Juin 2007

Dès que Mummy fut de retour à Fort William, Maureen se rendit chaque après-midi au restaurant. Elle voulait observer comment Sam et Mickaël travaillaient, pour pouvoir aider ce dernier le mieux possible quand leur ami s'absenterait pour être auprès de Jenn. Mickaël avait dû batailler avec lui pour qu'il acceptât de rester avec Jenn au moins deux jours au moment de la naissance. Très vite, Maureen comprit en quoi elle pourrait seconder Mickaël, même si elle n'était, bien entendu, pas capable de remplacer Sam.

Plus les jours passaient et plus Sam devenait tendu. Jenn, de son côté, gardait son calme, mais elle redoutait la naissance. Les médecins étaient encore hésitants quant à pratiquer une césarienne, et elle se demandait aussi comment elle vivrait le fait que ses bébés seraient placés en couveuse, au moins durant quelques temps. Maureen se doutait qu'elle aurait alors besoin de soutien moral.

Sam l'accompagna pour une visite, un matin, à l'hôpital. Ce jour-là, Mickaël s'était chargé de toutes les courses. Sam le prévint que Jenn allait rester hospitalisée et que l'accouchement était programmé pour le lendemain. Mickaël l'obligea à rester avec elle et il appela Maureen.

- Ma douce ?

- Oui ? dit-elle en décrochant.

- Est-ce que tu peux venir dans l'après-midi ? demanda-t-il. Jenn est hospitalisée et je viens d'obtenir de Sam qu'il reste avec elle. L'accouchement est programmé pour demain.

- D'accord. Je prépare tout ce qu'il faut pour Mummy, pour Killian, et j'arrive, répondit-elle.

- Prends ton temps aussi, ça va pour l'heure.

- Pas de soucis. A tout à l'heure !

Mummy avait levé le nez de son tricot et attendait que Maureen revienne dans le salon, mais elle avait déjà deviné une partie de la conversation : depuis son retour à Fort William, elle s'attendait à ce que Mickaël appelle.

- Jenn est hospitalisée, Mummy, expliqua la jeune femme. Mickaël va avoir besoin de moi. Je vais préparer ce qu'il faut pour Killian. Que vous n'ayez pas besoin de monter à l'étage.

- Il y a quelques petits vêtements qui sèchent encore, sur la terrasse. J'irai voir tout à l'heure. Avec le vent qu'il y a… ce sera vite sec ! Au pire, je le laisserai en pyjama, tu sais ! dit la vieille dame.

- Oui, bien sûr. J'ai tiré du lait ce matin, vous pourrez lui donner un biberon ce soir. Et pour le goûter…

- Il reste de la compote. Cela sera suffisant.

Maureen gagna la chambre de Killian, prépara les vêtements et les couches dont Mummy pourrait avoir besoin. Le petit garçon faisait sa sieste dans le salon, dans le lit d'appoint.

- Vous le coucherez ici, Mummy, ce soir ? demanda-t-elle en revenant avec les affaires qu'elle déposa sur la table de la salle à manger.

- Oui, oui, ça ira, répondit Mummy. Je laisserai la porte de ma chambre ouverte, je l'entendrai bien en cas de souci. Reste avec Mickaël autant que tu pourras, mais sois prudente pour faire la route de nuit !

- Oui, je vous promets, répondit Maureen. Bon, je crois que tout est prêt… Vous m'appelez en cas de problème !

- Va, ma fille, je le ferai !

Peu après, la jeune femme entra dans le restaurant. Shirley était là et s'activait dans la salle pour dresser les tables. Elle la salua :

- Bonjour, Shirley ! Ca va encore ?

- Oui, oui, Maureen, ça va, répondit la jeune serveuse. La salle est propre, je m'occupe des tables. Sam est passé tout à l'heure… Mais Mickaël l'a renvoyé bien vite !

- Oui, il sera mieux à la clinique… dit Maureen.

- Oui, ici, il aurait été insupportable ! rit la jeune femme.

- Bon, je vais aider Mickaël, mais si tu as besoin… Tu m'appelles.

- Ok, pas de soucis ! Tu seras plus utile avec le chef, de toute façon…

Maureen gagna rapidement la cuisine. Mickaël était déjà concentré sur ses préparatifs. Il avait levé les filets de poissons et était en train de découper les viandes.

- Oh, déjà là ! Tu as fait vite ! dit-il en levant la tête en entendant la porte s'ouvrir.

