Chapitre 2 (sixième partie)
Samedi 8 avril 2006
Assis sur un banc, le jeune homme surveillait deux enfants qui jouaient. L'un faisait de la balançoire et l'autre, plus petite, s'amusait dans un bac à sable à deux pas devant lui. Son téléphone sonna soudain et il hésita en voyant que c'était un numéro inconnu qui s'affichait. Il décrocha pourtant.
- Allo, Kenneth ?
- Oui ? répondit-il sans reconnaître son interlocuteur.
- Bonjour, c'est Mickaël. Je ne te dérange pas ?
- Non, bonjour, Mickaël ! Excuse-moi, je ne t'avais pas reconnu…
- Pas de soucis…
- Je suis au parc, avec les deux grands. Ne sois pas surpris si j'interromps notre discussion car l'un d'entre eux aura besoin de moi…
- D'accord, répondit Mickaël en souriant. Je t'appelais parce que je voulais te rassurer au sujet de Maureen…
- Ah ? Il y a eu un souci ? s'inquiéta-t-il aussitôt.
- Non, pas du tout, dit Mickaël. Elle va très bien et tout se passe au mieux pour l'heure. Elle aura un prochain rendez-vous avec le médecin d'ici la semaine prochaine. Non, je voulais te parler… sérieusement. Je regrette de ne pouvoir le faire que par téléphone, j'aurais préféré que nous ayons cette conversation face à face... Mais je voulais t'assurer que je prenais bien soin d'elle.
- Je… Je n'en doutais pas, Mickaël, dit Kenneth un peu surpris.
- Je te remercie de cette confiance. Je sais aussi que certains de nos choix peuvent surprendre…
- Certes, dit Kenneth qui avait bien compris à quoi Mickaël faisait allusion. C'est vrai, j'aurais préféré… disons, non pas d'autres choix pour ma sœur, mais que vous songiez simplement à assurer un cadre familial plus "officiel" à votre futur enfant. Elle a déjà affronté un divorce…
- Et un mariage foireux, l'interrompit Mickaël. Kenneth, j'aime ta sœur et je n'ai pas d'autre ambition que la rendre heureuse. Sois-en assuré.
Kenneth sourit : Mickaël parlait d'un ton sérieux et posé, et il appréciait cela. Il n'était pas comme un jeune fou enthousiaste, débordé par ses sentiments et ses émotions. L'homme qui lui parlait était tout aussi sérieux que lui-même pouvait l'être et oui, il pouvait désormais être tout à fait serein. Il poursuivit :
- Je sais que tu rends Maureen heureuse, Mickaël. Je l'ai bien mesuré en vous voyant à Dublin cet hiver. Et aussi à travers ses lettres. Elle est... plus épanouie avec toi qu'avec Brian, même si je suis triste pour elle de devoir le reconnaître. J'aurais aimé qu'elle fasse le bon choix, dès le début.
- A-t-elle eu vraiment le choix ? interrogea Mickaël.
Kenneth se tut et réfléchit. Sa fille continuait, méticuleusement, à remplir un petit coquillage de sable et à le vider devant elle en regardant les grains tomber lentement. C'était difficile pour lui de l'admettre, mais il devait reconnaître que Mickaël posait là la bonne question. Il finit par répondre :
- Sans doute que non... Mais Brian était un bon parti. Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit ! Je ne dis pas que ce n'est pas ton cas...
- Je l'entends bien, le rassura Mickaël. Vous avez tous cru qu'elle serait heureuse avec lui.
- Oui, reconnut Kenneth. Il était sérieux dans son travail, avec elle aussi. Du moins... avant qu'ils ne se marient.
- Avant, peut-être. Mais pas après, dit Mickaël.
- Tu n'as pas tort... soupira Kenneth. J'ai vu la différence, Mickaël. Je l'ai bien vue... Le sourire de ma sœur, sa tranquille assurance, et sa joie à m'annoncer la nouvelle du bébé. Je sais qu'elle en a souffert, de ne pas avoir d'enfant... avant. Et je me réjouis sincèrement de cela pour vous deux.
- Merci, dit Mickaël. Je voulais aussi te demander... Tu peux ne pas me répondre et estimer que cela ne me regarde pas, mais... As-tu reparlé d'elle avec vos parents ?
- Oui et je ne vois aucune objection à t'en parler, dit Kenneth d'un ton très sérieux. Comme tu le sais sans doute, puisque je l'avais fait savoir à Maureen, j'ai reparlé avec eux suite à votre rencontre avec maman. Cela n'a pas été facile, mais avec le soutien de mon père, nous sommes parvenus à lui faire comprendre que Tara n'avait rien fait de mal en vous recevant et qu'elle en avait le droit. Depuis, et je sais que Philip y veille aussi, elle n'aborde pas le sujet avec Tara. En fait... C'est bien triste, mais... Elle ne parle plus du tout de Maureen. Et là, je t'avoue que je suis un peu démuni et je ne sais pas quoi faire. Je me dis qu'il faut laisser le temps passer...
- Et votre père ?
