13 Septembre, Chloé .
Treize, pourquoi ce chiffre m’interpelle plus aujourd’hui que n'importe quel autre jour ? Oui, nous sommes le treize décembre, et alors ! Est-ce que j’aurai oublié un anniversaire ? Est-ce qu’il a une signification particulière dans mon agenda ? Et si je commençais par ouvrir la fenêtre de mon calendrier de l’avent, je serai fixée ou pas. Mon père, ce coquin, l'a glissé dans ma valise avant que je ne parte. J’ai toujours particulièrement apprécié cette attention. Il n’oublie jamais.
Avant mes treize ans, dans chaque boîte se cachait un trésor. Dès que je fus en âge de marcher, avec papy, nous avons parcouru les forêts. Lors de nos balades, nous ramassions des branches, les plus grosses terminaient en flambée dans la cheminée, les plus tendres seraient utiles pour fabriquer mes figurines. Dans sa remise, au petit matin, il se mettait à l’ouvrage. Avec patience, il sculptait des personnages qui ensuite garnissaient mon village. Mamie fabriquait leur costume dans les chutes de tissu, en couturière passionnée. Aussi avant le réveillon du vingt cinq décembre, je jouais avec les pantins et avec papa nous avons commencé à leur créer nos premières histoires. Ma chambre débordait de ces petits bonhommes au visage expressif, ils formaient des rondes autour de mes boules de neige. À cette heure, chacun a trouvé sa place dans le grenier du chalet des Pyrénées. Seuls quatre d’entre eux sont restés à Paris. Étienne, le facteur au grand cœur, qui n’oublie jamais de poster ma lettre au père noël, sur son vélo jaune avec ses deux sacoches. Bruno, avec sa jolie moustache, son regard rieur et ses chiens, des champions d’agility. Jérémie et son renard ont une place à part, à travers eux j’ai découvert le petit prince. Et que dire de l’avocat Alexis, fier et droit dans son habit noir. Tous les détails ont été réalisés avec tant de minutie. Je les ai tous gardés précieusement et qui sait un jour mes enfants les feront revivre à leur tour. Étrange de penser à devenir mère, pour cela il faudrait que je trouve le père qui me comblerait.
À mon entrée au collège, la tradition a évolué. Je grandissais et mon grand-père nous avait quittés l’hiver d’avant. Alors mon père avec la complicité de ma grand-mère ont voulu mettre en place un nouveau rituel. Les mains de Josette, toujours habiles malgré ses quatre-vingts ans, confectionnent de jolis sachets dans lesquels Augustin continue à dissimuler un petit rien. Heureusement, j’ai ouvert les douze premiers avant de partir de France, sinon je ne suis pas sûre qu’une valise aurait suffi.
Ce matin dans mon igloo de verre en Laponie, loin des êtres chers, je redeviens cet enfant qui tire délicatement sur le ruban pour découvrir ma surprise. Le chiffre treize est brodée sur un joli tissu avec une coccinelle sur un trèfle à quatre feuilles. Comme le hasard fait toujours bien les choses, elle a treize petits points noirs. La bête “à bon dieu”, la meilleure amie des jardiniers, porte-bonheur doit son appellation à une légende du moyen âge. Un pauvre homme accusé de meurtre et clamant à qui voulait l’entendre son innocence, aurait dû son salut à l’époque à cet insecte qui avait élu domicile sur son cou. Ne pouvant déloger l’animal, le bourreau a vu là un signe divin aussi la grâce fut accordée, une sacré veine pour ce pauvre bougre. Papa et mamie ont parfois de drôle d’idées. Dois-je lire entre les lignes ?
Je tire sur le nœud pour libérer le cadeau, treize feuillets tombent sur la couette. Mais oui , nous sommes vendredi, un vendredi treize, je comprends mieux pourquoi chaque morceau de papier relate des faits différents, chance ou malheur selon ses croyances. Un flash, une douleur remonte à la surface. Il y a trois ans, lors de notre première mission avec William, nous étions tombés dans un guet-apens au treize de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, un vendredi treize septembre à treize heures précisément. Un mois plus tard et après bon nombre d'investigations, nous avons découvert que ce numéro n’existait plus dans Paris depuis belle lurette, à la demande de l'impératrice Eugénie. Mais cet après--midi là, mon coéquipier avait déjà joué au super héros, me sortant d’un mauvais pas. Depuis ce jour, il m’a surnommé ladybird.
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