Chapitre 4 : prisonniers !
Vite, vite nous avons couru au milieu de la nuit.
Entre Julie, ma princesse devenue magicienne et moi, son amoureux devenu chat roux, l’équilibre était rétabli.
Certes, elle pouvait enjamber les obstacles qui rendaient l’épaisse forêt humide dangereuse pour un petit félin, mais ma nyctalopie naturelle me permettait de ne pas me laisser distancer.
Et puis, dois-je vous le rappeler ?, la belle blonde courait entièrement nue, pour échapper au danger redoutable des mangeurs d’âmes.
Habillée, Julie est superbe, mais, nue, son corps de rêve devenait sublime, illuminé par les reflets de la lune sur sa peau lisse et douce.
Je prenais un intense plaisir à voir le ballottement de ses seins pleins et lourds, et à suivre le mouvement rythmé de ses cuisses et de ses fesses.
Mais j’étais gêné par tous ces obstacles et par la peur de nos poursuivants.
« Là où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir. »
Ce dicton stupide s’imposa à mon esprit : il résumait fort bien mon état d’esprit, depuis mon passage de l’autre côté.
Je courais, courais à perdre haleine avec ces deux pensées en tête : la magnificence de Julie et le dicton !
Julie semblait perdue, hésitante, alors j’activais mon don de vue à distance : un lac, oui, il y avait un lac tout proche. Les rôles s’inversèrent, je me mis à guider Julie dans l’obscurité qui ne cessait de grandir depuis que les nuages avaient caché la lune.
Mais plus nous approchions, plus la douce blonde titubait, vacillait.
Elle me dit : « Je n’en peux plus, mon petit chat. Nous avons semé ces monstres, mais nous ne pouvons allumer un feu, cela les attirerait, viens contre moi, nous nous tiendrons chaud ! »
Vous vous doutez bien que je ne me suis guère fait prier : dormir lové contre la poitrine de la plus belle femme du monde , quel plaisir !
Mais j’étais trempé, j’avais peur, j’avais froid ; que de gêne !
« Là où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir. »
Je m’endormis, en ruminant ce stupide, et ô combien véridique, dicton.
Avec le recul, je me dis que nous aurions dû veiller , mais j’étais bien trop épuisé.
Julie m’avait auparavant rassuré : « Le jour va venir, les zombies ne le supportent pas, dors petit chat, dors, »
Quand j’ouvris les yeux, le jour n’était pas encore levé. Je me mis debout d’un bond, tous les sens en éveil ; quelque chose approchait. Cela n’avait rien à voir avec les zombies, mais je n’étais pas, pour autant, rassuré.
Les yeux ensommeillés, Julie semblait surprise par mon attitude.
Je scrutai la terre avec mes yeux, je la scrutai avec mon âme : je sentais la menace approcher, sans vraiment la définir.
Je négligeai le ciel : grossière erreur !
L’oiseau jaillit de nulle part, immense, puissant, il immobilisa Julie. Je bondis pour la délivrer, mais il me saisit en plein bond : nous étions pris !
J’allais échapper à l’étreinte de l’animal quand ses complices arrivèrent. Dommage, j’avais vite compris, en regardant son duvet, que l’oiseau était jeune et relativement inexpérimenté : mon instinct de chat aurait pu me sauver !
Mais le géant qui me saisit était d’une force peu commune, je n’étais pas de taille à le combattre. Je me contentai de me démener et de l’injurier, in petto. J’en profitai pour jeter un coup d’œil au rapace et constatai qu’il possédait, comme moi, une queue de félin !
Je finis par me calmer et observai, avec attention, l’homme qui me maîtrisait.
Enfin le mot homme n’était pas vraiment adapté, c’était un être hybride, une sorte d’homme- fauve.
Une pensée me rassura : comme moi, ces créatures tenaient à la fois de l’homme et du félin !
Tout alla très vite ; à demi consciente, Julie tremblait de froid : nos ravisseurs lui donnèrent un chaud manteau. Nous marchâmes, rapidement, jusqu’à l’entrée d’une clairière,
Avec Julie, nous nous taisions. Je n’en menai pas large, l’oiseau perché sur un arbre semblait mécontent d’avoir vu son petit déjeuner (votre serviteur !) lui échapper.
L’homme fauve et une salamandre nous fixaient, sans la moindre trace de bienveillance. Notre présence leur semblait totalement anormale.
Le jour s’était enfin levé, j’étais définitivement rassuré : nous n’étions pas tombés entre les mains des zombies.
L’homme- fauve s’approcha de nous et dit d’une voix douce :
« Me comprenez-vous ? Je m’appelle Kavali, et voici Nomarda, Zakaria et Zirky, continua-t-il en les désignant successivement. Et vous ?»
Julie semblait complètement perdue, elle se tourna vers moi et me demanda :
« Que disent-ils ?
— Ils veulent savoir qui nous sommes. Tu ne les comprends pas ?
— Non, répondit ma fiancée, pourtant, étrangement cette langue me semble familière, le mot Zirki me dit quelque chose, maman l’a déjà prononcé.
— Je vais leur parler, just keep cool, dis-je, pour la rassurer . »
J’écoutai la voix qui venait du plus profond de moi et je m’entendis miauler, mais, étrangement, pour moi et les hommes-animaux, tout cela était un dialogue ordinaire :
« Je m’appelle Philippe et ma compagne s’appelle Julie.
— Es-tu un homme ou un chat , me demanda la Salamandre ?
— Pourquoi n’es-tu pas devenu un mangeur d’âmes, s’étonna l’homme-fauve ?
— Je suis un homme et je suis devenu un chat, nous n’avons rien à voir avec ces monstres, nous étions en train de les fuir quand vous nous avez fait prisonniers »
Je sentis mes interlocuteurs décontenancés, sauf Zirki, le rapace qui me regarda comme si elle voulait entrer au plus profond de mon âme.
Je discutai avec Julie, nous convînmes que nous n’avions rien à perdre, et je décidai de tout dire sans omettre le moindre détail. Je leur racontai le passage de l’autre côté, ma transformation, la rencontre avec les magiciens, la découverte de nos dons magiques et le piège tendu par les mangeurs d’âmes.
Ma sincérité paya, je sentis l’hostilité disparaître et on me bombarda de questions sur l’autre côté, et à chaque réponse , je sentis l’étonnement augmenter.
Finalement, tout le monde s’éloigna et je restai seul avec le rapace.
Elle me demanda :
« Tu as bien rencontré Merlin et Viviane ?
— Ce sont les parents de Julie !
— Je vais te confier un secret, murmura Zirki. Nous les attendons depuis longtemps et une très vieille légende circule à leur sujet.
— Laquelle ?
— On dit que le jour où ils reviendront, cela sera la fin du monde. »
Zirki se tut et me regarda. Dans les yeux de la jeune fille, il me sembla lire plus que de la curiosité, j’aurais dit, mais je devais me tromper !, du désir ?
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