- C'est tout aussi compliqué de parler d'elle avec papa, reconnut Kenneth. Il se mure dans le silence... Impossible de savoir ce qu'il en pense. Il faut attendre, encore, ajouta-t-il.
Au ton qu'il employa, Mickaël comprit qu'il n'était pas du tout certain que cela changerait quelque chose. II se sentit peiné pour Kenneth qui, il le savait bien, tentait d'améliorer les choses. Il reprit :
- Je te remercie de tous tes efforts, Kenneth. Pour Maureen. Je ne sais pas encore quand elle va annoncer la nouvelle du bébé à tes parents. Je la laisse décider, je peux juste lui apporter mon soutien de mon côté.
- Oui, bien entendu. Je n'ai pas l'intention d'y faire allusion et même si je n'en ai pas encore parlé avec Tara et Philip, je pense qu'il en sera de même pour eux. Quant à notre autre frère... Bah... Il est un peu comme papa. C'est un "taiseux".
Mickaël ne dit rien : Maureen lui avait bien laissé entendre que le contact avec son autre frère aîné était vraiment difficile, puisque ce dernier n'avait jamais répondu à la moindre de ses lettres, pas même aux cartes d'anniversaires ou de vœux qu'elle lui avait adressées. Kenneth poursuivit :
- Dis à Maureen de me prévenir quand elle en informera papa et maman, que je sois au courant si jamais...
- Oui, bien sûr, dit Mickaël. Je le lui rappellerai quand elle se décidera à leur annoncer la nouvelle. Mais peut-être ne le fera-t-elle qu'à la naissance... Je ne peux vraiment rien te dire à ce sujet de ses intentions.
- Je pense cependant que ce serait mieux avant, dit Kenneth. C'est juste mon avis et cela ne doit pas l'influencer. La décision vous appartient.
- Merci. Sincèrement, merci, Kenneth. Maureen a de la chance de t'avoir pour frère.
Ce dernier sourit :
- Merci en retour, Mickaël. Je sais que ma sœur est heureuse avec toi. C'est important pour moi. Je vais te laisser cependant car... Hop, j'ai Colm qui veut aller sur le toboggan... Et je dois sortir Jolan de son bac à sable pour cela.
Un rire léger lui répondit :
- Pas de soucis. Merci de cette discussion, Kenneth. A bientôt.
- Merci aussi à toi, Mickaël. A bientôt.
Et ils raccrochèrent. Mickaël leva les yeux vers le ciel nuageux qu'il pouvait apercevoir au-dessus des toits de la rue. C'était l'heure de la pause et, pour une fois, il n'était pas resté avec toute l'équipe. Il les rejoignit dans la ruelle. Sam l'apostropha aussitôt :
- Alors, Micky, elle va bien ta Princesse ?
- Ce n'était pas Maureen que j'appelais, répondit-il.
- Tiens, tu m'étonnes... lança Sam.
- Non, c'était son frère.
- Houla... fit-il en levant les mains devant lui. Ok, je dis rien... Bon, faut qu'on y retourne !
Et toute l'équipe réintégra la cuisine, pour poursuivre les préparatifs pour le soir. Mickaël ne parlerait de sa conversation avec Kenneth à Sam que quelques jours plus tard.
Dimanche 16 avril 2006
L'autoroute défilait devant leurs yeux. Mickaël conduisait tranquillement et Maureen profitait du paysage. Ils avaient décidé de passer le week-end pascal à Callander, chez Willy. Shana s'y trouvait depuis le vendredi soir, ils la ramèneraient le lundi, jour férié pour elle.
Le ciel était assez dégagé, de gros nuages blancs étaient poussés par un vent assez soutenu, et si le fond de l'air était frais, l'impression de beau temps prévalait. Tous deux se sentaient heureux de passer ce week-end en-dehors de Glasgow et de revoir leurs amis. S'ils avaient eu l'occasion de se croiser un peu au cours de l'hiver, cela n'avait jamais été que pour une soirée. Pour que Maureen fatigue moins, Mickaël avait pris l'autoroute jusqu'à Stirling. Ils marquèrent une petite étape à Doune, chez ses grands-parents paternels, bien heureux de les revoir et de constater que la grossesse de Maureen commençait à se voir et que la jeune femme se portait bien.
Ils arrivèrent à Callander en fin d'après-midi. William n'habitait plus dans le petit appartement dans lequel il avait emménagé pour la rentrée scolaire précédente, mais dans une petite maison qu'il avait trouvée à louer depuis deux mois. Il avait déménagé le week-end au cours duquel Mickaël et Maureen s'étaient rendus à Dublin et seuls les parents de William, Sam et Jenn étaient venus les aider. La maison était un peu plus grande et plus agréable aussi que l'appartement, avec un joli jardinet sur l'arrière.
Les quatre amis se retrouvèrent avec plaisir et passèrent une soirée agréable. Le lendemain, ils avaient prévu d'aller se promener dans les alentours, jusqu'à la passe de Leny, puis de revenir en longeant le Loch Venachar et en traversant une partie du Queen Elisabeth Forest Park, pour se retrouver ensuite sur la route de Glasgow, en passant par Aberfoyle.
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