9. Le prix à payer

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Oldric.

Désorienté, Oldric ne savait pas où il était. Sa vision se brouillait et, au lieu de l'air sain de la forêt, l'odeur du sang et de l'urine emplissait ses narines. Un gourdin fictif martelait son crâne et sa bouche avait un goût de fer rouillé. Il essaya de se lever, mais ne réussit qu'à se hisser sur quelques centimètres avant que le bruit de chaînes s'entrechoquant ne lui inflige une douleur fulgurante à la tempe et ne lui fasse prendre conscience de sa défaite.

La prophétie de sa mère se moquait de lui. Elle avait affirmé que nul ne le vaincrait en attendant un destin inconnu. Pourtant, il avait échoué, il avait laissé tomber son peuple. Yorgen, Rüd, le reste de la tribu, où étaient-ils maintenant ? Il se débattit violemment contre ses chaînes et perdit connaissance.

Se réveillant quelques instants plus tard, il attendit que les vertiges et les nausées se dissipent avant d'ouvrir les yeux. Il se trouvait dans une minuscule pièce étroite construite en rondins. La lumière du soleil pénétrait par une fenêtre haute, le faisant plisser les yeux. Il était allongé et enchaîné à une grande table, on lui avait retiré sa saie. Il bougea, testant ses liens tandis que la douleur léchait ses épaules et son dos. Des menottes en fer entravaient poignets et chevilles.

Deux hommes entrèrent dans la pièce.

Se redressant légèrement, Oldric prononça un juron, mais un seul parut s'en offusquer.

Le premier, impassible, mâchoire de pierre sous l'ombre brune de sa barbe rasée de près, était vêtu d'une magnifique armure de bronze poli et d'un manteau bleu vif frangé d'or. Il tenait un heaume surmonté de plumes sous son bras. L'autre homme portait une tunique finement tissée et un manteau de voyage sombre. C'est lui qui s'adressa à Oldric dans un estanien fortement imprégné de l'accent de l'envahisseur.

— Ah, tu es donc conscient, dit-il en plongeant son sourire édenté dans les prunelles du jeune guerrier. Je suis heureux de le savoir. Je me nomme Malcénas. Mon ami ici présent te tient en haute estime. Ses hommes aimeraient te voir fouetté et suspendu, mais il a d'autres plans plus rentables pour toi.

Puis, se tournant vers l'officier, il  murmura des paroles en égéen.

Oldric ne comprenait pas la langue de l'Empire. Seuls les clans des rivières, sous l'impulsion de Gunnar l'Unificateur, l'avaient appris pour diluer la méfiance des Égéens.

L'officier répliqua quelque chose avant de rire doucement.

L'officier répliqua quelque chose avant de rire doucement.L'officier répliqua quelque chose avant de rire doucement.

— Le commandant Tetraklès dit que tu grognes comme une bête et que tu pues. En réalité, non, c'est moi qui ne supporte pas ton odeur. Lui, te trouve hors du commun. Mais il l’atteste pour que j'accepte facilement le prix qu'il a fixé.

La rage d'Oldric grandit à mesure que le marchand s'approchait de lui et commençait à l'examiner avec avidité. Lorsque l'homme tendit la main pour le toucher, Oldric s'élança, se heurtant de plein fouet aux chaînes. L'explosion de douleur à la tête et à l'épaule ne fit que l'exaspérer davantage. Il cracha sur l'homme.

—Sale porc Égéen !

Malcenas grimaça, sortit un petit chiffon de sa manche et tamponna délicatement sa tunique.

— Ces Estaniens ne valent pas mieux que des animaux !

Tetraklès saisit le jeune homme par les cheveux, le forçant à reculer la tête, prononçant encore des mots indéchiffrables. Oldric essaya d'en profiter pour planter ses dents dans le bras de son bourreau. La prise ne s'en resserra que plus solidement.

— Le commandant trouve que tu es un animal oui, mais pas n'importe lequel. Tu as le visage du dieu Phèbe et le corps de Neptolemos. Les femmes d'Aetherna tomberont toutes folles de toi.

La bouche de Malcénas s'inclina cyniquement.

— Et certains hommes aussi, je pense.

Tetraklès ne détournait pas son regard du jeune guerrier quand il reprit la parole. Çà et là relevée de grognements, la langue Égéenne paraissait empâtée, gauchie dans la bouche de l’officier. Oldric se sentait niais, les propos lui demeurant totalement hermétiques.

— Est-ce vrai ? transmit le marchand. Tétraklès affirme que tu as tué plus d'une dizaine de légionnaires entraînés dans les premières minutes de la bataille, et qu'il a fallu quatre soldats chevronnés pour te retenir. Essaie-t-il d'augmenter ton prix ou raconte-t-il la vérité ?

Il éclata d'un rire grotesque.

— Je ne pense pas que tu aies besoin de beaucoup d'entraînement, dans ce cas. Il suffit de t'enchaîner jusqu'à ce que tu sois prêt à être lâché dans le Théatron.

Malcénas admira les muscles tendus du corps tandis que le militaire continuait de parler.

— Huilé, tu ressembleras à un dieu. Et les longs cheveux blonds ! Les Égéens aiment les blonds ! Néanmoins…

Levant la tête, Malcénas s'adressa à nouveau au commandant. Celui-ci haussa les épaules et fit un geste vers la porte. Le marchand l'interrompit aussitôt en levant son index. L'officier émit un ricanement, ce qui provoqua un rapide éclair de fureur dans les yeux de son compagnon. Oldric perçut nettement l’ombre d'impatience qui voila les traits de Malcénas. Ce dernier marmonna quelque chose dans sa barbe avant de se tourner vers le prisonnier.

— J'espère que tu vaux réellement la somme qu'il me demande ! Déçois-moi, ou trahis-moi, et je t'enverrai croupir le restant de ta vie au fin fond des mines du nord !

Sur ces mots, le négociant s'approcha de la porte fermée et frappa dessus. Un homme vêtu d'une simple tunique entra rapidement. L'intéressé n'était d'apparence nullement estanienne, et pourtant Malcénas s'adressa à lui dans le dialecte des tribus des montagnes.

— Le voyage vers Aetherna ne sera pas court. Occupe-toi de lui, Nestor. Il a ouvert ses blessures. Je ne veux pas qu'il se vide de son sang avant que nous n'atteignions le port de Philippos.

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