Bienvenue à Orange Hills
Je m’appelle Rémi et je ne suis pas sans famille. On m’a déjà fait la blague une centaine de fois et elle n’est toujours pas marrante. J’ai 25 ans et j’ai tout du gentil garçon ou nice guy si vous préférez les anglicismes. Comment ça ? Bah je suis un gars sympa avec tout le monde même ceux qui ne le méritent pas. Je ne dis pas un mot plus haut que l’autre pour éviter de froisser les gens même quand je suis dans mon bon droit. Je ne sais pas dire non quand on me demande un service même si ça me dérange ou ça ruine mes projets personnels. Résultat : je ne suis même pas l’acteur principal de ma propre vie.
Je suis ballote par-ci par-là en fonction des envies de chacun. La preuve ? Bah le métier que je fais actuellement : comptable. Un des métiers les moins bandant qui puissent exister sur Terre. Ne commencez pas à me démentir ! Vous allez me dire que passer la journée devant son écran à remplir des lignes d’écritures comptables c’est excitant ?! Si c’est le cas, on échange quand vous voulez les amis.
Je travaille dans une petite pme de deux cent personnes où la moyenne d’âge est de trente ans. Vous me direz qu’il doit y avoir une bonne ambiance, ils doivent sortir souvent après le boulot. Bah non ! La plupart des employés sont en couple de longue date donc ils rendent directement chez eux après le boulot. D’autres sont carriéristes donc c’est la course à qui lèchera le mieux le gland ou la chatte du ou de la supérieure du service. Au sens propre comme au figuré. Je peux vous assurer que le faire n’est pas une partie de plaisir vu la tronche des patrons. Oublier les bellâtres du type Jon Hamm, l’acteur principal de Mad Men, ou Jessica Chastain. Mes chefs ont plus des physiques d’acteurs de Plus Belle la Vie. On est donc à un niveau très Lidl.
En dehors de ça, ma vie sentimentale est un désert apocalyptique. À côté de ma vie amoureuse, MAD MAX c’est une promenade de santé. Je n’ai aucune petite-amie. Je n’en ai jamais eu. J’ai toujours été vu comme le gars sympa avec un cœur d’or qui sera toujours cantonné au rôle du confident alors que d’autres se tapent celles que je veux. On se sert aussi de moi pour flatter son ego, tester sa capacité à plaire mais derrière aucune relation concrète. Je suis valdingue par des souffleuses professionnelles de chaud et de froid c’est-à-dire un coup je veux un coup je veux pas sortir avec toi. Mais va te faire… Bordel !!! C’est pas un achat immobilier que tu fais. C’est juste un rendez-vous. Je rentre tous les soirs seul la queue entre les jambes et les couilles bien remplies.
Ce soir-là, comme tous les autres, j’étais posé devant Netflix. Je regardais un teen drama. Pour ceux qui connaissent pas un teen drama c’est une série pour un public d’adolescentes avec des adolescents au lycée généralement à qui il arrive les pires trucs possibles : passages à tabac, viol, meurtres, maladies incurables, accidents de voiture,etc,…. Ils leur arrivent plus de galères en trois ans de lycée que dans toute le vie d’une personne normale. Il fait arriver à remplir des épisodes de quarante-deux minutes les amis.
Mon pêche actuel c’est la série The Orange Hills traduit en français par les Collines Orange. Le pitch Lucas Atwood jeune délinquant juvénile perd sa mère morte d’une overdose. Il est alors recueilli par son père qui l’a renié à sa naissance et qui a une nouvelle famille. Dans cette nouvelle famille, il a un frère du même âge, Seth Summers, qui le déteste. Il craint qu’il ne veuille lui voler sa vie. Lucas est un génie du basket et à un talent inné pour le dessin. Toute la série tourne autour de son envie d’avoir une vie meilleure, sa rivalité avec son frère et ses amours.
