5. Romain

20 minutes de lecture

En rentrant chez moi, dans la boîte aux lettres, il y avait une lettre. Je ne comprends pas tout de suite ce que représente cette lettre. Je n’ai même pas encore regardé ce qu’il y est écrit dessus. Trop pressé de rentrer me doucher après ma journée de travail. Quand je pense que ça fait trois semaines qu’elle ne m’a pas envoyé de nouvelles. Ah si pardon, juste un pauvre petit message mais là, c’est un peu long. Une fois passé sous la douche, je retourne attraper la lettre. Et je n’en reviens pas quand je la retourne. Cette lettre, c’est son écriture qu’il y a dessus. Pourquoi je reçois une lettre avec son écriture ? Quand a-t-elle envoyé cette lettre ? Je sais. Je sais que c’est son écriture, ces lignes fluides et arrondies, c’est sa marque. Pourtant j’hésite encore à l’ouvrir. Pourquoi est-ce que j’hésite à l’ouvrir ? C’est Lucy, bien sûr qu’il faut que j’ouvre cette lettre. Seulement, pourquoi elle m’écrit après autant de temps dans le silence ? Pourquoi maintenant ? Je ne comprends pas. Pourquoi elle m’écrit ? Je lui ai pourtant bien dit de m’oublier. N’y arrive-t-elle pas ? Tient-elle à moi plus que ce que je pourrais le croire ? Je tourne et retourne la lettre dans tous les sens, encoure et encore. Je me demande si je dois l’ouvrir. Je remue cette question dans ma tête plusieurs fois. Puis je finis par poser la lettre sur la table. Je fixe cette lettre comme un idiot. D’ailleurs, je dois être un idiot car j’appelle Lucas, mon frère pour lui demander des conseils. Il a juste quelques années de plus que moi, et il est souvent de bon conseil. Surtout quand sa concerne ma relation avec Lucy. Il nous comprend et c’est bien le seul. Ah, la tonalité retentit.

Bip.......Bip.......Bip........

Ouf, il a tout de même répondu. Il a même répondu assez rapidement pour une fois. Merci mon frère. Oui, il a souvent du mal à répondre quand c’est moi qui l’appelle. Je pense qu’il essaie souvent de nous éviter. Depuis que les parents se sont séparés, il agit étrangement. Il s’éloigne de moi de plus en plus, et je pense qu’il va mal finir mais je ne peux rien faire. Lucy et moi, on en a déjà parlé plusieurs fois. Mon frère est entrain de mal tourner et je n’y peux rien. Mais j’ai Lucy, c’est ma bouée de sauvetage. Ma moitié, elle me guide en ayant pourtant trois ans de moins que moi. Elle est forte pour trouver les bons mots. Enfin ce qui me rassure, c’est que bizarrement, il évite aussi les appels de papa et ne parlons pas de maman, non ça n’en vaut pas la peine. Oui, maman est un sacré numéro. Il a répondu rapidement alors il faut que j’en profite. En tout cas, il est de très bonne humeur apparemment. C’est génial. Il va pouvoir m’aider, du moins je l’espère totalement.

Ouais, tu veux quoi ? Tu sais que je viens chez papa demain. Tu ne peux pas attendre que je sois là pour m’appeler ! Qu’est-ce qui t’arrive encore ?

Bien sûr que je le sais mais il fallait que je te parle d’un truc, c’est important. Ne grogne pas, c’est vraiment important. J’ai besoin de mon grand frère, tu veux bien m’écouter pour une fois ?

Et ça ne pouvait pas attendre, je parie. Dis-moi, tu pourrais aussi amener Lucy demain, ça fait longtemps que je ne l’ai pas vu.