- Oui, je n'ai pas mis longtemps à préparer les affaires pour Killian. Il dormait encore, expliqua-t-elle. Mummy va gérer.

- Je savais qu'elle aurait assuré. Tiens, dit-il, aide-moi pour les légumes.

Pendant leur petit échange, Maureen avait déposé son sac dans la réserve et enfilé un grand tablier. Elle s'occupa de laver et éplucher les légumes, et divers petits éléments de décoration des assiettes qui nécessitaient d'être préparés dans la journée. Dès qu'elle avait terminé une tâche, Mickaël lui en confiait une autre. Lui s'activait déjà à cuire certaines préparations. La fin de journée s'avançait, Shirley avait déjà pris deux réservations, soit neuf personnes pour le soir. Petit à petit, la cuisine s'emplit d'odeurs alléchantes et tous les trois mangèrent rapidement avant que le service ne débute et que les premiers clients n'arrivent. Ensuite, la soirée passa vite, Maureen aidait à la vaisselle, au rangement, sortait les ingrédients dont Mickaël avait besoin. Elle espérait que même avec un seul cuisinier, les clients n'attendaient pas trop entre chaque plat, chaque service. Mais Shirley avait l'œil et les aidait bien en cela, percevant aisément ceux qui souhaitaient prendre leur temps, ceux qui étaient un peu plus pressés. C'était un jeudi soir et, comme chez Harris, Mickaël savait que cette soirée donnerait un peu le ton des deux suivantes. Il s'attendait à une fin de semaine assez compliquée, mais il n'aurait pas voulu que Sam revienne. Il fut tenté de ne prévoir qu'un seul service pour le lendemain, pour simplifier les choses. Même avec l'aide de Maureen et le professionnalisme de Shirley, c'était quand même serré.

Néanmoins, il put féliciter Maureen et, une fois encore, il se dit qu'elle était vraiment le soutien dont il avait besoin dans les moments difficiles ou un peu tendus.

**

Le vendredi, dès que Mickaël retourna au restaurant, Maureen l'accompagna. Ils n'étaient encore que tous les deux, à ranger les provisions qu'il avait ramenées le matin-même du marché et du port, quand Sam passa la tête par la porte de la cuisine :

- Hello ! You hou !

- Sam ! Qu'est-ce que tu fous là ? s'écria Mickaël.

- Hé, Micky ! rétorqua Sam. Grimpe pas dans les tours aussi vite, sinon tu n'auras plus de réserve pour Maureen cette nuit ! Je ne fais qu'un passage, j'ai bien compris que j'étais persona non grata ici !

- Comment va Jenn ? s'inquiéta Maureen en s'essuyant les mains, puis en reposant son torchon sur un coin de la table pour venir saluer le grand jeune homme.

- Bien, répondit-il avec un grand sourire. Un peu shootée, mais bien. Ils ont fait la césarienne ce matin, elle était la première au bloc ! Les petites sont en couveuses, elles sont belles... Tenez, j'ai pris quelques photos.

Il leur présenta l'écran de son téléphone et Maureen comprit que le "quelques" était superflu. Sam avait tout simplement mitraillé ses filles.

- Enora et Arwen ! Les deux prunelles de mes yeux ! Je crois qu'elles me ressemblent quand même un peu... dit-il avec un mince sourire et en plissant les yeux.

Mickaël leva les yeux au plafond... mais ses yeux y restèrent quand Sam dit :

- J'ai pris une grande résolution, les amis ! J'arrête de fumer ! Vrai de vrai ! Sur la tête de mes choupinettes !

- Tu prends des risques, là, dit Maureen en plaisantant. Est-ce que Jenn est d'accord ?

- Pour que j'arrête de fumer ? Ah ça, oui ! rétorqua-t-il avec aplomb.

- Pour que tu le jures sur la tête de tes filles... compléta la jeune femme.

- Bien sûr. Elle sait qu'ainsi, je tiendrai parole... Bon, vous passerez les voir demain !

- Seulement si Jenn récupère, dit Maureen. Est-ce qu'elle pourra allaiter ?

- Ca va être compliqué, soupira Sam. Elle va devoir tirer son lait pour activer le processus. Mais bon, elle semble vouloir tenter le coup...

- Elle est courageuse, fit remarquer Mickaël.

- Ca...

Et à l'air de Sam, tous les deux comprirent qu'il était vraiment et sincèrement admiratif de sa compagne.