46/52 - Écorchés
Je suis debout.
Le monde craque. Mon corps se déchire. Leurs âmes sont à vif. Ils vomissent, vomissent et vomissent encore. Comment tiennent-ils comme ça ? Pourquoi ?
Je suis debout.
Le monde tombe. Il n'y a plus de vide. Tout est plein, bien trop plein. Ils vomissent. Ils vomissent toujours. Ils vomissent tout. Leur sang, leur cœur, leur foie malade.
Je suis debout.
Le monde s'évapore. Mes poumons crachent les larmes qui les ont noyés. Vous êtes aussi morts que moi. Mais je ne vomis pas. Je ne vomis plus.
Je suis debout.
Le monde plie l'échine. L'équilibre est tordu. Ils s'écorchent encore. Ils s'écorchent eux-mêmes, ils tournent en rond pour se ronger la queue, courent amoureusement après leur folie.
Je suis à genoux.
Le monde implose. Il n'y a plus de terre où trébucher.
Je me relève. Je me relève quand même.
Ils vomissent. Mes oreilles vibrent au son épouvantable de leurs haut-le-cœur. Ils vont étouffer, les phalanges enfoncées dans la gorge. Arrête... mais arrête ! Ne veux-tu pas respirer ?
Je suis debout. Debout sur le rien. Je respire sans air. Je marche sans sol. Mon cœur est léger. Si léger. Il n'a plus de substance.
Je plonge en arrière.
Ils pleurent. Ils grincent. Ils chouinent. Arrête... Ne veux-tu pas rire ?
Je souris. Mes bras s'ouvrent.
Le monde revient. La poussière vole, s'assemble comme un puzzle. Ma joie résonne dans leurs tête. Ils hoquettent. Ils lèvent le nez sous la surprise.
Je roule. J'ondule. Je danse !
Ils ne voient pas. Dans leurs yeux, la graisse noire colle encore. La nausée les fait tituber. Mais ils respirent. Ils pleurent sans grincer. Tout va bien. Tout ira... bientôt.
Je fonds.
Le monde se secoue. Il n'attendra plus. Bientôt est trop loin. Bientôt n'existe pas. Le monde se nettoie. Ils disparaissent.
Je soupire.
Le monde est beau. Mon corps est réparé. Imparfait, l'équilibre qui balance, d'un côté, de l'autre. Le monde est beau. Ils n'ont plus de sang, plus de cœur, plus de foie à rendre malade.
Tout va bien.
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