Ouh là, je suis mal. En plus, il ne sait pas que Lucy est partie. Et en plus de son départ, je ne veux plus lui parler. Il va être furieux. Il sait comment nous sommes, Lucy et moi quand on est ensembles. Sauf que c’est différent à présent. Oui, elle est partie. Finit le duo, Lucy et Romain. Il ne va pas s’en remettre. Je vais me faire incendier. J’avais besoin de ça moi, encore. Bon, on va bien voir comment il réagit. J’espère que ça va le faire. J’en ai un peu marre de me prendre la tête avec tout le monde. Ils sont tous du côté de Lucy. Ce sont pourtant mes potes. Juste un problème, comme depuis longtemps, elle reste avec notre groupe. Elle est un peu la petite sœur de notre groupe. Et oui, les mecs sont finalement protecteurs. Enfin, un peu. Lucy n’a pas eu de chance avec nous. Enfin avec les autres, parce que moi, je suis loin d’être son grand frère. Et ceux qui ont participé au jeu, ont vite dégagé. Ils s’approchaient trop loin. Je suis ramené à la réalité par Lucas qui m’appelle un peu agacé.

ROMAIN ! oh, tu es encore là ? Je n’ai pas toute la journée. Accouche. Qu’est-ce qui se passe ?

Justement, c’est de Lucy que je voulais te parler. Et elle ne pourra pas venir demain, vu qu’elle est partie vivre à trois cents kilomètres d’ici. Et ça fait deux mois et trois semaines qu’elle ne m’envoie plus de messages.

Oups... Il vient de lâcher un grand soupir... Cela s’annonce vraiment très mal pour moi. J’aurais peut-être dû attendre demain pour lui parler. En plus, je l’appelle juste pour lui demander quoi faire avec cette lettre. Il va totalement être furieux. Lucy partie, moi qui l’appelle avec la voix de quelqu’un dans la détresse. Je suis un idiot. Je l’ai laissé partir. Pourquoi je ne m’en rends compte que maintenant ? Lucas reprend la parole et c’est très mal parti pour moi. Il n’est pas content.

Tu lui as fait quoi encore ? Sérieux Romain, tu l’adores vraiment Lucy et tout le monde le sait alors pourquoi tu as décidé de ne plus lui parler ? Tu as quoi dans la tête ? Un petit pois ! En plus tu sais aussi qu’elle a toujours été là pour toi. Pourquoi tu ne l’as pas laissé te parler ? Je suis certain qu’elle a essayé ne nies pas. Franchement, mais qu’est-ce que tu as avec elle ? Tu perds la tête ?

Beh elle m’a dit qu’elle partait alors j’ai pété les plombs, je lui ai dit de m’oublier, et j’ai évité chacun de ses messages. Je sais, je suis un idiot. Mais elle m’abandonnait. J’ai eu de mal à l’accepter et en fait, je ne l’accepte toujours pas. Mais là ce n’est pas le problème, le truc c’est que je viens de recevoir une lettre d’elle et je ne sais pas si je dois l’ouvrir...

Et merde, je sens qu’il est plus qu’en colère contre moi. Putain, c’est bon ! Merde ! il faut qu’il se calme, je n’ai rien fait de mal. Enfin si peut être mais là, j’ai vraiment et totalement besoin d’un conseil. Et un très bon. C’est moi qui l’ai appelé pour qu’il me donne un conseil, je devrais sûrement l’écouter. Il a l’air de s’être clamer. Moi aussi, il faut que je me calme, depuis qu’elle est partie j’ai tout le temps les nerfs à vif. Cela ne m’aide pas du tout. Je me demande même ce qu’elle fait. Et surtout pourquoi cette lettre ? Pourquoi écrire alors qu’elle peut m’envoyer un message ? Un message ne suffisait pas ? A croire que non, ce qu’elle fait à toujours un sens. Surtout quand cela me concerne. Elle a toujours fonctionné de cette manière. A chacun de ses actes, elle a une idée. Et quand elle a une idée en tête, on ne peut pas la faire changer de cap. Je le sais que trop bien. Ah enfin, il reprend la parole.

Mais tu es fou ? Je ne te comprends pas, tu ne vois pas que c’est comme ta dernière chance !? Mon pauvre petit... Tu sais qu’elle m’a appelé, elle m’a dit qu’elle allait partir et elle m’a aussi dit pourquoi. Je pense juste qu’elle allait partir un peu plus tard, enfin dans un mois. Mais Je suppose que tu ne l’as même pas écouté jusqu’à la fin. Tu as fait comme d’habitude. Je suis même certain que tu ne lui as pas donné une seule chance de s’explique. Tu ne lui as pas laissé parler une seule seconde. Je me trompe ? Vu le manque de réponse, j’ai raison. Alors maintenant, tu vas m’écouter petite tête et tu vas ouvrir cette lettre, la lire puis demain on en parlera. D’accord ?

