Evolution
La brise du soir fait frémir mes rideaux rouges
Au-dessus du désert, les nuages s'effilochent
Un bruissement d'ailes mécaniques, c'est une chouette
Elle penche la tête et m'invite à la suivre
La ville est une jungle de câbles électriques
Ces longs serpents noirs se tordent en grésillant
La lune de sang émerge du fouillis des tours
Grillades, ragoûts et encens mêlent leur parfum
Les yeux de l'empereur voient toutes nos pensées
Labyrinthe des rues, hanté par le bas peuple
Tavernes bourdonnantes d'insectes assoiffés
Leur regard me traverse, ne suis-je pas digne ?
Le portail d'obsidienne se dresse au loin
Gardé par la chimère métallique sans sommeil
Le grand bazaar me submerge de ses mille odeurs
Mais les constellations et la chouette me guident
Le pont antique s'élance au-dessus du vide
Il vole sur ses arches de pierre arachnéennes
La gargouille rugit son défi mais voit mon sceau
Je m'élance tremblant sur le fil blanc tendu
Traversée solitaire sauf l'écho de mes pas
Seul avec mes pensées, seul enjambant l'abîme
Cinglé par la pluie et le vent qui hulule
Nature effrayante, réalité neutre
Sur l'autre rive se dresse un démon ailé
Qui m'attire vers son cœur noir de corruption
J'ose regarder son visage si familier
Il s'éparpille en un milliard de goutelettes
Un vieillard émerge des brumes du passé
Me prend la main; le monde gagne une dimension
Je suis partout mais rien n'est moi, le temps s'arrête
Les civilisations retombent en poussière
La conscience me reprend, je suis dans un train
Engrenages et vapeur, passagers fantômes
Les rails s'enroulent autour de la montagne
Ascension en spirale, éclats de vertige
L'impératrice m'attend sur son trône de glace
Elle contemple ma cicatrice onirique
Et, reine rituelle, me dévoile son sein
Je m'abreuve au téton de son nectar sacré
La lune voit toute la nuit avec ses yeux d'argent
Ses rayons transpercent les flocons de neige fractale
Et se cristallisent en piliers iridescents
Qui glissent entre mes bras et me ramènent à terre
La forêt primordiale est un nuage vert
Qui m'accueille et m'égare; nul homme n'y a sa place
Chaleur, humidité conspirent pour me dissoudre
La chouette me guide vers une caverne immémoriale
Des ombres se courbent sur les parois lisses
Projetées par mon esprit, émanant d'ailleurs
Le serpent se dresse, ses écailles sont des miroirs
Poison et antidote, début et fin de tout
Le nectar dans mes veines me sauve de sa morsure
Je le fais s'entortiller, nouveau nœud gordien
L'orbe qu'il gardait éclaire toute obscurité
Lors de ma descente dans l'abysse de l'esprit
Sarabande spectrale de souvenirs et d'angoisse
Chute statique dans l'Hadès de la lucidité
Mes yeux s'ouvrent sur un paysage de ténèbres
L'empereur apparaît noble et autoritaire
Il accuse son fils de bafouer les traditions
Je suis le chaos serein qui régénère l'ordre
Il se retire, gris et frêle; je monte sur le trône
L'aube radieuse se lève sur un monde ancien.
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