10/52 - Dragon Rouge
Ah, le dragon. Mon beau dragon rouge. Il était donc toujours là. Il n'est jamais parti. Il dormait sous ma peau et voilà que l'automne agite son sommeil. Mes vêtements l'agacent, il grogne, il frémit, ses écailles s'ouvrent pour respirer... elles poussent mon épiderme jusqu'à le chasser. Me voilà à nouveau écarlate comme lui. La crête est déjà visible le long de ma nuque, bientôt les ailes perceront ma chair pour se déployer.
Depuis bien longtemps il restait sage au-dedans, anesthésié par les remèdes, dénié par ma mémoire. Mais là, voilà, je me souviens à nouveau du feu en moi, à quel point j'ai pu brûler vive sous sa colère et sa soif de Liberté. Il est réel, bien réel. Je le vois, je le sens, son souffle qui crépite dans mes poumons, la vapeur brûlante qui remonte le long de ma trachée, qui s'engouffre dans mes sinus. Mes jambes se tordent, elles veulent se parer de jarrets, elles s'électrisent et s'amochent à force d'essayer. Mon cœur est piégé dans la lave, il pleure pour se rafraîchir, il pâlit sous l'effort.
Ah mon dragon. Mon beau dragon rouge prisonnier... Des centaines de fois, j'ai murmuré à son oreille, hurlé devant ses naseaux fumants pour qu'il se soulève enfin pour de bon ! Pour qu'il me tue et vive, au lieu de nous maintenir ainsi ensemble dans la douleur, dans la peine et la frustration. Je lui laisse la place volontiers. Je lui laisse toute la place qu'il veut.
A mon tour, maintenant, de dormir.
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