40/52 - Apogée
Tout le monde est parti. Nous sommes seuls, à présent. Toi, étendu sur ton lit de branches. Et moi, debout, à respirer l'odeur de ta chair qui pourrit. Dans ce corps dévoré, il n'y a plus de toi. Tu es cassé, éteint... évaporé. Ta brume est entrée dans ma poitrine pour l'étouffer. Pour vivre, il me faudra te faire sortir. Je vais te cracher dans un grand flot de larmes.
Regarde, déjà, comme je tombe à genoux. Le chagrin m'affaiblit ; je ne peux te garder. Va-t-en. Va-t-en donc. Va jouer ton rôle de mort, nourrir la terre et l'énergie du monde. Va exister dans le tout, au bout de l'individu, au-delà de l'être. Laisse-moi derrière continuer ma lutte. Si tu restes, l'air n'en sera pas plus solide. Mes doigts se refermeront toujours sur le vide. Si tu restes, le feu ne brûlera pas moins. Et tu me noieras, avec ta vapeur et mes larmes.
Va, mon ami, mon plus grand amour. Va. Je ne m'accrocherai pas un instant. Je suis heureux, tu vois ? J'arrose ton apogée pour la faire fleurir.
Va. Un jour, moi aussi, avec toi et le reste, je nourrirai la beauté de ce monde.
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