30. Retrouvailles
Kallian.
Julia était follement heureuse de voir son oncle. Elle se jeta dans ses bras en riant. Kallian la souleva et l'embrassa tendrement, puis la remit sur pied, passant son bras autour d'elle alors qu'ils sortaient dans les jardins. Elle avait grandi dans les mois qui s'étaient écoulés, quoique un peu amaigrie.
— Où se trouve ton mari chéri ?
— Probablement, dans sa bibliothèque, en train de se pencher sur ses parchemins, répondit-elle avec un haussement d'épaules. Qu'est-ce qui t'emmène à Philippos ?
—Toi !
Les yeux de l'adolescente brillaient de joie.
— Pourrions-nous visiter une caserne ? Nikanor dit qu'il n'a jamais le temps, et je meurs d'envie de découvrir comment sont dressés les Monomaques.
— Je n'y vois aucun problème. Y a-t-il une en particulier que tu souhaites voir ?
— Celle appartenant à Skorpio Karpophoros. J'ai entendu dire que c'était l'un des meilleurs centres d'entraînement de la province.
Des esclaves élaguaient, taillaient et désherbaient pour garder les allées du jardin entretenues, rythmés par le gazouillis des oiseaux.
—Comment te débrouilles-tu avec ton Gouverneur ? demanda Kallian, taquin.
— Très bien ! Parfois, nous nous promenons dans les jardins, parfois, nous parlons. Il a tenté de m'apprendre la chasse au faucon…
Elle marqua une longue pause et poursuivit sa marche, le devançant dans les allées.
— Et ?
— Et Rys se débrouille bien mieux que moi.
Un froncement de sourcils rapide traversa le visage de Kallian, alors que Julia courait pour s'asseoir sur un banc à l'ombre d'un chêne centenaire.
—Dis-moi tout sur Aetherna. Que se passe-t-il là-bas ? Quels potins ai-je manqués ? Comment va Olympias ? Elle ne répond à aucune de mes lettres.
— Tu ne demandes pas des nouvelles de tes parents ?
Une servante vint avec du vin et un plateau d’agrumes, et, lorsqu'elle se retourna, ses courbes déconcentrèrent un bref instant le prince.
— Elle s'appelle Catia. Charmante, n'est-ce pas ?
Julia émit un gloussement.
—Essaie de ne pas l'engrosser durant ton séjour ici. Cela ne serait pas convenable à l'égard de Nikanor.
— Où est la Shulamite ?
— Rys ? Elle se dévoue en ce moment pour ma cause. Mère avait tellement raison à son sujet. Je ne me séparerais d'elle pour rien au monde !
Il y avait un message caché dans la dernière partie de sa déclaration, car une infime lueur de tristesse traversa les iris bleus.
— Julia, que se passe-t-il ?
— Nikanor est amoureux, répondit sa nièce en paraissant amusée.
Un flot soudain et chaud d'émotions sombres éclata à l'intérieur de Kallian. Il ne pouvait pas évaluer ses sentiments, car ce qui lui serrait l'estomac était bien trop inconfortable.
— Et la situation te plaît ? demanda-t-il avec un calme qu’il contrôlait avec difficulté.
— J'en suis plus que ravie !
La petite princesse se mordit la lèvre comme une enfant en manque de confiance.
—Tu n'as pas besoin de me regarder comme ça. Tu ne peux pas comprendre à quel point ça a été horrible, Kallian. J'avais du mal à le supporter.
De plus en plus en colère, il lui attrapa le poignet alors qu'elle détournait le regard.
— Nikanor a été cruel avec toi ?
— Pas cruel, exactement, dit-elle en rougissant d'embarras. Juste... persévérant. Il ne voulait pas me laisser tranquille, ne serait-ce qu'une nuit… Puis j'ai eu l'idée d'envoyer Rys. Il n'y a rien de mal à cela, n'est-ce pas ?
Le sang battait dans les tempes de Kallian.
— Elle est mon esclave, elle me sert comme je l'entends. Et mon époux semble parfaitement satisfait de l'arrangement, puisqu'il ne s'en plaint guère.
— Imagine le fameux scandale, si elle tombe enceinte avant toi.
— Je m'en fiche ! Il peut faire ce qu'il veut tant qu'il m'oublie. Je ne supporte pas ses attouchements !
Elle l’enlaça.
— Je ne t'ai pas vu depuis des mois, et maintenant te voilà ! Vous m’avez tellement manqué, mon oncle.
— Toi aussi, tu m’as manqué, petite sorcière, répondit-il en l'étreignant en retour.
Kallian tenta de se persuader que c'était l'inquiétude du mariage de sa nièce qui le mettait mal à l'aise. Mais l'idée que Nikanor de Philippos ait à la fois Julia et Amarys l'irritait. Plus qu'il ne l'aurait cru possible.
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