Nie et crois !

5 minutes de lecture

Année 2756 du troisième calendrier de l’Ecclésiaste, quelque part aux portes de la Mer de Sable*.

L‘air était sec et brûlant. L’horizon s’étendait, impavide, sans autre borne qu’un ciel sans couleur, il vibrait d’une blanche clarté. Immensité minérale, instant pour jamais figé, parenthèse d’un temps aboli sous l’indifférent regard d’un astre d’airain. Paysage livide, avec ça et là un sol fauve que mangeait un aigre gazon,

Mais sur la plaine immense, sur l’amère pâturage, sous une mer de tentes déconcertantes, bruissaient les murmures confus des tribus. Tumultueux concert d’où tout rythme était banni, il s’élevaient vers le ciel ainsi qu’une profane exhalaison, avant de se perdre sans écho dans l’espace infiniment vide, sans jamais atteindre le seuil d’un sinistre horizon.

Sous la Khaima* des anciens, de vieux mages blanchis par le jeûne et l’étude, des chefs aux sourcils sévères, aux regards fiers, à la mine bourrue, s’entretenaient tout bas des choses d’autrefois, des présages, des prophéties à venir, qui pourtant, jamais n’avaient parlé de Samaël.

Maintenant, une forêt de têtes et de bras levés emplissait l’étendue entre la tente écarlate du Saigneur et la ville de toiles. Cette foule, harassée par des semaines de marche, éperdue, avec ses maux cuisants, ses plaintes, ses gémissements, avait des grondement pareils aux ressacs d'une mer haineuse sur une grève de galets. Cette foule ! un océan d’enfants nus, de femmes dévêtues, de soldats aux armes hétéroclites, et toujours cette clameur de haro qui appelait des réponses.

Enfin parut le Prophète du Néant. Il sortit de sa tente rouge plantée en haut de la dune haute, ilot au milieu d'une mer de toiles bigarrées. Il se baissa, prit une poignée de sable, il regarda longuement son poing fermé, puis il laissa s’écouler d’entre ses doigts les grains dorés en murmurant d’étranges paroles. Enfin de sa voix mâle il dit :

  • Venez à moi vieux enfants du désert. Venez à moi oubliés des Dieux !

Il en va de la vie de vos mères, il en va de la vie de votre descendance.

Humain ! voici mon crédo :

Nie et crois !

Nie tes Dieux et crois en moi !!!!!

Je suis votre guide, celui qui montre un chemin, mais qui n’interdit pas les autres.

Oui pour l’instant croyez en moi, mais n’ayez foi en rien ! Et dans le futur, pas même en moi. Car la foi repose toujours sur l’ignorance. La vie est doute, et la foi sans le doute n'est autre que la mort.

Rien n'est écrit dans le marbre, tous mes commandements le sont sur le sable.

De tout ce que vous demanderez en priant, croyez-vous que vous le recevrez ? croyez-vous que vous le verrez s’accomplir ?

La foi que vous aviez en vos Dieux ingrats ne doit plus être une chaîne. Vous êtes quitte envers elle dès que vous l’avez bannie de vos cœurs. Car je vous le dis en vérité, si vous avez foi en vous, si vous avez foi en certains de mes commandements. Je ferai de vous, non pas une nation, non pas un royaume, mais à tout du moins un empire. Vous êtes comme les grains de ce sable que vous foulez… sans importance, mais ce sable peu devenir tempête et ensevelir tout un continent. Car je suis le vent, car vous êtes la graine. Tout comme pour la graine, je sais où vous conduire.

À l’ombre de ce désert vous grandirez.

À travers les combats vous atteindrez la lumière.

Tout comme la graine vous serez le germe d’un arbre qui croîtra jusqu’aux firmament.

Personne ne peux manger l'argent, oh non !

Personne ne peux manger l'or, oh non !

Mais les fruits de mon arbre, ah ça oui ! Alors, que les larmes de nos ennemis deviennent pluie ! Elles arroseront le sol sur lequel je me tiens, sur ce sol mon arbre pourra pousser. Car tout comme la graine, mon peuple veut vivre et prospérer.

Ô mon peuple... Tu seras multitude !

Multitude, nourris-toi des rayons du soleil. Peuple, nourris-toi de l'air du désert.

Multitude, nourris-toi non pas de prières, mais nourris-toi de vérités.

Multitude, nourris-toi du sang de nos ennemis.

Et surtout peuple, nourris-toi du savoir, car sans savoir point de pouvoir !!!

Depuis des semaines, tous avaient marché sans repos, sans relâche, sans trêve, vers le levant, vers le Mont Perdu, vers l’Antre de Baal l’Invincible*, vers Hiérosolyme* la cité oubliée. Ils avaient déjoué les pièges de la Mer de Sable, vaincus ses mirages trompeurs qui la protègent.

Qui y avait-t-il au bout de cette piste effacée ? un rêve ? un cauchemar ? un lointain paradis ?

D’où venaient-ils ? d’où venait cette foule, nul ne le pouvait dire, pas même Samaël, et, les pauvres oasis qu’ils avaient laissées derrière eux, nul ne savait s’il le fallait regretter ou maudire le Saigneur.

Dans un nuage de poussière, des méharistes, vêtus de cotonnades blanches, dardaient de leur fier regard des filles aux doux yeux de gazelles. Ils revenaient d'une reconnaissance et criaient de joie :

  • Le Mont Perdu ! Le Mont Perdu ! Nous l’avons vu ! Il existe !

Samaël sans même hausser des épaules était retourné boire sous sa Khaima*.

Les rires, les chansons qui pour l’instant s’entendaient à peine allaient s’amplifier, jusqu’à devenir un ouragan d’allégresse. Les pleurs, les cris joyeux, les danses, les accords des luths et des flutes d’ivoire, Les sourds bourdonnements des bizarres tambours, emplireaint la nuit.

Cependant une foule curieuse cerna la tente des anciens, Samaël avait parlé, mais qu’allaient dire les prêtres des Dieux morts ? On les sollicita :

  • Voyez-vous le pays qui là-bas nous attend ? Que sera cette terre où nous pourrons-vivre ! Nous avons tant besoin de lumière et d‘espoir ! O prêtres, ô gardiens des précieux tabernacles. Vous qui serviez les Dieux de nos aïeux, interprètes sacrés dеs antiques oracles, Qu’annonce le livre des prophéties et qu’ordonnent nos dieux ?

Les prêtres tristement secouèrent la tête :

  • Les jours sont écoulés, les temps sont révolus, nous ne savons rien. Désormais les mots se sont tus, la page est blanche. Seul Samaël peut lever le voile.

Et le Prophète du Néant de dire avant de se taire.

  • Bravant la chaleur, la mort, l’ombre et les abimes, ... Amis, vous êtes les pèlerins qui s’en vont recueillir de saintes reliques. Et, défiant l’horreur d’antiques sépulcres, de malédictions oubliées... Allez chercher pieusement la place où fut Hiérosolyme*, Sous l’éternel linceul des sables séculaires. J’ai dit ! que cela serait... Et demain sera ce jour. Votre incrédulité me glaces! Ne vous ai-je pas dit que vos Dieux sont morts ! Ce que je vous enseigne, vous ne l’entendez pas !!! Et il hurla plus qu’il ne cria :
  • Hâtons-nous : l’heure passe ; Nous approchons du but, et voici le chemin !... Ce sera pour demain !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire sergent ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0