Chapitre 6 (troisième partie)
Mercredi 13 septembre 2006
Chère Tara,
J'espère que vous vous portez bien tous les trois. Je t'écris en cette matinée un peu pluvieuse pour te donner quelques nouvelles après une semaine et un début de mois bien occupés. Le restaurant a ouvert comme prévu mardi dernier, et Sam et Mickaël sont satisfaits de leurs premières journées de travail. Ils ont eu du monde chaque soir, quelques touristes, de la famille bien entendu qui s'est empressée de venir les soutenir, quelques amis ou connaissances également, mais aussi des inconnus curieux de découvrir un nouveau restaurant. Tous deux se donnent beaucoup, avec la perspective aussi de se faire connaître et reconnaître. Mickaël compte sur le bouche à oreille pour se faire une clientèle et comme la ville n'est pas très grande, il sait aussi que ces premières journées sont très importantes et que, comme le dit Sam, "il ne faut pas se rater".
Nous étions tous présents pour l'ouverture, ses parents, Mummy et moi, ainsi que des proches de Jenn, dont ses grands-parents qui sont aussi la belle-sœur et le beau-frère de Mummy et dont cette dernière est très proche. Ce fut une belle soirée et j'étais heureuse de pouvoir y participer.
Ingrid et Henry ont regagné Glasgow jeudi dernier, mais nous les reverrons bientôt, pour la naissance.
Je me porte bien, même si ces dernières semaines sont plus fatigantes pour moi. Il y a eu, bien sûr, un certain stress lié à l'ouverture du restaurant, un peu d'agitation ici, mais c'est surtout parce que désormais, le bébé est lourd et que je ne peux plus m'activer autant qu'au cours de l'été. Cela n'est pas une découverte pour toi et je sais que tu imagines bien ce que je peux vivre en ces journées. Néanmoins, je passe de bons moments avec Mummy qui s'active à cuisiner, à préparer encore des bocaux pour l'hiver. Bientôt m'a-t-elle dit, elle commencera à faire de la compote qu'elle conserve aussi en bocaux, avec les premières pommes qui vont tomber et qui sont souvent un peu abîmées, qui ne se conserveront pas très bien. Cela donne déjà l'eau à la bouche que d'imaginer les bonnes odeurs qui envahiront alors sa cuisine.
Cette fin d'été à Fort William est vraiment très agréable. Nous avons encore des températures douces, même si les averses sont plus fréquentes. Il ne fait pas froid du tout et nous pouvons encore profiter de belles éclaircies au jardin. Je m'y installe dès que le temps le permet, pour tricoter ou lire. Je dois revoir le médecin pour un contrôle la semaine prochaine. J'espère que le bébé est désormais bien placé et qu'il ne se retournera pas d'ici la naissance... C'est ma principale préoccupation pour l'heure...
Je vais également profiter de cette journée pluvieuse pour écrire à Kenneth et à Granny, leur donner les mêmes nouvelles qu'à toi.
Je t'embrasse bien fort, ainsi que Philip et Brendan. Et Mickaël vous transmet aussi son bonjour.
A bientôt,
Maureen
Mercredi 20 septembre 2006
Plus l'automne s'avançait, plus Mickaël, en quittant la maison de sa grand-mère chaque matin se demandait s'il n'allait pas devoir y revenir en urgence. La naissance approchait, mais, pour l'heure, il n'y avait pas de signes précurseurs. Deux semaines après l'ouverture du restaurant, Maureen et lui se rendirent à l'hôpital, pour une visite de contrôle. Le bébé était bien placé, tête en bas, et du bon côté. Cette nouvelle soulagea Maureen dont l'inquiétude commençait à monter au fil des jours. Mickaël, lui, ressentait tout à la fois impatience, fébrilité, émerveillement et appréhension. Plus les jours passaient et plus Maureen dormait mal, le bébé était lourd, donnait de fréquents coups de pied ou de bras. Elle dormait en plusieurs fois et, bien souvent, Mickaël la trouvait éveillée quand il rentrait en pleine nuit, car le sommeil la fuyait à cette heure.
Le médecin s'était fait rassurant, il avait cependant bien précisé aux futurs jeunes parents que l'accouchement pouvait se déclencher d'un jour à l'autre. Maureen vivait véritablement les dernières journées de sa grossesse.
Jeudi 28 septembre 2006
Il y eut ce jour-là une première alerte, car Maureen ressentait de fortes douleurs. Mais le travail n'était pas déclenché, et après avoir passé une poignée d'heures à l'hôpital, elle fut renvoyée à la maison et Mickaël reprit le service. C'était la fin d'après-midi, Sam était à fond, s'attendant à travailler seul pour la soirée, voire les deux soirs à venir. En voyant son ami apparaître, il lança :
- T'as eu pitié de moi et tu viens me filer un coup de main ? Ils t'ont annoncé que ce ne serait que pour demain matin ?
- Non, fausse alerte, répondit Mickaël. J'ai ramené Maureen à la maison. Ce sont juste des contractions, mais rien n'est déclenché. Allez, je m'y mets. T'en es où ?
- Je termine les desserts. Les légumes, c'est ok. Je te laisse la viande et le poisson puisque tu es là… Et on a eu deux réservations pour ce soir. 9 personnes en tout.
- Ok. Bien.
Et malgré ses pensées tournées vers Maureen et le bébé, Mickaël se mit au travail, se concentrant sur la préparation des poissons. Ce soir, il avait un beau choix et avait décidé de proposer une soupe du pêcheur, avec des crustacés, et de cuisiner la lotte récupérée par Sam le matin-même à l'armoricaine, car il avait encore à sa disposition de belles tomates. Pour la viande, ce serait soit un ragoût de mouton à la bière - une des grandes spécialités de Sam -, soit des côtes rôties. Et si, pour les desserts, ils pouvaient encore proposer quelques tartes avec les derniers fruits de l'été, Pomme normande figurait désormais chaque jour au menu.
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