Chapitre 3 : L'art d'attraper des mourus-vivants.
Les mourus enfin sous ses yeux, George chercha le meilleur moyen de les ramener à sa zone à défunts.
"Mourus vivants, attrappez les tous, c'est notre histoire ! En avant pour le repos éternel !"
Enfin, pour commencer il lui fallait trouver une charrette à mourus, car il fallait bien les transporter, ces machin-là. Le pauvre fossoyeur ne trouva pas mieux, pour faire office de transports à crevés, qu'un camion benne. C'était pas la gloire, mais au moins, il pourrait les livrer, et en grand nombre. Il n'avait plus qu'à bénir sa sainte pelle, pour pouvoir assommer ses defunts avec. Chargé de motivation, et de glouglou rouge coulant dans ses veines, il chercha les mourus cachés. Il commença par la salle des fêtes changée en cinéma, et tomba sur un spectacle des plus étrange : les mourus regardaient un film d'horreur. Il ne put s'empêcher de montrer son étonnement à haute voix :
Georges: Bordel de bon diou ! C'ét-y quoi ça ? Des mourus qui regardiont d'autres mourus faire des conneries ? Sont-y déboité d'la cafetière ou point, ces couillons ?
Les crevés étaient si absorbés par leur film, qu'ils n'avaient même pas remarqué le fossoyeur. Peut-être aussi, étaient-ils tellement décomposés, qu'ils n'avaient plus d’ouïe pour l'entendre. Le bon vieux Georges, âgé, et donc sage du haut de ses trente ans, avait l'effet de surprise. Ce dernier passa derrière eux, rangée après rangée, et les assomma à grand coup de sainte pelle. Puis, il chargea ses crevés dans la charrette à mourus. Il se dirigea ensuite vers ceux qui occupaient le troquet du village, mais ceux-ci étaient plus vif que les autres. Il devait jouer son rôle de berger : les regrouper, et les attraper tous en même temps. Sauf que les bergers, eux, bah ils ont des chiens pour rassembler le troupeau. Alors que George, qu'avait-il, lui ? Deux vieux revenus trasparants, complètement inutiles et séniles ? Pas moyen de réussir avec ça.
Avant qu'il n'ait pu trouver une meilleure solution, le spiritueux Bébert se préparait déjà à essayer d'attraper les mourus, prenant sa respiration et gonflant le torse. Attendez, c'est possible, ça, pour un revenus transparent ? Bref, il se jeta sur les mourus-vivants, mais passa à travers. Quelle surprise, me direz-vous ? Après tout, les crevés flottants ne peuvent pas attraper ce qui est solide. Mais le Bébert semblait l'avoir oublié, ou plutôt, il était si gâteux, qu'il ne comprenait vraiment rien. Il réessaya de nouveau, puis encore, et encore... sans succès, au grand désespoir de George. Il se demandait encore, comment ce truc avait pu mourir aussi vieux. La Ginette, elle, se laissait aller à un de ses fameux commentaires acerbes :
Ginette: Déchidément, cheu Bébert il a pas la lumière à chous les étages.
Georges: Allions ma p'tite dame, ne soyez point si dure avec lui.
Ginette: Franchement, moi che dis qu'il est juste très con. Cha va faire dix fois qu'il passe à travers un mourus, ch'il essaye encore.
Georges: Z'aviez peut-être une meilleure idée ? Si oui, dites-le. Moué, je va me boire une bouteille de glouglou rouge et consulter mon grimoire des crevés.
George déboucha une bouteille, et commença à lire son livre du mourus. Après plusieurs rôts, la trogne avinée, et le glouglou rouge lui coulant sur la barbe, il trouva une piste avec la mention suivante:
« pour capturer votre mourus, appâtez-le ! ».
La solution paraissait pertinente, mais le fossoyeur ne savait pas comment faire. Qu'est-ce que ça aime bien, les mourus ? Peut-être la même chose que les pas-décédés ? Cela voulait dire, qu'avec du glouglou rouge, il pouvait piéger ses défunts ? Mais pour ça, il devait sacrifier une de ses précieuses bouteilles. Abandonner son pinard, à des mourus vivants, lui faisait si mal au cœur qu'il hésita un bon moment. Il fini par céder, et déposa une bouteille, devant la terrasse du bistro. Il attendit patiemment de voir s'ils allaient mordre à l'hameçon. Sauf que les crevés n'avaient que faire de son glouglou rouge, préférant la cervoise leur rappelant leur mise en bière. Mais rien n'était perdu, car les mourus avaient tout de même été piégés par un autre appât.
Ginette, qui essayait de raisonner Bébert, avait commencé à s'engueuler avec lui. Les défunts crurent à une pièce de théâtre comique, et se tordaient de rire, devant les vieux spiritueux séniles en pleine scène devant eux. Les mourus étaient à terre, heu... mort... de rire ? Ils ne faisaient même plus attention à George, qui put les capturer, et les charger dans sa charrette à décédés. Surtout ! Il avait pu sauver son "précieux" par la même occasion !
Démarrant le véhicule, le fossoyeur ramena donc ses premiers mourus au bercail, ainsi que les autres, trouvé et ramassé dans les patelins alentours. Usant de sa sainte pelle, et se gonflant de courage à grand coup de picrate, il lui fallut bien une semaine pour réussir à regrouper tous ses mourus. Mais le travail était fait, et l'honneur était sauf, quand tous furent de retour à la zone à décédés. Cependant, à peine avait-il remis tous ses défunts à leur place, que ces derniers se relevèrent à nouveau de leurs bières à mourus.
Quand il leur demanda pourquoi, ils refusaient de rester dans leurs lit à maccabés, les mourus lui firent un bon gros doigt d'honneur, avant de bien se marrer. Les crevés pouvaient donc lui répondre, mais ils refusaient juste de le faire. La vérité lui arriva enfin, quand une grande figure en robe noire à capuche, et avec un tutu rose à la taille, se présenta. Pointant sa faux en direction du fossoyeur, elle lui transmit le message suivant :
Mort en tutu : Fosssoyeuur Zorges, l'hures pet vedu...
Georges : Didiou la fauchause, que vous auriez point bouffer un chat crevé pour l'avoir dans la gorge?
Mort en tutu: Il était pas crevé à la base. Bref, fossoyeur George, l'heure est venue ! Comme tous les cent ans, voici l'heure du grand tournoi pour désigner le meilleur des gardiens à mourus.
Voilà, il savaient pourquoi ses mourus étaient sortis de leurs tombes.
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