Un dernier chant (2)

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Lysbeth acheva de couper ses oignons et versa le tout dans la marmite. Elle ajouta quelques brins de thym. Puis elle s’épongea le front. Il n’y avait plus qu’à attendre que ça mijote.

Elle jeta un œil par la fenêtre pour observer la route. Rien, bien sûr. Vaguement contrariée, elle sortit sur le pas de la porte, attrapa la hache, posa une bûche sur le billot et frappa. Le bois éclata avec un son jouissif. Elle se sentait déjà un peu plus sereine. Elle recommença et enchaîna les bûchettes. Et chaque nouveau crac ! la soulageait davantage.

Deux têtes apparurent au-dessus du muret qui séparait la cour de leur potager. Une châtaine, comme leur père, et une blondine, comme elle. Les deux garçons se redressèrent. Qu’ils étaient grands, déjà ! Lysbeth s’étonnait chaque jour de devoir lever les yeux pour leur rendre leur regard. Elle avait pourtant l’impression d'avoir accouché la veille.

— Attends, M’man ! lança Ewen, le châtain. J’arrive, laisse-moi m’en occuper.

L’aîné était non seulement grand, mais costaud. Il faisait tourner quelques têtes dans le voisinage.

— Non merci.

— T’es sûre ? Va pas te faire mal au dos.

— Me traite pas comme une vieille femme, veux-tu, Ewen.

— Qu’est-ce qu’y a, M’man ? demanda Jonas, le blondinet. Quand tu te mets à couper du bois, c’est qu’y a quelque chose qui te tracasse.

Le cadet avait toujours été celui qui la comprenait le mieux.

Elle posa la hache sur le fer, son coude sur le manche et s’essuya de nouveau le front du revers de la main.

— Rien, répondit-elle. Rien de grave. Y a juste que votre père devrait déjà être rentré.

— Il est pas encore si tard que ça, M’man, la rassura Ewen. C’est un peu tôt pour s’inquiéter, non ?

— Je ne m’inquiète pas. Pas vraiment. Mais dans une heure il sera tard et le repas sera prêt et je suis bien prête à parier qu’il ne sera pas encore rentré. Il doit être en train de boire avec le sergent, à la mine. Et Tya est avec lui. Je lui avais pourtant demandé de ne pas traîner là-bas avec elle.

— Tu crois que c’est dangereux ?

— Je ne sais pas, mais je les connais tous les deux. Elle, elle verra une galerie ou un puits de mine et elle se dira : chouette, une caverne à explorer. Une caverne obscure, pleine de mineurs et d’outils dangereux. Le rêve quoi. Et lui, occupé à vider la dame-jeanne du sergent, il ne remarquera même pas que sa fille a disparu.

Les deux frères rirent doucement. Même les lèvres de Lysbeth s’étirèrent.

— Et moi, je sais, je me tracasse trop, je ne vous lâche jamais et je suis une emmerdeuse ajouta-t-elle. Mais c’est plus fort que moi.

— T’inquiète, M’man. Je selle Noiraud et je file à la mine. Je te les ramène en un rien de temps.

— Je t’accompagne ! lança Jonas.

— Et comment ça, que tu m’accompagnes ? Père a pris Brioche, il ne reste que Solide, qui est parfait aux champs, mais à la course…

Jonas baissa la tête, un peu déçu. Il comprenait sa mère, la connaissait sur le bout des doigts, mais ça marchait dans les deux sens. Elle savait à quel point il admirait son frère. Ewen avait combattu en Ostmark, lorsque les comtes s’étaient soulevés. Ewen était grand et fort. Ewen faisait tourner les têtes. Ewen déciderait de se rendre en enfer, Jonas le suivrait de grand cœur.

— Prends ton frère avec toi, Ewen, demanda-t-elle.

— Je serai plus rapide tout seul.

— Ça ne presse pas à ce point, tout de même. Allez-y. Je fends encore quelques bûches et je surveille la marmite.

— Bon, d’accord. Allez Jonas, ne lambine pas.

Le cadet s’épanouit.

— D’acc ! On sera tous rentrés pour le souper, M’man, garanti !

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