Chapitre 1 : Un aller simple pour l'autre côté.
Tu t'avançais vers la porte. Ta main moite dans la mienne ne tremblait pas. Tu avais un petit rictus au coin de tes lèvres. Quand tu te saisis de la poignée, tu plongeas tes yeux dans les miens. J'essayai de te sourire. Tu ouvris la porte et nous avançâmes à travers le brouillard.
Je demandai : " Où sommes-nous ? "
"De l'autre côté" fut ta réponse."
J'eus envie de demander quand nous reviendrions dans le monde "réel".
Je me mordis les lèvres. C'était inutile : jamais personne ne revient de ce voyage.
L'épais brouillard nous enveloppa. Je te sentais à mes côtés, Julie, mais je ne te voyais pas.
L'impossible voyage venait de commencer, et plus jamais rien ne serait comme avant.
Envoûtante, fascinante la voix murmurait :
Déluge nocturne
te fait perdre tout repère
portes de l'enfer
Je regrettai d'avoir offert ce cadeau à Julie : " Un aller simple pour un monde de fantaisie".
Enfin, le brouillard commença à lentement se dissiper.
Petit à petit, je revoyais Julie, ou plutôt les pieds de Julie.
Immense, elle était devenu immense, J’eus envie de pleurer et je ne comprenais pas : Alice, au contraire, était devenue minuscule !
Je me dis qu’elle devait être fort triste d’avoir perdu sa taille normale. Je cherchais un compliment, une parole positive.
J’avais trouvé ! Julie était extraordinairement belle, avec son corps athlétique, sa poitrine ferme, ses beaux yeux bleus et ses cheveux d’or.
Mais elle n’aimait pas ses cheveux : raides, désespérément raides, or, maintenant, elle portait une superbe cascade de cheveux ondulés.
J’allais la complimenter, quand la géante se retourna vers moi ; je vis sa robe , une robe de princesse, de magicienne. Dans ma tête, j’improvisais un poème :
Robe multicolore
Robe que j'adore
Robe irréelle
Robe arc en ciel
Robe fantaisie
Robe de courtoisie
Robe militante
Robe délirante
Julie va la porter
Je vais l'admirer
Elle sera déchirée
Étreinte passionnée
Robe multicolore
Robe que j'adore
Robe irréelle
Robe arc en ciel
Robe fantaisie
Robe de courtoisie
J’allais déclamer ce poème quand sortit de ma gorge un miaulement.
En un éclair, je compris : Julie n’avait pas grandi ! Je m’étais métamorphosé :
j’avais quatre pattes , une longue queue et une épaisse fourrure rousse.
De nouveau, un miaulement remplaça mon cri d’étonnement.
La voix de Julie se fit douce : « Phil, tu es devenu mon familier. Je te protégerai, tu me protégeras, et plus que jamais tu porteras ton nom : Phillechat ».
Nous nous enfonçâmes dans une épaisse forêt. Elle ressemblait aux forêts celtiques de Bretagne ou d’Irlande. Humide, froide, impénétrable, elle n’était que mousses, fougères et chênes.
Pour Julie c’était un délicieux pays des merveilles, oui, mais moi, j’étais un chat !
Quand elle enjambait avec grâce un tronc d’arbre, moi je me trouvais face à un mur glissant de deux mètres de haut. Au bout de la troisième chute humiliante, je me laissai guider par mon instinct et sortis mes griffes pour m’accrocher.
Quand elle chantonnait en laissant ses longues jambes et ses pieds nus explorer la rosée matinale, moi je pestais contre ces plantes qui souillaient mon doux poil roux.
Le pire c’était le passage des ruisseaux, elle les franchissait d’un bond, et moi je glissais et tombais régulièrement.
Avant je ne comprenais pas pourquoi les chats n’aimaient pas l’eau, j’ai rapidement compris le point de vue des félins. Amis humains, imaginez la plus glacée des douches et l’horrible sensation des vêtements trempés.
Multipliez par mille, et vous n’aurez qu’une faible idée des sensations désagréables de nous autres les chats.
Courant, haletant, pestant, je m’interrogeais : " pourquoi, mais pourquoi donc suis-je devenu un chat ?"
La réponse vint de Julie : « Tu dois être heureux, mon petit Phil, toi qui rêvais tant de devenir un chat ! »
De mémoire, elle récita un de mes poèmes :
Je suis un chat
Un gros matou
Noir ou roux
Je suis un chat
Et pourtant je suis
Différent de lui
Je suis un chat
Et vos secrets
N’en sont plus en fait
Je suis un chat
Mes griffes dansent sur tout
Mes griffes sont atout
Je suis un chat
On me siffle pour ma fourrure
J'essuie de mon fou rire
Je suis un chat
Qui craint tout
Craintif sans son ragoût
Je suis un chat
Et je pleure tout bas
Quand personne ne me voit
Je suis un chat
Et je vis la nuit
Quand tout est endormi
Je suis un chat
Soseki l'a dit
Je le dis aussi
On me reproche mon côté pacha
Normal je suis un chat
Pourtant je le sais
Un jour je mourrai
Mais le chat qui est en moi
Pour toujours vivra
Je suis un chat
Soseki l'a dit
Je le dis aussi
On me reproche mon côté pacha
Normal je suis un chat
Pourtant je le sais
Un jour je mourrai
Mais le chat qui est en moi
Pour toujours vivra
Je suis un chat
Je suis un chat
Je suis un chat
Hélas, mille fois hélas, j’avais eu la sottise d’écrire cela, comme je regrettais cette erreur, ma vie était devenue un enfer.
Julie s’était arrêtée dans une clairière ; on dit que rien ne fait plus craquer une demoiselle qu’un chat suppliant. Je pus vérifier que ce n’était pas une légende.
La belle blonde me regarda et murmura : « Mon pauvre matou, tu es complètement trempé, tu as l’air épuisé. Je ne suis pas gentille, j’avance sans faire attention à toi ! »
La suite, heu comment dire, si des enfants lisent ce récit, je leur conseille de passer au chapitre suivant,,,
La suite donc.
Délicate, attentionnée, Julie me souleva et me réchauffa, en me serrant contre sa poitrine.
Comment dire ? Ma compagne est belle séduisante et tout le monde, y compris les filles !, loue la beauté de ses seins.
Mais là, en tant que chat sa poitrine enveloppait l’intégralité de mon corps, c’était une authentique vallée des merveilles.
Je pensais être au paradis, mais le meilleur était à venir.
Sans réfléchir, elle commença à me caresser, fascinée par mon doux poil roux.
En tant qu’être humain, même au plus profond de l’orgasme amoureux, je n’avais jamais ressenti une telle jouissance.
Je me mis à hurler de plaisir. Julie, elle, n’entendait qu’un léger ronronnement.
Finalement, ce n’était pas si désagréable d’être un chat ...
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