Epilogue

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« Verse moi le poison, Ne crains rien, Tu m'as déjà donné la mort,» Lord Byron

Je rouvris les yeux lentement dans une chambre d’hôpital. Du moins je l'identifias comme telle. J'appris par la suite que c'était plus ou moins le cas, une aile réservée à l'élite des Regenero. Je regardais ma main et une sorte de croûte épaisse dépassait à certains endroits où les bandages s'étaient légèrement décalés. Je ressemblais donc à quelque chose entre Godzilla et la Chose des 4 fantastiques. Super. Le plafond était blanc, les murs blancs, les draps, blancs ( quelle surprise) et le sol d'un marron-rouge étrange. Une couleur qui ne doit exister que lorsque l'on fouille les intestins de quelqu'un. Cette pensée me connecta directement avec mon estomac et m'offrit un haut-le-cœur. Mon bras gauche était relié à ce que j'apparentais à une poche de sang accrochée à une sorte de porte-manteaux à roulettes. Je n'ai jamais été bon avec le jargon médical. Je tentais de m'asseoir et y arrivais sans trop de peine à ma grande surprise. Il n'y avait aucun bruit autour de moi et personne dans la chambre. Je décidais donc de me lever du lit. En cas de vautrage élégant, personne ne serait là pour se foutre de ma gueule et ma dignité resterait intacte. Un pieds après l'autre je me mis debout sur le sol glacé. Enfin, il m’apparut glacé après une bonne trentaine de secondes, vu la couche épaisse de bandages et tout le bordel que je me trimballais sur le corps. Rien de trop douloureux ou instable ne se passa. Je remarquais alors la seconde poche sur mon manège à tuyaux. De la morphine, peut être ? Je n'étais pas en rogne et j'étais même plutôt de bonne humeur. Oui, de la morphine. Je me concentrais sur la situation et essayais de me rappeler ce que je foutais là tout en sortant de la chambre. Les larmes me montèrent aux yeux. Amy. Son corps ensanglanté, inerte, dans une de ces pièces. Je croisais mon reflet sur un panneau d'affichage. J'étais couvert de bandages de la tête aux pieds, on ne voyais que mes yeux. Je portais une sorte de combinaison blouse blanche et fine qui ne laissait pas grand chose à l'imagination. J'aurai du ressentir de la gène ou de la honte, mais je me sentais juste à bout. Stephen et Liz étaient-ils en vie? J'inspectais rapidement le couloir et y vit des caméras de surveillance. Bien sur. Je présupposais donc que j'étais déjà observé, repéré et qu'on allait se précipiter pour me remettre au lit. Je noyais ma tristesse et mes interrogations dans la colère. Une colère brûlante et dévastatrice. Je sentais quelque chose en moi se mettre en mouvement. J'avançais le plus rapidement possible, ce qui était plutôt lent avec le bordel que je me trimballais. Je m'attendais à entendre des bruits de pas ou des cris au moindre instant, mais rien. Le couloir était tout aussi blanc que la chambre, mais le sol était d'un bleu sombre plus apaisant. Les murs se ressemblaient tous. Panneaux d'affichages vides, chambres vides, murs blancs, caméras de surveillance et dédales de couloirs. Je finis par déboucher sur une double porte battante avec hublot. Je regardais prudemment à travers, rien. Je la franchis et constatait qu'il y avait des sièges dans le couloir suivant. Je m'y assis lorsque ma tête commença à tourner. Je tentais de me concentrer sur autre chose, afin de reprendre mes esprits le plus vite possible en inspirant et expirant lentement. Une bonne partie de mes bandages étaient en train de se défaire et je devais vraiment ressembler à une momie, maintenant. J'inspectais à nouveau mes bras et la croûte reptilienne qui les couvrait semblait moins épaisse et moins foncée. J'enlevais une partie des bandages et je pouvais constater à l’œil nu que l'épaisse couche rougeâtre semblait comme aspirée vers l'intérieur de la peau. Hé merde. Je sentais ma tête tourner de plus en plus vite et j'avais chaud. Je me levais à nouveau et tentais de trouver des toilettes ou une salle de bain. J'ouvris des portes au hasard sans tomber sur rien d'intéressant pendant quelques minutes. Les chambres étaient toutes vides, dénuées de salles d'eau ou de robinetterie. Je finis par ouvrir une salle dont le sol était intégralement carrelé et dont des pommeaux de douche semblaient sortir des murs comme des mains crochues. J'appuyais sur tous les interrupteurs jusqu'à ce que l'eau jaillisse et me vautrais sur le sol, emportant mon chariot-porte-manteau avec moi dans ma chute. L'eau était glacée dans un premier temps puis finit par devenir tiède. Je me sentais revivre et bu à même le sol. Ce n'était ni très glamour ni très digne, mais une fois qu'on se ballade avec pour seule tenue des bandelettes plus très bien en place et une grande chemise de nuit transparente, on ne cherche plus à faire dans le digne. Être en vie et capable de me mouvoir était un cadeau suffisant pour le moment, donc je laissais filer. Je viendrais chipoter plus tard, comme à mon habitude. J'aurais tout le temps et le loisirs d'être casse-burnes quand je pourrai tenir debout sans aide et capable de dévisager mes interlocuteurs. Après ce qui me sembla durer une éternité mais qui du durer une demi heure, je me relevais, trempé et globalement frigorifié. Ma tête me lançait moins mais mon corps était tout endolori. Je jetais un œil à mes poches et elles étaient quasiment vides. Je recommençais ma ballade dans les couloirs à la recherche de vêtements propres, ou à défauts d'un drap sec. Je finis par tomber sur une sorte de réserve avec un stock rudimentaire de blouses, médicaments, compresses stériles et bandages. Le b.a.