Artisan du malheur (6)
Ça commence par une étincelle. Une flamme dans la nuit. Agitée, frémissante. Mais un vent se met à souffler, puissant, véhément. Ses bourrasques échevelées couvrent la campagne et couchent les herbes folles. Et nourrissent la flamme d’une ardeur nouvelle et inattendue. Ses crépitements enflent pour se muer en rugissements.
L’étincelle primitive a tôt fait de devenir brasier, de gonfler tant et si bien qu’il s’étend aux vallées. Le feu ne laisse derrière lui qu’un sillage de cendre et de sang. Le ciel s’emplit de fumées âcres et de cris larmoyants. Rien ne peut plus arrêter l’incendie. Furibond, affamé, il dévore tout sur son passage.
Puis un halo s’élève sur l’horizon, comme une aube timide. Le rayonnement croît et s’intensifie. Il rivalise bientôt avec la fureur de l’incendie, chatoie de mille rutilements, déploie de blondes ailes et se révèle peu à peu dans son entier, sublime et arrogant, sous la forme d’un aigle. Un aigle à deux têtes et au plumage doré.
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