Oui d’accord, merci. Je sais que j’ai très mal réagi. Tu sais bien que c’est Lucy. Elle me fait toujours sortir de mes gonds. Merci pour tes si gentils conseils. Remarque, tu m’en donnes souvent des bons. Je dois bien l’avouer. A demain.

Quand il raccroche, je suis encore septique sur la chose à faire. J’y pense encore pendant quelques minutes. Oui quelques minutes qui sont interminables. Lucas a surement raison. Je dois ouvrir cette lettre. Mais je reste planté-là comme un gros béta à la regarder. Sans rien faire. Aller, bouge-toi mon petit ! Ouvre cette fichue lettre, elle ne va pas te manger. Mais merde ! Pourquoi, je ne bouge pas, moi ? C’est Lucy. Ouvre cette lettre, Romain ! Aller je l’ouvre. Il faut je la lise. Je commence enfin à lire cette lettre, sa lettre avec son écriture et son odeur. Je suis certain qu’elle a fait exprès. Son odeur. J’adore son odeur. Elle a mis de son parfum sur sa lettre. Je n’y crois pas ! Quelle peste ! Je l’adore tellement ma petite étoile. Ma Lucy. Bon, commençons enfin cette lecture. Vraiment, il faut que je lise. Je m’installe, je sens qu’il faut que je sois bien installé. Parce que quand c’est Lucy, je m’attends à tout. Oui, à tout. Mais c’est important, je le sais. Même Lucas le pense. Il faut que je lise cette lettre. Ma dernière chance. Lucy, merci.

A mon cher Romain.

Une partie de moi, est restée là-bas avec toi. Tu restes toujours dans mon cœur mais tu es loin et tu m’oublies, encore. Oui, encore. Tu m’oublies souvent. A chaque fois que tu me renvoies. A chaque fois que tu me repousses, mon cœur me fait mal et ma tête, elle. Elle est toute embrouillée. Sans toi, je perds mes repères. Tu le sais. On en a déjà parlé.

Comme toujours je t’attends et toi, que fais-tu ? Moi, je le sais, tu dérives et fais n’importe quoi. Tu penses que je ne te connais pas mais tu as tort, je te connais autant que toi, tu me connais, c’est-à-dire par cœur. Et oui. J’ai bien écrit par cœur. Je pense que ce mot n’est même pas approprié. Il ne reflète pas assez la vérité. On se connaît mieux que quiconque. Mais aujourd’hui, tu n’es plus près de moi, je le regrette. Tu ne m’as pas laissé le choix, malheureusement. Je voulais tout t’expliquer avant de partir. Seulement, j’avais peur. Il s’avère que j’avais raison d’avoir peur. Tu m’as jeté, plus fort et plus loin que d’habitude. Cette fois, penses-tu que tu auras une chance de revenir près de moi ?

Tu laisses un vide en moi. Je le sens. Ce vide est présent à chaque fois que tu es loin, ce qui finalement revient à dire tout le temps. Surtout, depuis mon départ. Pourtant je l’entends et je sais à quoi tu penses. Oui, je le sais parce que je suis certaine d’avoir les mêmes pensées que toi. Oh oui, les mêmes. Crois-moi. Tu sais que je n’ai jamais tort. Enfin presque.

Cette connexion entre nous, a toujours était présente. Elle m’a guidé en quelque sorte, car lorsque mon moral baisse, c’est comme si tu le sentais. A chacun de ces moments où je perds espoir et où je suis triste mon téléphone sonne. Je réponds sans même regarder qui m’appelle parce que je sais, je sens que c’est toi. Rien que ta voix me réchauffe le cœur. Mon cœur se réchauffe, mon sourire reviens, je n’ai qu’une envie que tu sois près de moi. Mais c’est tout d’abord ta voix qui me remonte le moral. Et lorsque tu me parles, tu arrives toujours à me faire rire.