-ba du parfait aide-soignant. Je me déshabillais avec difficulté et constatais que la majorité de mon corps était maintenant une masse rosie sans croûtes. Parfait. Je me débarrassais de mes bandages en les découpant avec une paire de ciseaux trouvée là. J'enfilais ensuite un t-shirt/chemise bleu, un pantalon en toile de la même couleur et une blouse de médecin. Cela me prit un temps fou à cause des tubes auxquels j'étais relié. J'avais envie de tout couper, mais après réflexion, je me dis que la morphine, ou du moins ce qu'il en restait me permettait sûrement de tenir encore debout. Je n'avais pas fait tout ce chemin pour tomber dans les pommes dans une réserve au milieu d'un complexe médical je ne sais où. Une fois habillé je me sentais étrangement mieux. La colère et la tristesse, ainsi que la peur et la douleur avaient fusionné en une sorte de sentiment amer. Oui, j'étais amer. Je continuais à avancer dans le dédale de pièces jusqu'à tomber sur un ascenseur et une cage d'escaliers. Tout mon corps me hurlait de prendre l'ascenseur. Mon cerveau par contre se disait que les escaliers étaient sûrement plus discrets et me permettraient de jauger l'endroit dans lequel j'allais me retrouver. Je mis donc mes poches de morphine et de sang dans les poches de ma blouse et me débarrassais du bordel métallique qui me suivait partout. Je me demandais pourquoi je ne l'avais pas fait plus tôt, mais laissais filer. Je montais les marches une à une, m'appuyant sur le mur tout en soufflant. Je montais un premier étage et tentais d'ouvrir une porte, mais sans succès. La panique me gagna lentement. Et si l'on me laissait me balader uniquement pour cette raison? Tout simplement parce que je ne pouvais pas sortir de là? Je sentis mon pouls s’accélérer et ma douleur augmenter. Mon corps ne pouvait pas se régénérer et gérer mes états émotionnels en cascade en même temps. Je tentais de me calmer et de monter encore un étage ou deux pour vérifier ma théorie. A ma grande surprise, la porte suivante s'ouvrit. Elle donnait sur de nouveaux couloirs mais je pouvais entendre un léger palpitement. Il y avait de la vie à cet étage, des machines, des gens qui discutent, une odeur de javel et de nourriture qui flotte. Mon estomac se crispa et je réalisais que j'avais faim. J'attendis plusieurs minutes avant d'ouvrir pleinement la porte et de m'élancer dans le couloir. J'attrapais un plateau repas au passage et m'enfermais dans les premières toilettes que je trouvais. Je dévorais une sorte de purée de carottes et un steak caoutchouteux, ainsi qu'un morceau de pain et du fromage sans aucun goût comme si cela était un repas cuisiné par un chef étoilé. Ma capacité à ingérer de la nourriture humaine après tout ce temps n'avait toujours aucun sens, mais j'en étais plus qu'heureux. Savoir que j'aurai du faire un rejet, ou, tout au mieux la digérer avec difficulté sans ressentir la sensation d'être rassasié n'y changeait rien, avec moi, cela marchait. Mystère et boule de gomme. Je ressorti de mon restaurant cinq étoiles avec un peu plus de force et de légers vertiges. La situation s'améliorait. Je décidais de retourner à la planque que Stephen m'avait indiquée avant que l'on se retrouve dans la mouise. En même temps, sans téléphone ni clefs, je n'allais pas poursuivre mon aventure très loin. Je réussi à éviter un maximum de personnel médical jusqu'à l'entrée principale de l’hôpital et réalisais qu'il faisait nuit. Au passage j'avais réussi à trouver des chaussures d'infirmier, immondices plastiques tue-l'amour mais pratiques, ainsi qu'un manteau long. Ma peau était redevenue presque normale, je semblais juste un peu « boursouflé ». Je m'approchais de la longue route qui bordait l’hôpital, espérant rejoindre le tram à pieds. Juste au moment d'atteindre le mur qui sépare l’hôpital de la route, une voix familière me glaça le sang. Jolan. Je m'arrêtais net et me fit tout petit. Il devait se trouver de l'autre côté du mur, à un ou deux mètres sur ma gauche. Un kaléidoscope d'émotions me traversa. Colère, peur, tout se mélangeait. Il parlait de monter en voiture et de « finir le boulot ». Une autre voix, reconnaissable entre toutes lui répondit, et mon cœur implosa. Stephen. Il était de mèche, et ce, depuis le début. Ce n'était pas possible. Je devais rêver... Je m'approchais au maximum de la bordure du mur et entendis des bruits de portes de voiture. Je comptais rester figer là, lorsqu'une autre voix me fit perdre tout bon sens. - Dépêche toi de monter, Stephen, on a pas que ça à foutre ! Les miettes de mon cœur se pulvérisèrent entre elles, comme des comètes, des impacts de trahisons. Amy. Je franchis le dernier mètre du muret à temps pour voir la voiture s'éloigner et la chevelure reconnaissable entre toutes de Amy. Je m'effondrais et pleurais toutes les larmes de mon corps. Amy était en vie. Mais que faisaient-ils tous avec Jolan ? La colère remplaça vite la tristesse. Je me relevais et regardais en direction de leur voiture qui avait déjà disparu de mon champ de vision. Ils allaient payer, tous. Je n'aurai de cesse de les chasser, quitte à en mourir, mais ils allaient payer.
On dit qu'il faut être proche de ses amis, mais encore plus de ses ennemis. Mais quand la frontière entre les deux n'existe plus vraiment, quelle est la proximité à adopter ? Je n'avais qu'une seule réponse qui me brûlait les lèvres. La vengeance.

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