Je ne peux pas danser.

Je ris souvent, mais jamais complètement. Je ne pleure jamais – jamais.

Je n'ai jamais eu d'orgasme.

Je ne sais pas hurler de toutes mes forces même au milieu d'un champ isolé.

Je suis reine de la mesure, prince de la tempérance. J'ai appris le recul pour apaiser quelque colères, mais le reste est inné. Le contrôle est partout en moi, il coule dans mes veines, file dans mes artères. La libération m'est comme interdite, inaccessible.

Pourtant, je ne suis pas guindée. Je n'ai pas de tabou, pas de grand principe, pas de complexe, pas particulièrement de honte. Je suis fasciné par les gens qui dansent et s'embrassent joyeusement dans les soirées. Assise dans un coin, je les regarde de loin avec un sourire qui fait pétiller mon cœur. Je ne suis ni jaloux, ni envieuse. Leur spectacle me rend heureux.

Pourquoi ?

J'ai toujours un pied en dehors. En dehors du monde, en dehors d'ici et maintenant. Le cerveau en retrait, qui observe et analyse.

Pourquoi ?

J'ai peur. Peut-on avoir peur en naissant ? Peut-on avoir peur de soi-même ? Des sensations trop fortes qui font brûler du dedans ?

Combustion instantanée.

J'ai peur. J'ai peur d'un rire un peu plus fou, d'un plaisir un peu trop intense. J'ai peur d'exploser.

J'ai peur d'exploser.

Pourquoi ?