Pour Seeker Truth

Dès qu'il fut arrivé à Rochehaut avec la Reine Ermelinde, Idier-Le-Noir fit crier qu'à la Saint-Schmürgl il tiendrait Haute Cour à Montsalvat, et que chacun y amenât ses compaings de virée et ses petites amies, pour y constituer une assemblée de preux chevaliers destinés à la Quête la plus fabuleuse. Puis il plut quarante jours et quarante nuits. sans désemparer.

Au jour dit, vint la lie de la chevalerie médiévale. Une volée de sorcières ricanantes - venues tout spécialement d'Anderlizona*- survolait le cortège, traçant dans l'air un sillage fourchu.

Courbés sur des haridelles claudicantes et flasques, les preux avançaient, hirsutes et trempés. Les fanions et plumets déteignaient et s'éclaboussaient de boue. Les heaumes étaient bosselés, les armures rouillées et les cottes rapiécées. Des pendus goguenards s'esclaffaient au passage, à peine distraits par les corbeaux qui leur arrachaient les yeux.

De temps en temps certaiens gueux brandissaient avec un cri enroué une lance tronquée, une épée ébréchée ou un écu fêlé. A ces clameurs vagues glapissaient en écho les gargouilles de Notre-Dame d'Hauplodzkoffyieh**.

Une pluie persistante perçait les fourrures et glaçait les membres. Le sol boueux fit glisser plus d'une rosse, étalant son cavalier dans un fracas de ferraille tordue. Amassés aux grilles du cimetière, squelettes et spectres blêmes se gaussaient du spectacle, agitant vers les passants des phalanges d'os moisi et dodeliant du crâne.

Tous les preux avaient les trait tirés, l'oeil morne et la goutte au nez. L'haleine grise des chevaux enveloppait à mi-cuisse d'une buée blanchâtre le cortège résigné. Il faisait froid, humide et désolé. Au loin, balais, faux et lances de lansquenets fantômes se balançaient au bout des nuages.

Idier, frissonant dans sa pelisse de panthère, s'adressa à voix basse à l'évêque de Bouillonfroy :

- C'est avec ces piteuse épaves, dont se moquent les Esprits, que je vais éblouir la Légende ?

Tous deux étaient assis dans la tribune dressée près de la Chapelle Sainte-Hildegarde pour l'accueil des Chevaliers. L'évêque Godechaud répondit d'un ton pénétré :

- Les autres, les fringants, les beaux, les invincibles ont déjà tous servi. L'Epopée, prodigue en des temps plus prospères, nous refile ses laissés pour compte, son rebut, ses invendus, pour cause de pénurie du Merveilleux. La chevalerie a mangé son pain blanc. Ne chicanez pas sur la matière épique; à vous de transformer cette boue en cristal.

- Je suis homme de bataille et non alchimiste (comme le légendaire Offenbach-Moltieri***), répliqua le roi. Ces miteux s'envoleront au premier vent, basculeront au moindre moulin ! Par Saint-Dupont je...

- Parlez ! Dites à ces gueux qu'ils sont les magnifiques héros d'une Epopée prévue dans le tracé des astres et inscrits dans les papyrus d'Alexandrie****, que tous descendent d'un dieu, ou demi-dieu,que gloire et renom les attendent à Hernakéron pour le plus belle prouesse qu...

- Vous savez bien, Monseigneur, qu'il n'en sera rien.

-La belle affaire ! Il leur suffira de croire pour que cela soit ! Et nous vaincrons Hernakéron !

Icy le conte... mais je crois l'avoir dict.

*Voir "La Samba des Iguanodons" de la même hauteur

** Voir "Histoire de la Szyldavie", d'Ernst Kanterbraüwicz, éditions de Klohow (à paraître sur AA)

***Voir "La Comète de Fugger, éditions Scribay, des Soeurs Mona & Lisette

**** Claude François, Mémoires écrits sous la douche, Revue de l'EDF