Mais d'où ça vient ce... truc ?
Je m'appelle Blandine, et pour moi, la propreté, c'est important, qu'on se le dise !
Depuis les cinquante-deux années que je foule cette terre, s'il y a une chose dont je peux m'enorgueillir, c'est bien d'être irréprochable sur l'hygiène et la propreté de mon environnement. Déjà toute petite, ma chambre était impeccablement rangée, je dépoussiérais mes jouets chaque jour, je passais l'aspirateur (d'abord un " faux " façon jouet, puis j'ai eu mon premier " vrai aspirateur " - le plus beau jour de ma vie soit dit en passant - à l'anniversaire de mes 4 ans) tous les jours et je cirais le bois d emon lit chaque semaine.
Bien sûr j'ai gagné en rigueur et en précision avec l'âge.
Je ne suis pas mariée, ou plus exactement, je l'ai été, avec un homme qu'on avait choisi pour moi, sois-disant bien sous tout rapport... mon oeil oui ! Être médecin ne signifie pas forcément avoir connaissance des règles de bienséance. Etait-ce de ma faute, à moi, si il ne portait pas systématique ses chaussons en pénétrant dans le salon, laissant traces de pieds et peluches de chaussette dans son sillage ? Etait-ce moi qui était en tort lorsqu'il avait l'indécence de poser son verre d'eau gazeuse à même le bois de la table de la salle à manger, laissant d'horribles empreintes de verre ? Et c'est là les moindres fautes dont je me souvienne. Partout où il allait, il provoquait le chaos, un papier de bonbon qui trainait par ici, la télécommande posée à un mètre de l'emplacement qui lui était attribuée par là, c'était proprement invivable, si vous me permettez l'expression !
Vous comprendrez aisément, je suppose (pour ne pas dire je l'espère) que je fut estomaquée lorsqu'il m'annonça son envie de divorce après dix ans de mariage parce que, je cite "il en avait marre de ma névrose ménagère" ? Oser me dire ça, alors que c'est moi qui souffrait quotidiennement de son manque de rigueur ! Je me revois encore lui jeter à la figure les neuf miettes de pains qu'il avait laissé sur la table suite à ce qui serait notre dernier repas commun. Quelle bonheur ce fut de pouvoir lui jeter toutes ses saletés à la figure !
Cela fait plus de dix ans que je suis seule désormais, et je n'ai jamais été aussi heureuse que lors de ces dix dernières années. Plus personne pour me sermonner sur mon rituel quotidien. Maintenant moi, mes éponges, mes brosses, mon balai et mon aspirateur dernier cri ( un Turbo-Aspiro-genialo 3000 X ++), nous sommes les seuls maîtres de la maison ! Plus d'invectives pour m'arrêter, et depuis mon intérieur est impeccable !
Aujourd'hui promet d'être encore une belle journée. Après m'être levé et avoir pris ma douche du matin, je me préparais au premier astiquage du jour. Je prévoyais de laver toute la cuisine de fond en comble. Ainsi je commençais comme d'habitude par tous les éléments placés en hauteur, je faisais tomber la poussière qui avait eu le temps de retomber depuis la veille (je déteste la poussière, elle revient toujours) sur les éléments du dessous, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'elle tombe sur le sol. Tout se passait bien, aux brosses avaient succédé mon balai et enfin mon super aspirateur, je m'appretais à passer au salon pour y faire de même lorsque je vis... la chose.
C'était tout petit, mais ça n'avait rien à faire là. Ne comprenant pas ce que c'était, je me penchais, puis m'agenouillais, jusqu'à coller mon nez tout près de l'intrus. Qu'est-ce que c'était que ce truc ? C'était très petit, à peine la taille de la pointe d'un stylo-bille, et c'était rond, de couleur verdâtre. Perplexe, je posais mon doigt dessus, et la matière que je senti souple sous mon doigt n'opposa aucune résistance avant de s'applatir comme une crêpe. Une toute petite crêpe certes, mais une crêpe bien peu ragoutante si vous voulez mon avis.
Je finis par reconnaitre ce dont il s'agissait et un vent de panique m'envahit. Car je n'en avais plus vu depuis le départ de mon ex mari ! Se pouvait-il qu'il soit de retour dans la maison ? Qu'il se cache, qu'il m'espionne ? Voulait-il me hanter, après tout ce temps ? Aussitôt, je pris le téléphone et appelai la police, non sans avoir pris la peine de souffler dessus avant (je n'allais pas poser un téléphone non nettoyé contre mon oreille tout de même !) J'eus toutes les peines à articuler deux phrases et la police, sentant ma détresse, accourut très rapidement.
Les policiers essayèrent de me calmer tandis que je les exhortais à rentrer (mais d'enlever leurs chaussures et de mettre mes chaussons d'invités avant bien sûr) pour m'aider à déloger l'indésirable. Confus, ils finirent par m'écouter et finirent par entrer, l'arme au poing. Après une fouille minutieuse, ils finirent par me rejoindre à l'entrée où je les attendais terrorisée. Selon eux, il n'y avait personne. Je leur jurais le contraire et leur demandais de fouiller une deuxième fois.
-Nous avons déjà fouillé trois fois chaque pièce madame ! me répondit avec nonchalance le plus gros des deux.
-Et alors, si vous cherchez mal, vous aurez beau regarder dix fois que vous ne le trouverez pas !
-Mais enfin, qu'est-ce qui peut vous faire dire que votre ancien mari est entré chez vous ? demanda l'autre, un grand dadais à la tête ovale.
-Et bien ça evidemment ! leur dis-je en leur montrant la pièce à conviction que j'avais gardée dans un pochon.
Les policiers l'examinèrent avec attention
-Madame, reprit le plus gros, est-ce que c'est bien... ?
-Oui exactement, dis-je d'une voix claironnante, et je peux vous dire que lorsque nous vivions ensemble, je retrouvais ces horeurs un peu partout !
Les deux policiers se regardèrent et semblèrent se comprendre sans dire un mot. Puis le grand dadais à tête ovale finit par dire d'une voix douce :
-Vous avez raison, vous n'êtes pas en sécurité ici, vous allez venir avec nous pour la nuit.
-Je dormirais dans un endroit propre j'espère ?
Finalement, je ne suis jamais rentrée chez moi. On essaya de me faire comprendre quelques jours plus tard que j'avais besoin de passer quelques jours dans un endroit un peu particulier où les gens seraient très gentils et où tout le monde s'occuperait de moi. Au début je n'ai pas compris, mais il semblerait que des tests ADN poussés ont été menés. Selon les policiers, on ne dérangeait pas les gens pour une crotte de nez tombée par terre, encore moins quand il s'agissait de notre propre crotte de nez...
Au début je n'étais pas contente, mais finalement je suis heureuse ici, on me laisse nettoyer ma chambre et celle des autres.
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