8 Décembre, Chloé.
A.R
Quelle déception ! La seule trace de l’hiver se trouve sur le visage de mon parrain. Sa barbe blanche est parfaitement taillée et fait ressortir ses yeux bleus. Je retrouve avec tant de plaisir son air coquin et malicieux, il n’a pas changé. La dernière fois que nos routes se sont croisées, j’avais dix ans et il me faisait sauter sur ses genoux. À l’époque, mes copines croyaient déjà plus à son existence et je n’ai jamais voulu les contredire. Après tout, ce choix leur appartenait et de mon côté je me sentais la plus chanceuse des petites filles. Bon, il faut avouer qu’à cette époque, il n’avait pas encore pris la place de son père et se contentait de voyager au quatre coins de la terre, pour sa culture personnelle comme il aimait à dire. Au fond, je pensais qu’il recherchait ma mère pour me permettre de faire sa connaissance. Rapidement, j’ai déchanté. Pour me consoler à chacune de ses escales, il m’envoyait une boule de neige dans laquelle on dissimule un lieu historique. Je garde chacune d’elles précieusement, elles sont rangées sur une étagère de mon appartement parisien. À travers cette petite fenêtre sur le monde, je rêve. Quand j’ai le blues, je mets un vieux titre de Sinatra et les secoue délicatement et mon esprit s’envole. Avant de partir, j’ai déposé celle de Londres sur la table basse de mon père et sur la table de chevet de l'hôpital, j’ai confié celle du Taj Mahal à William, pour qu’il sache à son réveil que où que je sois, je pense à lui.
Je réalise que je dois avoir une mine affreuse. Le voyage et les dernières semaines d’insomnies ont laissé des traces sur mon visage bien visible. Je pourrai dissimuler les cernes derrière des tonnes de fond de teint et tout autre sorte d’artifice mais hors de questions de grimer mon chagrin. Pour l’heure, j’ai avant tout besoin de me libérer de ce poids qui enserre mon cœur et j’espère que ce changement d’air me remettra sur pied rapidement. Dommage que la neige ne soit pas au rendez-vous, je rêvais de me fondre à mon tour dans cette boule de neige pour arpenter les sentiers raquette aux pieds ou me balader avec les chiens de traineaux. Pour l’heure, je me contente de grimper dans le pick up rouge et vert de mon parrain.
- En route ma belle, Marie-Noëlle t’attend avec impatience, me lance Alvar en faisant ronfler le moteur.
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