Sauf peut-être quelques fois où cela ne fonctionne pas alors tu apparais comme par magie. Ce n’est pas de la magie vue qu’il te faut du temps pour être là mais cela me fait toujours plaisir. Tu sais tout le temps quand je suis mal, tout comme je sais quand tu es mal. Sauf que toi, tu acceptes beaucoup moins facilement de parler que moi. Il faut que je te tire les vers du nez pour réussir à t’aider.

Bref, Aujourd’hui je suis à plus de trois cents kilomètres de toi donc tu ne peux pas apparaître comme d’habitude. Mais ce n’est rien, je m’y ferais, il le faut bien. Quand tu as su que je devais partir, tu t’es refermé comme une fleur qui fane. J’ai su à partir de ce moment que je te perdais. Oui, à partir de ce moment-là, tu as tout fait pour t’éloigner encore une fois. Maintenant que je suis là-bas, tu ne me parles plus, tu ne réponds même plus à mes messages, tu m’ignores. Alors que je sais très bien que tu lis. Oui, tu lis toujours tout quand je t’écris parce que. Comment dire ? Même si tu me dis de disparaître, toi, tu ne veux pas que je m’efface de ta vie. Je te comprends parce que moi non plus je ne veux pas que tu t’effaces de la mienne. Tu en fais partie et j’espère bien, que tu en feras partie encore longtemps. Même si, tu es loin ou plutôt je suis loin, tu restes la moitié de mon âme. Tu le sais. Peut-être que tu ne le sais pas encore assez alors je préfère te le réécrire. Tu es mon meilleur ami, ma moitié, mon tout. As-tu besoin de plus de mots pour te dire à quel point tu comptes ? Il n’y aura sûrement pas assez de place sur cette page pour tout ce que j’aimerais te dire. Oh oui, je n’aurais jamais assez de place, et j’ai encore une chose importante à te dire. Cela vaut le coup.

Je sais que tu dois ressentir le vide qu’il y a en moi parce que je sais que tu ressens la même chose que moi. Comme je te l’ai déjà dit, je te connais. Alors viens, s’il te plaît, et essaie de me pardonner. Il fallait que je parte pour évoluer. Je sais, je suis partie sans toi mais tu peux encore me rejoindre, je te le demande, en espérant que tu lises cette lettre jusqu’au dernier mot. Oui, s’il te plaît, lis-là jusqu’à la fin. Parce que j’ai besoin de toi et de ta présence.

Sache que si j’avais eu le choix, je t’aurais amené avec moi. Je t’aurais amené avec moi dans mes valises sans problèmes. Mais c’est un choix que tu dois faire seul. C’est à toi de choisir si tu as envie de parcourir trois cents kilomètres pour me retrouver, pour à nouveau ressentir cette connexion si particulière. Faire disparaître ce vide. Ce grand vide qui occupe tant de place. Je n’en peux plus de ressentir tout ce vide. Alors je te le demande. Et cela sera ma dernière lettre pour toi. Mon dernier espoir. Reviens-moi. Que dirais-tu de me rejoindre ? De construire quelque chose de nous, loin du passé ? Loin du jeu ? Loin de ces personnes qui nous ont jugés ? Qui nous a éloigné l’un de l’autre ? Je t’attends vraiment. Je pense à toi, tout le temps. Et toi ?

Dans l’espoir de te revoir, cordialement ta petite étoile.

Je t’embrasse,

Lucy.

— Mais... Lucy ? Vraiment ?

J’ai du mal à comprendre, vraiment. Même avec tout ça, elle, elle me demande de la rejoindre. Elle me demande vraiment et sincèrement de la retrouver. De faire trois cents kilomètres pour me retrouver avec elle. Ma petite étoile, es-tu folle ? Non, tu crois juste en moi. Tu crois en moi, plus qu’en n’importe qui, tu crois en moi bien plus que tu n’as confiance en toi. Comment est-ce possible ? Je ne te comprends pas et pourtant, j’essaie. Crois-moi. J’ai essayé de comprendre pourquoi j’ai eu droit tant de fois à ton pardon. Et même maintenant, même avec cette lettre dans les mains, je n’arrive pas à croire ce que j’y lis. Je me sens obligé de relire cette lettre, tes mots encore et encore. Je dois être sûr de ce que tu as écris. Je la relis tellement de fois que je commence à la connaître par cœur, à reconnaître chaque boucle, chaque phrase. Ceux sont bel et bien tes mots. Après plus de deux heures avec cette lettre entre mes mains, je la dépose délicatement sur ma table. Je la dépose tellement lentement, j’ai l’impression que c’est un bijou précieux et fragile. Un cadeau que je ne veux pas briser.

