La guerre est terminée.

Qu'est-ce que j'y peux ? Qu'est-ce que je fais ?

La guerre est terminée.

Je suis assis dans la boue, mon casque est fendu, mon arme est vide. Je serre encore dans mon poing écorché la lame qui m'a sauvé la vie. A mes côtés, l’ennemi égorgé, face contre terre, se confond avec les objets de mon campement. Il pourrait tout aussi bien n'être qu'un tas de vêtement, ou le corps d'un ami de plus mort dans son sommeil.

La guerre est terminée.

Mon oreillette grésille, je n'écoute plus ce qu'il se dit. J'ai compris, j'ai compris qu'à une seconde près, cet homme et moi aurions pu nous serrer la main.

La guerre est terminée.

J'ai bien vu dans ses yeux qu'il n'attendait que ça, la fin. Son agression était un suicide.

La guerre est terminée.

D'un coup de pied glissant, je le fait rouler sur lui-même pour revoir son visage. Mais l'épaisse couche de boue rend ses traits illisibles. Eh... debout mon gars.

La guerre est terminée.

Je cherche à me relever, mais ça glisse trop. Je suis trop fatigué. Alors je rampe vers lui, vers mon ennemi, mon dernier compagnon, ma dernière victime. Eh. Relève toi, c'était qu'une blague en fait, tu vois. Ils ont fini de jouer alors, maintenant, on peut rentrer chez nous.

La guerre est terminée.

A mon tour, je roule sur le dos. Je sens la terre mouillée qui s'infiltre dans mon col. Alors je vire mon casque, tant pis. On y voit beaucoup mieux comme ça. La nuit tombe.

La guerre est terminée.

Côte à côte, mon ami et moi regardons le ciel s'assombrir. Les nuages ont désépaissi, quelques étoiles pointent leur nez au travers de leur voile. C'est beau, hein ?


La guerre est terminée.

Bof. C'est pas tellement beau en fait. C'est pas plus beau que ça, maintenant qu'on nous promet un lendemain.

La guerre est terminée.

Tout le monde est mort. C'est quand même dommage. Ils sont tous morts la semaine dernière. Un jour chacun. Je suis le seul qui reste. Assez loin de la base... Ils ont dit qu'ils viendraient me prendre.
La guerre est terminée.

Et si je veux pas... Si je veux pas, qu'ils viennent me prendre ? Si j'ai trop peur de rentrer. Si j'ai trop peur de ne plus savoir que tuer, maintenant ? Tu comprends, hein, l'ami ? C'est pour ça que tu t'es jeté sur ma lame...

La guerre est terminée.

La guerre est terminée.

Dis, l'ami... On échange ?