I - L'Appel de Belzébuth
Idier-Le-Noir, seigneur médiéval, dépressif et mélancolique, promène son spleen sur la lande désolée. Au terme de pérégrinations lugubres, il s’installe avec sa suite au château délabré de Ragnarök, son fief, lui aussi fort déprimé.
Sire Idier, s’étant désarmé et dévêtu pour la nuit, se coucha, lui et ses compagnons d’armes. Bientôt un sonore concert de ronflements ébranla la chambrée ; tous dormaient du sommeil du félon après belle félonie.
Mais au milieu de la nuit, Idier se réveilla et eut la vision suivante : le sol s’entrouvrit à ses pieds et ses yeux aperçurent les ténèbres rougeoyantes de l’Enfer ; il pouvait distinguer les démons innombrables torturer les damnés en d’interminables supplices. Soudain, du fin fond de l’Enfer une voix terrifiante se fit entendre.
- Ecoute-moi, Idier. C’est Belzébuth qui te parle, fit la voix.
- Je t’écoute, Prince des Ténèbres, répondit Idier dont l’âme noire comme la nuit se vouait au service du Malin.
- Je te charge d’une mission dont tu rendras compte à Satan soi-même. Lève-toi, arme-toi, rassemble tes chevaliers, et pars à la conquête du Grüül !
- Le Grüül ? Qu’est-ce donc que cela ?
- Sache, noir chevalier, que du temps maudit où Judas notre frère, après avoir vendu le Nazaréen, et commis le plus noir péché de l’Eternité, s’en alla se pendre de désespoir au premier olivier venu, Joseph d’Arithmétie l’assista dans cette tâche. Il fixa la corde à l’arbre, passa le nœud coulant autour du cou de Judas, et le fit choir de l’escabeau sur lequel le félon s’était juché. Une fois l’homme pendu, la nature fit le reste.
Pour la circonstance, Joseph d’Arithmétie avait apporté avec lui un calice d’or dans lequel il recueillit la semence du pendu ; puis il rentra chez lui et mit le précieux vase en lieu sûr.
- Par le Pape ! S’exclama Idier. Je n’ai jamais rien ouï de pareil !
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