Sans vraiment m’en rendre compte, je viens de traverser le séjour et de prendre mon ordinateur. Et je fais une chose que je n’avais pas fait depuis presque trois mois. Oui, depuis trois foutus mois, je me suis persuadé que c’était une mauvaise idée de faire ce que je suis sur le point de faire. Sauf qu’à cet instant, je sais que j’en ai besoin. Parce que comme dans ses habitudes la petite a tout remis en question. Elle m’a chamboulé encore une fois. Elle a utilisé les mots qu’il faut. Donc me voilà sur internet et je me connecte sur les réseaux sociaux. Puis je commence peu à peu à remonter le fil d’actualité du profil de Lucy. Ma petite Lucy, que je retrouve à travers des photos, des messages qu’elle a pu poster. C’est tout, elle. Je la retrouve sans vraiment l’avoir près de moi. Elle a raison quand elle dit qu’il y a un vide en moi depuis qu’elle est partie. Seulement, je ne voulais pas ouvrir les yeux. J’avais besoin d’elle, de ses mots, de ses pensées pour avoir les idées claires, ou presque. Je reste confus. Je sais que c’est notre dernier espoir, il reste une étincelle. Peut-être attend-t-elle que le feu se ravive pour briller à nouveau ? Ma petite étoile, elle a raison, elle me manque énormément. Je ne peux pas le nier, ils l’ont tous vu. Moi aussi, je l’ai vu, j’avance dans le mauvais chemin sans elle. Je suis perdu. Il faut que je réfléchisse un peu.

Le lendemain, à peine ais-je eu le temps de passer la porte que Lucas commence à m’agresser avec des questions. Je n’aurais peut-être pas dû venir si tôt. En plus, je savais qu’il n’allait pas me lâcher. En même temps, c’est normal. C’est de ma faute, c’est moi qui l’ai appelé à la rescousse hier. Comme un idiot. J’avais vraiment d’un con planté là, devant cette lettre. Quand j’y pense encore, je me sens lamentable. Bien sûr que Lucas avait raison, cette lettre représente beaucoup. Pour elle, comme pour moi. J’évite Lucas, et ne lui réponds pas. Mais il finit par m’attraper par le poignet et m’oblige finalement à l’écouter. Et merde ! Pas encore !

— Alors le frère, cette lettre disait quoi ? Pourquoi tu fais cette tête ? Sérieux, elle a écrit quoi dans sa lettre ? Aller, dis-moi. Ta tête me fait peur, petit con. Ouvre la bouche et bouge la langue, c’est comme ça que tu pourras me répondre.

— Ne me pose pas autant de questions comme ça... Sa lettre est vraiment, waouh. Comment dire ? En fait, je n’ai pas de mots pour la décrire. Elle a utilisé les bons mots. Les mots qui font que je me remets en question. Tu sais bien, c’est ce qu’elle sait faire le mieux avec moi. Parler et écrire, pendant que moi, je perds mes repères face à elle.

— Ouh là, du calme. Tu nous fais presque une déclaration d’amour. Garde ça pour plus tard, tu vois bien qu’elle n’est pas là.

— Tu veux bien arrêter. Je te parle sérieusement et toi, tu tournes ça en dérisoire.

— D’accord, vas-y continue. Je brûle d’impatience de savoir ce que disait sa lettre.

— Elle me demande de la rejoindre ou d’au moins de lui envoyer un message, quelque chose. Et je ne sais pas vraiment quoi faire, elle compte mais je ne sais pas. Enfin, elle m’a plus ou moins dit que la seule solution pour ne pas la perdre.

— Oui ? Parle !

