Chapitre 7 : le chat s'entraine.
Le doux sourire de Zirki me redonna du courage.
Je souffrais, horriblement, physiquement, après ma longue course, mais surtout moralement.
Trahi, oui j’avais été trahi par celle pour qui j’avais tout sacrifié. Et mes nouveaux compagnons ne pouvaient guère m’aider. Le chevalier Noir avait semé la dévastation, il avait massacré, sans pitié, moult guerriers valeureux et courageux, et n’avait épargné ni les femmes , ni les enfants.
Je me sentais coupable : non seulement ma présence(enfin surtout celle de Julie) avait motivé cette attaque, mais encore je n’avais rien fait pour combattre le chevalier noir !
Mas Zirki était là, elle nous souffla la solution : « Entraînons-nous jusqu’à ce que nos muscles ne puissent plus bouger, et nous vaincrons.»
Auparavant, elle m’avait rappelé le sens de notre quête : c’était l’humanité entière qui disparaîtrait, si nos ennemis l’emportaient.
Oui, il fallait être prêt, et vaincre !
Un mot de Zirki me fit sursauter : Namahir !
Une vieille chanson vint à mes lèvres :
Fière
La Guerrière
Va combattre
Au soleil levant
Infâme marâtre
Dragon menaçant
Ennemi perfide
Chevalier livide
Chat roux impavide
Je constatai, avec surprise, que j’apparaissais, avec Zirki, dans cet antique chant de Namahir.
Ce chant n’était pas le seul, soudain des milliers de vers s’imposaient à moi : pourquoi, pourquoi ?
Belle princesse
Tu n as de cesse
De nous charmer
Nous envoûter
Dans la blancheur
La noirceur
De tes cheveux
Amoureux
Tu mets des fleurs dans tes cheveux
Et mon cœur amoureux
S’embrase de mille feux
Devant ce geste gracieux
Une autre chanson ressurgit du passé :
Dame fleur
Dame sœur
Dame cœur
Dame rose
Dame parmi les roses
Dame fleur
Dame à peine éclose
Dame épanouie
Dame fleur
Dame Azalée
Dame trop désirée
Dame fleur
Dame Hortensia
Dame pleurant tout bas
Dame fleur
Dame Ortie
Dame de l’interdit
Dame fleur
Dame Iris
Dame parfum d’anis
Dame fleur
Dame Jacinthe
Dame tout juste enceinte
Dame fleur
Dame fleur
Dame fleur
Dame fleur
Fleurs
Ni pleurs
Ni malheur
Fleurs
Fleurs
De miel
Fleurs
De sel
Fleurs
Irréelles
Fleurs
Cruelles
Fleurs
Du mal
Fleurs
Du mâle
Fleurs
De Swann
Les mannes
Du cattleya
Fleurs
Je t aime
Fleurs
Chrysanthème
Fleurs
Fleurs
Fleurs
Je fus surpris : Zirki ne cessait de parler de combats, de violence, de morts, mais ce qui revenait à ma mémoire, quand j’évoquais Namahir, n’étaient que chants d’amour , de douceur d’espoir ?
Je me sentis triste : oui le peuple ailé avait dû vivre dans l’amour et l’harmonie avec la nature, avant un terrible événement qui n’avait laissé survivre que la haine , la mort, le combat et la peur.
D’autres chants, tardifs, amers renvoyaient à cette cruelle réalité :
Les cimetières
Sont remplis
D’êtres irremplaçables
Les cimetières
Sont remplis
D’êtres formidables
Les cimetières
Sont remplis
D’êtres extraordinaires
Les cimetières
Sont remplis
D’êtres révolutionnaires
Les cimetières
Sont remplis
D’êtres merveilleux
Les cimetières
Sont remplis
D’êtres silencieux
Les cimetières
Sont remplis
D’êtres respectueux
Les cimetières
Sont remplis
D’êtres consciencieux
Les cimetières
Sont remplis
D’êtres désirables
Les cimetières
Sont remplis
D’êtres admirables
Les cimetières
Sont remplis
D’êtres inoubliables
Les cimetières
Sont remplis
D’êtres fossoyables
Et moi
Quand mon tour viendra
Je deviendrai
Je le sais
Irremplaçable
Formidable
Extraordinaire
Révolutionnaire
Merveilleux
Silencieux
Respectueux
Consciencieux
Désirable
Admirable
Inoubliable
Fossoyable
Les cimetières
Sont remplis
D’êtres irremplaçables
Les cimetières
Sont remplis
D’êtres formidables
Plongé dans mes pensées, dans ces chants du passé, j'avais perdu le fil du discours de Zirki. D’où me venaient ces chants, ces souvenirs d’un peuple, dont j'ignorais tout, dans un monde qui n'était pas le mien ?
Une phrase de Zirki me frappa : « avec un petit coup de pouce, vous pourrez devenir des guerriers invincibles. »
Guerrier ? Je ne me voyais pas comme un guerrier.
Rien, je ne me voyais en rien, même pas en chat roux !
Je doutais de tout, mais entendre Kavali accepter de rester dans le groupe me remplit d’espoir.
Hélas, les entraînements du jour suivants eurent vite raison de mon optimisme.
Dire que je n’étais pas à la hauteur était un euphémisme : j’étais sans cesse battu, dépassé, humilié, roué de coups.
Je perdais espoir, je me voyais comme un poids inutile et je finissais par plaindre Julie.
Je finis par m’endormir, épuisé, désespéré.
Alors je retrouvais la maison aux secrets.
La maison aux secrets était abandonnée mais, étrangement, rien ne pouvait le laisser penser tant elle était encore en bon état. C'était peut-être pour cette raison que tout le village se posait maintes et maintes questions. Les voisins n'avaient jamais vu personne y rentrer ou en sortir et pourtant, l'herbe était toujours coupée, aucune trace de rouille n'apparaissait sur le grand portail en fer forgé, les fleurs se portaient parfaitement bien, la boîte aux lettres était toujours vidée malgré le passage quotidien du facteur et, de l'extérieur, les murs n'étaient tachés d'aucune trace de moisissure ou de vieillissement.
Par derrière, cachée par le lierre, il y avait une vieille porte. Elle sentait le chêne, et une fois le lierre dégagé, on pouvait deviner de vieux dessins effacés. Intrigué,je devinai un étrange motif : un chat combattait un dragon enflammé.
Dans mon rêve la porte s’ouvrit et une voix m’interpella : « Viens, petit chat ».
Je suivis le long couloir, en me demandant à qui pouvait appartenir cette voix si familière.
Je poussai un cri : Merlin ! Le magicien me sourit :
« Merlin, vous ici , dans mon rêve ?
— La magie qui vous entoure est puissante et néfaste, mais elle ne peut atteindre les rêves, me répondit le vieux sage.
— Merlin tout est perdu, à commencer par Julie car je suis incapable de me battre !
— Petit chat, me rencontrer dans un rêve ne te dispense pas d’un minimum de clarté, ironisa le Magicien. »
Je pris le temps de tout raconter à mon vieil ami , qui soupira quand je lui fis part de mon inexpérience du combat.
Merlin me dit : « Petit chat, tu te trompes, ton pouvoir est magique, te battre avec
des armes ne te servira à rien. »
Je voulus poser d’autres questions, mais la voix de Zirki me réveilla : « debout, petit chat, il faut t’entraîner ! »
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