L'ombre du Père Noël
Face au miroir il s'observait. Il passait en revue son costume. Il regardait le pompon qui pendait, accroché à un grand bonnet, le long manteau fourré qui lui tenait chaud, le pantalon, semblable au haut et les épaisses bottes noires qui complétaient sa tenue. Cette dernière était, bien entendu, rouge.
Il regarda son visage imberbe et d'une étrange pâleur une ultime fois avant de la couvrir de la longue barbe caractéristique du personnage qu'il incarnait. Des gants blancs vinrent finaliser son accoutrement. Puis il quitta la pièce pour s'enfoncer dans l'obscure clarté de la neige, allant distribuer divers cadeaux à de jeunes enfants.
Vous l'aurez devinez, il incarnait le Père Noël. Enfin, il se déguisait de même. En effet, il opérait durant le même temps imparti que ce bon monsieur mais il ne distribuait que la mort et la peur.
Peut être cette nuit viendra-t-il chez vous ou ira-t-il chez vos enfants. Peut être est-il en ce moment même en train de vous observer. Serez-vous sa prochaine victime ? Personne ne le saît, pas même lui. Mais cette nuit est la nuit de Noël donc il se rendra chez quelqu'un pour lui offrir un cadeau qu'il ne pourra pas oublier. Cependant avant, il doit aller le trouver, ce présent.
Il avait remplacé son traîneau par une vulgaire voiture. Il monta dedans, démarra, et roula. Il ne savait pas vers où. Il se laissa porté par le destin. Il s'arrêta après trois heures de route, afin de continuer à pied. Il permit alors à son esprit de divaguer. Il sourit en s'imaginant la suite des événements. Il voyait déjà la tête des enfants, des parents et même celle du chien. Il préférait quand c'était une famille nombreuse ; il pouvait alors voir plus de réactions et entendre plus de pleurs. Il ne pût s'empêcher de glousser retenant un rire sadique en se souvenant de la nuit où des triplés avaient découvert le reste d'un bébé.
Il aperçut alors, sur l'autre trottoir, la maison parfaite. Elle était spacieuse, aucune pièce ne semblait allumée et on voyait les décorations du sapin qui scintillaient à travers la fenêtre apparemment ouverte du salon. C'est par là que s'introduisit l'homme, en silence. Seuls le rouge, bleu et vert clignotant des guirlandes éclairaient l'intrus. Il traversa les pièces avec aisance. On croirait qu'il avait fait ça toute sa vie. Il avait d'ailleurs fait ça toute sa vie. Il n'hésita pas une seconde à pénétrer dans la chambre d'une enfant. C'était une jeune fille d'environ six ans qui dormait paisiblement dans un beau lit de princesse, rêvant probablement des jouets que le Père Noël lui apportera.
L'homme la regarda, l'étudia quelques minutes et, respirant un grand coup, non pas pour se donner du courage mais pour savourer cet instant, il abattit sur le cou fragile de sa victime son poing, tel le guilleret d'une guillotine. Le dernier grain du sablier de sa vie était tombé, ne restait plus que le néant comblant l'espace vide. Un sourire se dessina sur son visage, à travers sa longue fausse barbe. C'était un homme heureux, fier d'avoir accompli sa tâche. Mais celle-ci était loin d'être finie.
Il approcha sa bouche de la gorge de l'enfant. Il sentait l'odeur de la jeunesse innocente ; cela le faisait jubiler. Il ouvra sa bouche et, sans hésitation, il referma sa mâchoire sur la jugulaire de sa victime. Le liquide qu'il aimait tant coula le long de sa propre gorge. Il savourait ce fluide. Il croqua à plusieurs reprises dans la tendre chair. Il dût ensuite plonger ses mains gantées dans le carnage afin d'arracher les os qui le gênaient. A la suite de cela, il lui était plus facile de détacher la tête du corps. Ce qu'il fit après s'être rassasié. Il empoigna la caboche de la fillette et partit sans jeter le moindre regard au massacre qu'il laissait derrière lui.
Il quitta la chambre d'un pas sûr puis traversa le couloir. En franchissant le salon, il passa ses longs doigts, désormais de la même couleur écarlate que son costume, sur les branches du sapin. Ce faisant, il ne vit pas un jouet qui était à ses pieds et trébucha dessus. Il tituba quelques instants et ne pût retenir la tête qui, à la suite de sa chute, roula jusqu'au pied d'une table, laissant une traînnée de sang. L'homme jura puis alla récupérer le crâne. Sur le meuble qui l'avait stoppé, il vit plusieurs biscuits à l'air appétissants. Il ne put se retenir d'en manger un. Il avait beau être bon, il préférait la chair humaine.
Il quitta ensuite la maison pour aller offrir son cadeau. Il se dirigea vers l'habitation voisine. Il eut plus de mal à y entrer mais, ayant pris un kit de crochetage, il y parvint en une dizaine de minutes. Là aussi, il y avait un sapin sous lequel il trouva des cadeaux. Il en ouvrit un de la taille nécessaire, retira le vulgaire jouet qui y était et y déposa son offrande. Il s'en alla alors, refermant la porte derrière lui. Il ne lui restait plus qu'à savourer la suite et à attendre l'année suivante. D'ici là, il retournerait chez lui, avec sa femme et leurs trois enfants.
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