temps en temps et rajoutez de l’eau si nécessaire pour que cela n’attache pas.

Je secouai les pommes de terre dans la poêle et rajoutai quelques brins de thym. J’aimais la cuisine. J’étais douée là dedans et c’était terriblement reposant pour moi. Je savais quelle épice se mariait avec quel aliment, je maniais le sucré et le salé pour créer des recettes douces et poignantes. J’adorais par-dessus tout voir Kashi racler les plats et Max cesser de parler de la DO, la bouche pleine de mes bricks de poire et fromage de chèvre relevées de miel. La cuisine avait toujours été mon seul et unique don, mon seul pouvoir sur les autres et sur le monde. Je désarçonnais les colères d’Ashar avec mes caramels beurre salé et éclats de truffes et je l’allumais avec mes berlingots fraise-chantilly. Il m’était arrivé de croire qu’en trouvant le bon menu, les coups cesseraient totalement de pleuvoir.

Max…Max s’allumait toute seule, sans que je sache ce que j’avais bien pu faire, même après toutes ces années de vie commune. Max était une vague brûlante qui me submergeait pour me noyer dans un tourbillon d’extase et me laissait pantelante sans que je devine comment elle avait réussi un tel tour.

Je remuai le poulet et les poivrons dans la casserole de fonte et me penchai pour en humer le fumet. Cuisiner avait été mon secret pour garder la ligne. Je me nourrissais des effluves de soupe de courges et marrons, m’emplissais des parfums des rôtis en brioches, des tartes-tatin et meringues, des soufflés de fromage au chorizo et, arrivée à table, je n’avais plus faim. Je me retrouvais donc fluette et ma poitrine n’avait vraiment commencé à exister que lors de ma grossesse. A mon grand soulagement, elle n’était pas partie ensuite et je me trouvais moins ridicule à présent.

Je ne sentis pas la présence de Max avant qu’elle ne m’enlace par derrière, me faisant tressaillir. Je souris en retournant les pommes de terre sautées. Je savais qu’elle aimait me voir cuisiner. Je l’avais déduis de ses longues et quotidiennes contemplations lors de la préparation du dîner.

"Hey Kachanià…, murmura-t-elle à mon oreille."

Kacha, amour, nià, adjectif possessif. Mon amour, en Karmach et les deux seuls mots que Max m’avait jamais appris. Ceux-là et les paroles traditionnelles pour sceller notre mariage. Rien que dans sa dimension, elle parlait cinq langues. Ici, elle avait appris le français, l’anglais et commençait le chinois. Evidemment, pour une attachée diplomatique il était important d’avoir des facilités pour les langues…

"Ce sera prêt dans un quart d’heure. Kashi a mis la table ?

  • Elle est montée mettre sa crème.
  • Ha…bien…"

Je repassais à la casserole et retournais encore le poulet. Il ne fallait surtout pas que ça attache, sinon tout aurait le goût de brulé.

"Mali, qu’est ce qu’on va faire d’Ashar ? demanda Max après un silence dont la tension me fit faire tomber un morceau de poivron sur le sol."

Rouge sur le carrelage blanc. Je l’écartais pour ramasser le fugueur et le jetais dans l’évier avant d’essuyer la trace orangée sur le sol. J’en profitais pour rajouter un peu d’eau sur mon poulet, sinon il allait être trop sec. C’était ça, la réelle difficulté avec le poulet : ne pas servir une viande sèche et cartonnée mais quelque chose de fondant et savoureux. Du coin de l’œil, je vis Max s’assoir sur un plan de travail et m’observer. J’aurais pu jurer qu’elle tirait sur une de ses boucles tombant sur sa nuque.

" Mali…"

J’ouvrais le frigo pour en sortir le smoothie cassis-mûre-mangue que j’avais préparé plus tôt. Il devait être assez frais, à présent. J’espérais que la touche de vanille atténuerait l’acide du cassis.

"Mali…"

Je déposais la cruche un peu trop brutalement sur le plan de travail près de la porte et quelques gouttes noires l’éclaboussèrent. Encre noire sur papier blanc. Il fallait baisser le feu sous les pommes de terre, Kashi n’aimait pas lorsqu’elles étaient trop brunes.

"Mali !"

Je sursautais et me retournais vers Max, rapidement. Je ne voulais pas qu’elle parle. Je savais ce qu’elle voulait dire et je ne voulais pas l’entendre. Alors je répondis très vite, pour qu’elle ne puisse pas parler avant moi :

"Sweetie ? Tu veux bien descendre notre invité ? Il faut bien qu’il mange lui aussi, non ?"

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