— La seule solution, qu’elle me propose c’est de la rejoindre. De la rejoindre. Parce que pour elle, c’est notre dernière chance.

— Beh ça, je pense que je l’avais bien compris oui.

— Je ne sais vraiment pas quoi faire. Comment je vais faire ? Je ne peux pas tout lâcher sur un coup de tête ?

Je viens de me lamenter sur mon sort une fois de plus. Oui, je trouve que ça devient une habitude chez moi ces temps-ci. Et je sens déjà que ce qui arrive dans la bouche de mon frère ne va pas me plaire. Mais alors pas du tout. Peut-être que j’ai besoin d’entendre ce qu’il a à me dire. J’ai besoin d’une bonne claque afin de me réveiller, de prendre conscience que Lucy est là. Elle m’attend et que moi, je suis un idiot qui la fait trop attendre justement. Elle attend depuis trop longtemps que j’arrête de jouer. D’ailleurs, qu’est-ce qu’il m’arrive à moi ? Pourquoi le départ de Lucy m’a-t-il autant touché ? Pourquoi sa lettre me bouleverse-t-elle autant ? Je ne contrôle plus rien et cela ne me plaît pas. Je ne me reconnais plus et pourtant, je sais que c’est moi. Je suis moi, le vrai moi, quand je suis près d’elle. Seulement, j’ai toujours fui cette vérité.

— Oh pauvre petit frère ! Tu as toutes celles que tu veux et d’habitude tu ne te prends pas la tête avec. Là, tu te mets dans tous tes états pour Lucy. Franchement, je ne t’ai jamais vu comme ça pour personne. Oh non, tu n’ouvres plus la bouche, c’est à mon tour de parler. Tu vas m’écouter jusqu’à la fin. J’ai toujours su que vous étiez proches du fait que papa et Arthur sont amis. Vous étiez toujours ensembles, toi et elle. Quand tu as commencé à t’éloigner avec ton groupe de potes débiles, elle était encore dans tes pattes. Et oui, elle ne t’a jamais lâché. Comme son père et le nôtre sont amis, vous avez grandis ensemble. Moi aussi, mais je ne faisais pas parti de votre petit duo. Oui, le duo infernal. Pour moi, Lucy est au même titre que toi. Je veux dire, que je la considère comme ma petite sœur parce qu’elle était toujours chez papa avec nous. En fait, je ne me souviens d’une fois où elle n’a pas été là. Tu ne t’en sois pas rendu compte. Mais quand tu partais chez maman, elle était toujours maussade. Elle regagnait son sourire seulement avec ton retour dans les parages. Ne fais pas cette tête ! Ne joue pas les étonnés. Tu le savais très bien.

Aussi, il y a le fait que tu la protèges tout le temps. Bon d’accord sauf quand Gael, notre cousin te monte la tête. Quoique. Depuis quelques temps, tu vas le voir de moins en moins, alors elle doit bien avoir une influence sur toi. Passons ! Où est-ce que j’en étais ? Ah oui. Même quand elle est arrivée en sixième et que toi, tu étais en troisième, tu l’as bien protégé des idiots. Tu l’as surtout protégé d’elle, tu sais la peste. La petite fouine qui faisait tout pour la mettre plus bas que terre. Ah voilà, tu te souviens. Je le vois à ton regard. Le dernier point, qui est sûrement le plus important de tous. Tu ne l’as jamais amené chez maman, ce qui est aussi une preuve... Et pas des moindre. Franchement qui voudrait présenter une fille à notre mère. Toi, tu l’as déjà fait avec d’autres mais jamais pour Lucy. Je crois que tu as même poussé le truc, jusqu’à forcer Lucy à partir avant que maman ne passe. Alors avec toutes ces preuves que tu faut-il de plus ?