Je regarde le dernier épisode de la saison trois quand pris de fatigue je m’endors devant la télé.
- Ce soir, c’est l’apothéose de toute notre saison de basket ! La grande finale ! Hurle Seth Summers à l’adresse des joueurs
Sauf qu’il n’est pas dans mon écran de télévision. Il est face à moi en chair et en os. Entouré par une quinzaine d’hommes en tenue de basket, je suis dans le vestiaire de l’équipe des Crows, l’équipe du lycée de la série Orange Hills. Je dois rêver ! Je me pince le bras. Je suis toujours là. Mon bras est étrangement musclé. Je reconnais le tatouage de serpent sur mon poignet gauche. C’est celui de Lucas Atwood. Donc non-seulement je suis dans la série Orange Hills mais je suis également dans le corps du héros.
« Mes coéquipiers »ne sont vraiment pas des adolescents. Mesurant tous entre 1m85 et 2m, ce sont de bons hommes qui tapent dans les vingt-cinq trente ans. C’est souvent le cas dans ce genre de séries. Ils sont tellement musclés (moi aussi d’ailleurs) qu’on croirait qu’ils squattent la salle de fitness toute la journée. Ils ont tous une peau magnifique et auraient largement leur place dans une agence de mannequinât tellement leur physique est parfait. Si j’avais été aussi beau au cours de mon adolescence, j’aurais levé une fille différente chaque semaine.
L’acteur qui fait Seth termine son discours d’encouragement. On dirait qu’il s’apprête à jouer la finale des play-off en NBA. Mais ce n’est que la finale d’une saison de basket au lycée, mon gars !!! Tu ne les emmènes pas à la guerre. Cette tendance des drama à rendre important tout et n’importe quoi. Les producteurs arriveraient presque à rendre dynamique une partie d’échecs.
Nous faisons notre entrée dans le gymnase d’un lycée. Enfin un gymnase vu par le prisme de la télé. Les gradins sont remplis au maximum. La foule est en liesse. Des spots de lumière illuminent chacun des joueurs entrant sur le terrain tandis que le commentateur hurle des informations sur le nouvel-arrivé. La magie de Hollywood vous ferait vraiment avaler n’importe quoi. J’aperçois dans la foule mon meilleur Ami, Dan McFadden. Le cliché de l’exclu qui est passionné de photos. Vêtu de son emblématique bonnet à couronne dorée, il est censé n’avoir aucun succès avec les filles alors que s’il se balade dans la rue toutes les filles s’évanouissent sur son chemin. Dans les séries TV, quand tu es moche c’est relativement faux.
Je vois également les deux filles qui se partagent le cœur de Lucas Atwood enfin le mien : la pétillante Blair Davis et la plus réservée Peyton Cooper. La première est une brune impulsive qui assume un peu trop selon certains son attirance pour mon personnage. La seconde est une chanteuse en herbe (ça permet de faire chanter les personnages de la série à tout bout de champ sans raison !!!). Elle a un peu plus de mal à reconnaître son attirance pour moi. La relation est du style « fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis ! ». Un triangle amoureux des plus classiques à la TV. C’est le choix entre l’aventure et le danger incarnés par Blair et le côté romantique représenté par Peyton. Blair m’envoie un baiser d’encouragement alors que Peyton serre le poing pour me donner de la force.
I walk a lonely road
Je marche seul le long de cette route
The only one that I have ever known
La seule que j'ai jamais connue
Don't know where it goes
Je ne sais pas où elle mène
But it's home to me and I walk alone
Mais c'est chez moi et je marche seul
Les paroles de Boulevard of Broken Dreams de Green Day rythment un montage de scènes qui vont résumer le match. C’est un drama et non une série de basket donc on va juste assister à trois minutes de match qui vont consister à me voir enchaîner les trois points tel Stephen Curry le meneur des Golden state Warriors. J’ai toujours été une quiche en sport alors me voir exceller au basket est un rêve qui devient réalité. Je marque un dernier trois points alors qu’il y a égalité à la dernière seconde. Le ballon traverse la sonnerie juste après la sonnerie de fin match. C’est ce qu’on appelle un buzzer beater.
