Deuxième de février de l'an dix
Mon très cher ami,
Nous voici engagés dans une année nouvelle, avec tout ce qu'elle comporte d'inconnu, de terrifiant, d'excitant. Il n'y a pas un mois je parcourais, seule, au matin, la basilique Notre Dame de Lourdes, encore baignée par l'ombre du lever du jour hivernal, et je pensais à vous. Voilà trop longtemps que mes pas n'avaient pas foulés un lieu sacré, et encore bien plus longtemps depuis la dernière fois que la démarche vous était destinée.
Comme vous auriez aimé ce silence assourdissant qui résonnait contre les lourdes pierres des colonnes du bâtiment. De ce silence qui vaut mille mots entonnés en choeur, et qui apaise plutôt que de peser sur nous.
Vos yeux d'artiste auraient apprécié le spectacle de la lumière timide qui éclairait les vitraux. L'aube portait ce matin là un éclat irréel, presque mystique.
J'aurai aimé entendre vos pas retentir contre le sol carrelé, accompagnant les miens. Mais hélas, ce jour là, vous restâtes silencieux.
Je suis demeurée longtemps, longtemps, dans le silence, appelant le secours de votre réconfort par les cris de mon âme qui ne semblaient jamais devoir se tarir. J'ai entendu la ville s'éveiller dans mon dos. Senti les rayons du jour atteindre ma peau, vu la croix s'illuminer dans un halo pâle.
Et mon ami, à cet instant, j'ai cru vous voir, vous, le temps d'un murmure, penché dans un éclat de lumière.
Mais le temps que ma main se tende, vous vous êtes une fois de plus ravi à moi.
Il ne me reste qu'à espérer que la petite flamme, allumée de mes mains tremblantes, vous a transmis les mots que je lui ai confiés.
Je vous remercie du soin que vous apportez à la protection de ce doux enfant dont j'ai déjà fait mention, et vous prie instamment de n'en rien cesser. Il retrouve, je crois, un sourire plus pérenne, après une bien trop longue absence et je ne souhaite rien d'autre que cela pour tout le reste de ses jours.
Je demeure votre fidèle et solitaire amie,
A vous, pour toujours.
E'lia
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