Non, non, non. Je ne veux pas qu’il me parle de maman. C’est bon, je ne suis pas ici pour ça. Pourquoi me parle-t-il d’elle ? Elle n’a rien à voir avec Lucy. Au contraire ! Je l’ai toujours protégé de cette femme. Et puis, la seule chose dont j’ai envie ici. Aujourd’hui, c’est seulement parler de Lucy. Je suis pommé, je ne sais pas quoi faire. Est-ce que je dois la rejoindre ? Qu’est-ce que je dois faire concrètement. Je repense à tout ce que Lucas vient de me dire. Il attend. Mais quoi ? Que j’ai une réaction ? Que je m’énerve ? Que je fasse comme son père à elle ? Oui, c’est ça, je vais faire comme lui. Non mais quel idiot. Pourquoi j’ai subitement envie de me cacher dans un trou ? Je prends une grande respiration, j’en ai besoin.

En fait, je pense que je connais déjà la réponse à mes questions. Je veux être près d’elle. Oui, c’est ce que je souhaite. Je m’en rends compte maintenant. C’est d’elle dont j’ai besoin, mais je l’ai fait souffrir tellement de fois. Comment elle pourrait me pardonner ? Je l’ai brisé en une multitude de morceaux. Tellement de fois que je n’ose pas les compter. Jamais nous n’aurions dû faire ce jeu. Ce jeu qui nous a brisé l’un comme l’autre. La seule règle de ce jeu étant de voir, jusqu’où l’autre est prêt à nous blesser. J’ai joué le jeu, elle aussi. Mais je l’ai poussé trop loin. J’ai réagi à un moment. Parce que le jeu a failli la faire disparaître, par ma faute. J’ai fait le choix de ne garder que quelques-uns de mes amis après cette histoire. Enfin mes vrais amis. Ceux qui ne l’avaient pas touché, par respect pour moi mais avant tout par respect pour elle. Je me secoue légèrement pour me sortir de mes rêveries.

— Maman, ouais n’en parlons pas. Ça ne sert à rien, tu sais comment elle est. Et puis c’est Lucy, je la connais par cœur. Enfin ça aussi tu le sais déjà. Même avec le mal que je lui ai fait, elle m’a pardonné. Elle est restée pour moi. Elle est toujours revenue encore et encore, sans jamais se plaindre. Sans jamais me faire la moindre remarque alors qu’elle aurait pu. Elle aurait dû. Elle aurait même dû partir loin de moi depuis bien longtemps. Et en cours, bien sûr que je l’ai protégé. Je l’adore vraiment, c’est juste que ça me fait terriblement mal qu’elle soit partie. J’ai l’impression de ne plus être entier quand elle n’est pas là. Plus le temps passe, plus un vide se creuse en moi. On dirait qu’elle ne fait pas attention à ce que je ressens ! Ça m’énerve vraiment ! Elle est partie et m’a abandonné !

— Et elle, tu penses qu’elle ressent quoi ? Tu l’as laissé tomber ! Elle t’écrit et toi, qu’est-ce que tu trouves de mieux à faire ? Oh rien, juste de te plaindre, pauvre Romain ! Elle ne pense pas à toi, Bla…Bla…Bla.... Tu ne crois pas qu’elle ait plus pensé à toi qu’à elle ? Tout ce temps où elle est restée avec toi parce qu’elle avait peur de te perdre. Tu ne crois pas qu’elle ait le droit de faire ce qui lui plaît pour une fois ? Franchement, tu n’en as pas marre de ne penser qu’à ta petite personne ? Je pense que là, tu ferais mieux d’ouvrir les yeux mon petit frère !

Et voilà, je l’ai encore mis en colère. Sauf que cette fois, je sais. Je sais qu’il a raison et pourtant j’aimerais bien que ce soit le contraire. Pourquoi faut-il qu’il ait raison ? Je n’ai pas besoin de ça. C’est déjà la quatrième personne qui me prend la tête parce que Lucy est importante pour moi. Enfin non, ils s’énervent parce que je ne réagis pas comme je le devrais. J’aurais dû depuis un moment, répondre à ses messages, j’aurais dû dès qu’elle m’a parlé de son départ partir avec elle. Oui, c’est ça. Je réalise à présent à quel point j’ai pu être une tête de mule. Il faut que je la retrouve ! Je dois la rejoindre. Pour moi, pour elle, et pour qu’on retrouve notre « nous ». Enfin, un nouveau « nous ».

— Tu dois avoir raison, mais…

— Arrête avec ton « mais » ! Fonce !

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