Tout le stade célèbre la victoire et on me porte en triomphe sur les épaules des gars de l’équipe. C’est très exagéré. On a que gagner un tournoi de basket de lycée les mecs. On n’est pas champions NBA !!!
Avant le match, Blair et Peyton avaient demandé à mon personnage de choisir laquelle allait devenir ma petite-amie officielle. Limite on dirait je choisis la femme de ma vie. Normalement, Lucas choisit Peyton après un discours larmoyant, trop bien pensé pour un ado de seize ans. Mais c’est moi qui suis aux commandes cette fois. Je ne veux pas de fille indécise dans ma vie. J’en ai déjà trop eu dans mon existence. Je choisis Blair et l’entraîne dehors sur le parking avant qu’elle ne puisse dire un mot. Une fois seuls, je lui dis contre ma volonté (le script s’impose à moi !!!) :
- Je me suis retrouvé aujourd’hui à la croisée des possibles, d’avenirs qui se présentent à moi. Le seul qui m’a semblé merveilleux c’est celui que j’écrirai avec celle qui déchire et emplit de joie mon cœur : Toi.
Putain ! Que c’est cucul ! J’aurais sorti la même phrase à seize ans, la fille m’aurait ri au nez. Là, Blair est au bord des larmes et me saute à la bouche. J’adore ! Je l’entraîne dans ma voiture et nous nous mettons à nous déshabiller. Mon torse est musclé et j’ai des abdos incroyables. Ce n’est qu’avec Photoshop que j’aurais pu avoir des abdos comme ça. Je vais baiser Blair Davis!
Bon son personnage a seize ans mais dans la réalité l’actrice qui fait Blair a vingt-sept ans donc ce n’est pas du détournement de mineure. En plus, j’avais sa sex-tape qui avait fuite sur le net et elle est canon nue. Fondu noir. La scène reprend alors que nous sortons de la voiture et que nous nous rhabillons. Bordel ! Je viens de me taper Blair Davis mais vu que c’est une chaîne grand public qui diffuse la série, nos ébats ont été censurés. J’ai même pas pu profiter de cet instant divin.
Alors que j’essuie mes larmes de rage, un révolver est pointe sous mon nez. Un type en sweat à capuche noir me menace d’un automatique. C’est Delano, le dealer local pour lequel Lucas a accepté de travailler pour éponger les dettes de son frère. Lucas avait fini par le dénoncer aux flics mais il leur avait échappé. Il venait se venger avant de quitter la ville. Je tremble comme une feuille et me pisse dessus. Je me sers de Blair comme bouclier.
- Tu peux la prendre à ma place ! Sexuellement c’est une bombe mon gars ! dis-je pour sauver ma peau
J’avoue que ce n’est pas très courageux mais j’aimerais bien vous y voir à ma place ! Dans le déroulé normal de l’épisode, Lucas est tenu en joue avec Peyton, celle qu’il a choisi. Il la protège courageusement de son corps mais ça ne tourne pas très bien pour lui.
- C’est toi que je veux, connard ! Petite conne, écarte-toi ! lui ordonne Delano
Blair ne se fait pas prier, s’écarte de moi et Delano tire. La balle avance au ralenti vers moi sur la chanson Hide and Seek de Imogen Heap. Je déteste les effets dramatiques dans les séries quand j’en suis la victime. La balle traverse ma poitrine, teintant mon maillot d’une tache écarlate qui grandit. Je m’effondre au sol. Je passe de la vie à la mort avec une dernière pensée.
- Pourquoi cette série ne passe pas sur HBO ?! Ils n’ont pas peur de mettre des corps nus et j’aurais pu voir Blair Davis nue sur moi !
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